Michèle Métail

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Michèle Métail
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Michèle Métail, née le à Paris, est une créatrice de « poèmes sonores ». Elle est la première femme cooptée à l'Oulipo en 1975, mais s'en éloigne à partir de 1998.

Elle reçoit en 2018 le prix Bernard Heidsieck d'honneur pour l'ensemble de son œuvre.

Parcours[modifier | modifier le code]

Après des études d’allemand, Michèle Métail passe un doctorat de chinois portant sur la poésie chinoise ancienne[1]. Elle y montre que des pans entiers de cette poésie reposent sur des techniques comme celle du palindrome, horizontal ou vertical, ainsi que sur l'utilisation des ressources d'une combinatoire particulièrement raffinée[2].

Elle suit assidûment les activités du Groupe d'études et de réalisations musicales, et rencontre Karlheinz Stockhausen, dont les méthodes de composition ont sur elle une forte influence[3]. Elle se dit proche du groupe poétique expérimental Wiener Gruppe[2].

Entrée à l'Oulipo en 1975 sur proposition de François Le Lionnais, elle s'en éloigne en 1998 pour des raisons littéraires : « J’ai commencé à remettre en cause ce principe fondateur de l’invention d’une contrainte qui puisse être reprise par d’autres auteurs, même s’ils la font évoluer. […] Cette dimension de l’oralité, de la voix de l’auteur projetant son texte a été ignorée par l’Oulipo, qui s’en tient ou s’en tenait à une tradition livresque. Ne reprendre que la "contrainte" d’aligner six substantifs équivaut à supprimer la couleur dans un tableau. Il manque une dimension[4]. »

Refusant le texte imprimé, elle pratique des « publications orales », lectures performées où elle déroule de longs rouleaux de texte, parfois accompagnées d'un gong, parfois devant un écran, les supports de lecture variant à chaque fois[3].

Œuvres principales[modifier | modifier le code]

Compléments de noms[modifier | modifier le code]

Ce poème, commencé en 1973, est constitué uniquement d'une suite de substantifs reliés entre eux par « de ». À chaque vers, le complément de nom final disparaît au profit d'un autre, placé au début. La structure initiale provient de la traduction d’un nom composé allemand fait d’agglutinations : der Donaudampfschiffahrtsgesellschaftskapitän (de) (le capitaine de la compagnie des voyages en bateau à vapeur du Danube)

9899 : la douceur de la mollesse de la substance de la moelle de l'os du périoste
9900 : l'angevine de la douceur de la mollesse de la substance de la moelle de l'os
9901 : la nostalgie de l'angevine de la douceur de la mollesse de la substance de la moelle
9902 : le désœuvrement de la nostalgie de l'angevine de la douceur de la mollesse de la substance

En 2002, elle compose un passage autonome en allemand, 2888 vers évoquant les 2 888 kilomètres du cours du Danube, « comme un bras qui diverge, s’écartant du cours principal ». Et en 2012, un nouveau passage autonome, en français, « avec une numérotation des vers calquée sur celle, kilométrique, du Danube, dont la longueur est calculée à partir de l’embouchure pour remonter vers l’une de ses sources en Forêt Noire. À l’échelle d’un vers pour un kilomètre, de 0000 à 2888 puis de 2888 à 0000, les deux livres symbolisent donc un aller-retour entre deux langues, l’allemand langue source et le français »[5].

Compléments de noms, qui vise à utiliser l'exhaustivité du lexique, mais en n'utilisant chaque mot qu'une seule fois, « amène à une dérive extrêmement rapide du sens. Chaque mot nouvellement introduit, répété six fois, a le temps d'être perçu, solidement, pourtant le texte ne cesse de se dérouler, à toute vitesse, irrémédiablement et de manière imprévisible[6] ».

Le choix des mots qui se succèdent ne doit rien au hasard : sont particulièrement recherchées et organisées des figures de rhétorique comme l'apophonie, l'allitération, la catachrèse, l'apocope, la rime ou l'homophonie.

