Comité d'action pédérastique révolutionnaire

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Le Comité d’action pédérastique révolutionnaire (CAPR) apparaît en mai 1968 lors de l’occupation de la Sorbonne. Ses deux seuls membres sont Guillaume Charpentier[n 1] et son ami Stéphane.

Histoire[modifier | modifier le code]

Mai 68 en France est caractérisé par de grandes manifestations, une grève générale et sauvage et des occupations, notamment celle de la Sorbonne. Les événements de mai 1968 ont pour conséquence un affaiblissement du respect de l’autorité et sont caractérisés de « révolution morale »[1]. Elle entraîne un changement radical des comportements sexuels des français et a un impact fort sur les valeurs et tabous, venant changer le regard de la population sur les relations sexuelles.

Guillaume Charpentier est né en 1938, d’une mère savoyarde et d’un père breton. Dans une interview de 1988[2], il insiste lui-même sur ses origines populaires. Ses parents, tous deux domestiques, avaient déménagé à Paris du fait de leurs emplois. Sa situation fait qu’il se qualifie de « pédé du peuple »[2] pour qui Arcadie, trop bourgeois, a peu d’attrait.  Il obtient son baccalauréat en 1963 et étudie ensuite les lettres classiques à la Sorbonne. Lors de ses années d’études, il est surveillant au lycée Saint-Louis et prépare l’agrégation de lettres classiques qu’il devait passer en 1968. Cependant, il boycotte l’agrégation en 1968 et en 1969 et ne la passera finalement jamais.

Ce que certains considèrent comme leur problème principal, l’homosexualité, n’est pas abordée par les étudiants en contestation à la Sorbonne[3]. Ainsi, mi-mai, après plusieurs jours d’agitation et d’occupation, Guillaume Charpentier et son ami Stéphane rédigent à l'Écritoire (un café place de la Sorbonne) un manifeste au nom du Comité d’action pédérastique révolutionnaire (CAPR)[n 2]. Ils collent huit exemplaires manuscrits de ce manifeste sur les murs de la Sorbonne qui sont aussitôt arrachés. Ils collent de nouveau une dizaine d’affiches le lendemain, dont seuls un ou deux exemplaires ne sont pas arrachés. Un millier de tracts sont également distribués à l'Odéon et dans les « tasses » de Paris[4]. L'existence du CAPR est très éphémère et après environ deux semaines, c'est déjà la fin.

L'année d'après, en juin 1969, Charpentier part aux États-Unis. Il arrive au moment des émeutes de Stonewall à New York, auxquelles il assiste. Même si l'existence du CAPR est brève, le comité reste important car il marque un tournant en élevant la question de l’homosexualité au rang de question politique, rompant ainsi avec la tradition arcadienne. De retour en France en septembre 1970, fort de ses expériences américaines, Charpentier sera à l'avant-garde du Front homosexuel d'action révolutionnaire. Les actions du CAPR sont à l'origine du FHAR selon leur «Rapport contre la normalité » de 1971[4].

Manifeste[modifier | modifier le code]

Il n’existe plus aucun exemplaire du manifeste, mais il est retranscrit et publié par le journaliste et historien Pierre Hahn en 1970. L'historien Michael Sibalis précise que Pierre Hahn ne recopie pas un passage traitant les membres d'Arcadie de « vieilles marquises réacs » car, lui même arcadien, il jugeait la critique trop vive[5]. Le manifeste est recopié tel que suit:

Émus et profondément bouleversés par la répression civile et policière qui s’exerce à l’endroit de toutes les minorités érotiques (homosexuels, voyeurs, maso., partouzes), le Comité d’Action Pédérastique Révolutionnaire dénonce la restriction des possibilités amoureuses qui sévit en Occident depuis l’avènement du judéo-christianisme. Les exemples de cette répression odieuses ne manquent pas ; vous les avez sous les yeux à chaque instant ; les inscriptions et les dessins dans les chiottes de la Sorbonne et autres ; les passages à tabac d’homosexuels par la police ou par des civils rétrogrades ; la mise en fiche policière, en général, l’attitude de soumission, les yeux de chiens battus, le genre rase-les-murs de l’homosexuel type ; les carrières brisées, l’isolement et la mise au secret qui sont le lot de toutes les minorités érotiques. Pour un glorieux Jean Genet, cent mille pédérastes honteux, condamnés au malheur.

Le C.A.P.R. lance un appel pour que vous, pédérastes, lesbiennes, etc..., preniez conscience de votre droit à exprimer en toute liberté vos options ou vos particularités amoureuses et à promouvoir par votre exemple une véritable libération sexuelle dont les prétendues majorités sexuelles ont tout autant besoin que nous (...)

(Un homme sur 20 est pd; sur 4 milliards de la population mondiale, ça fait 200 millions de pd). NON PAS L’AMOUR ET LA MORT, MAIS L’AMOUR ET LA LIBERTÉ.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Collectif : Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire, Rapport contre la normalité, Paris, éditions champ libre, 1971 (réédition de 1976) (ISBN 2-85184-058-4)
  • Guillaume Charpentier, « Le sacerdoce de l’activiste », Têtu, 54, mars 2001, p. 97-99.
  • Mathias Quéré, Qui sème le vent récolte la tapette : Une histoire des Groupes de libération homosexuels en France de 1974 à 1979, Lyon, Tahin Party, 2019. (ISBN 978-2-912631-35-0)
  • Michael Sibalis, « Mai 68 : le Comité d’Action Pédérastique Révolutionnaire occupe la Sorbonne », Genre, sexualité et société, (10), 2013. [lire en ligne]
  • « Pour un glorieux Jean Genet, cent mille pédérastes honteux », Trou Noir, 2020. [lire en ligne]
  • Xavier Héraud, «Le FHAR, histoire d'une flamboyance révolutionnaire », Têtu, juillet 2021.

Dans la fiction[modifier | modifier le code]

  • Dominique Fernandez, L'étoile rose, Grasset, 1978.
  • Ma Saison Super 8, Alessandro Avelis, Antiprod, 2005.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Guillaume Charpentier a écrit et donné des interviews sous le pseudonyme « Guy Rey » et il est parfois évoqué sous le pseudonyme « Guy Chevalier ».