Lors des lectures, des grilles sont superposées au texte, basées sur trois paramètres : le débit (lent à rapide), la nuance (faible à fort) et le caractère (doux à coléreux). Ces grilles sont établies en fonction du lieu de lecture, à partir des relevés météorologiques de la ville, de l'annuaire des marées, ou de tout autre système préalablement défini[7].

Gigantextes[modifier | modifier le code]

Cette série de 13 œuvres, commencée en 1979, associe au travail poétique un travail de calligraphie et d'art plastique. Par exemple, le Gigantexte no 2, Zone pavillonnaire, dresse la liste de 29 expressions courantes dans lesquelles apparaît le mot “pavillon” (pavillon de chasse, pavillon de banlieue, pavillon de l’oreille...), transposées sur toile dans le code international des signaux maritimes[8].

Autant textes à regarder et images à lire, les Gigantextes « déplaçant et agrandissant l’espace traditionnellement et culturellement dévolu au texte, articulent littéralité langagière et matérialité médiatique en ce qu’ils promeuvent la lisualité de l’écrit (via l’écriture manuscrite, la calligraphie ou encore les caractères d’affiche), la visualité iconotextuelle (via l’utilisation du collage, des insertions à l’acrylique au fil du texte) et l’existence sensible du médium comme élément de la signification[9] ».

Portraits-robots[modifier | modifier le code]

Les Portraits-robots sont constitués de 102 portraits de personnes ou de professions, en 10 expressions mises sous forme d'inventaire, regroupés en 8 chapitres, présentés en rectangles gris à raison de deux par page. Chaque ligne renvoie en général à une partie du corps.

Tiré par les cheveux
Cul par-dessus tête
Cœur sur les lèvres
Doigt dans l’œil
Main à l'oreille
Sens dessus dessous
Nerfs en boule
Geste à la parole
La mort dans l'âme
Paradis artificiel

Le Paumé de la Gare du Nord

« Portraits charges ou évocations plus amicales, peintures d’inconnus ou allusions à des écrivains, philosophes, artistes. On s’amusera à retrouver Voltaire, Rousseau, Einstein, Onassis, Maria Callas, Robert Musil et bien d’autres. L’important est l’énergie concentrée de ces textes précis qui amplifient sous nos yeux la puissance d’engendrement de la langue, sans cesser d’être drôles ou intrigants[10] ».

Autres œuvres[modifier | modifier le code]

Les Poèmes topographiques, série commencée en 1973, sont construits à partir de relevés toponymiques effectués sur des cartes géographiques, réorganisés en fonction de critères sémantiques ou phonétiques.

Cent pour cent, réalisé avec Louis Roquin, est une œuvre à la fois sonore et visuelle, un leporello dont chaque page comprend trois niveaux : un collage d'instruments, une partition visuelle, un poème. Celui-ci est écrit à partir d'un mot contenant le son [san] et n'emploie que les lettres de ce mot.

Toponyme : Berlin est constitué de photographies prises dans les reflets vitrés des immeubles modernes, associées à des poèmes reprenant les dimensions des images, tirées en 10 x 15, soit 10 vers de 15 lettres chacun.

Bibliothèque oulipienne[modifier | modifier le code]

  • Portraits-Robots, BO fascicule 21, 1982.
  • Cinquante poèmes corpusculaires, fascicule 33, 1986.
  • Filigranes, fascicule 34, 1986.
  • Cinquante poèmes oscillatoires, fascicule 35, 1986.
  • Petit atlas géo-homophonique des départements de la France métropolitaine et d'outre-mer, fascicule 39, 1990 : « J’ai extrait de l’Encyclopédie Larousse la carte de chaque département français, j’ai relevé les noms de lieux y figurant, à partir desquels j’ai écrit un petit texte purement homophonique[11] ».
  • Cinquante poèmes oligogrammes, fascicule 50, 1990 : « Il s’agit d’une variante à la fois du lipogramme et de la contrainte « le beau présent » de Georges Perec. Je prends une locution française, par exemple « de but en blanc », et je tente de produire un texte qui soit en rapport sémantique avec elle, en utilisant uniquement les lettres offertes par l’expression elle-même[11] ».

Éditions[modifier | modifier le code]

  • Michèle Métail, Louis Roquin, Cent pour cent, Despalles éditions, 1998[12]
  • Berlin, Trois rues et vues, Tarabuste, 2019 (ISBN 978-2-84587-427-5)
  • Le cours du Danube – en 2 888 kilomètres/vers… l'infini, Les Presses du réel, 2018 (ISBN 978-2-37896-013-1)
  • Portraits-robots, Les Presses du réel, 2019 (ISBN 978-2-37896-056-8)
  • Mono-multi-logues – Hors-textes & Publications orales (1973-2019), Les Presses du réel, 2020 (ISBN 978-2-37896-163-3)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Poétique curieuse dans la Chine ancienne : analyse des poèmes de formes variées » sur theses.fr.
  2. a et b Bloomfield 2017, p. 402.
  3. a et b Bloomfield 2017, p. 403.
  4. Femme, Oulipo, poésie sonore, musique, entretien avec Camille Bloomfield, 2017.
  5. Compléments de noms : Poème infini
  6. Alain Frontier, Le Danube, Tartalacrème, n° 31, février 1984, cité dans Bloomfield 2017, p. 404
  7. Michèle Métail, Première décennie - Compléments de noms 1973-1983, Cahiers Loques, non daté. Cité dans Bloomfield 2017, p. 405.
  8. Description détaillée des ''Gigantextes'', avec illustrations, dans Royère 2017.
  9. Royère 2017.
  10. Alain Nicolas, « Le propre du figuré dans Portraits-Robots », L'Humanité, 6 juin 2019
  11. a et b Entretien avec Vincent Barras, dans Poésies sonores, Genève, Contrechamps, 1992
  12. Louis Roquin, Cent pour cent, F. Despalles, (lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Entretiens[modifier | modifier le code]

  • Entretien avec Vincent Barras, dans Poésies sonores, Genève, Contrechamps, 1992. Lire en ligne.
  • Femme, Oulipo, poésie sonore, musique, entretien avec Camille Bloomfield, 2017. Lire en ligne.
  • Poésie : travaux publics, entretien avec Anne-Christine Royère, Les Presses du réel, 2019. Lire en ligne.
  • Entretien avec Emmanuèle Jawad, Diacritik, 9 mai 2019. Lire en ligne.

Ouvrages critiques[modifier | modifier le code]

Articles critiques[modifier | modifier le code]

  • Anne-Christine Royère, « Poésie, “matière d’images” : les Gigantextes de Michèle Métail », Textimage,‎ . Lire en ligne sur hal.univ-reims.fr.
  • Anne-Christine Royère, « Michèle Métail : poésie publique : in Olivier Penot-Lacassagne et Gaëlle Théval », Poésie & performance, Éditions nouvelles Cécile Defaut,‎ . Lire en ligne sur hal.univ-reims.fr.
  • Alain Nicolas, « Le propre du figuré dans Portraits-Robots », L'Humanité,‎ . Dossier de presse sur lespressesdureel.com.
  • Cécile de Bary, « Michèle Métail, un travail à plusieurs dimensions », Acta fabula, vol. 21, no 9,‎ (lire en ligne).
  • Charlène Clonts, « Répétitions et variations dans les listes vi-lisibles de Michèle Métail », Formes poétiques contemporaines,‎ (lire en ligne).

Liens externes[modifier | modifier le code]

Lien audio[modifier | modifier le code]

Lien vidéo[modifier | modifier le code]

Notices d'autorité[modifier | modifier le code]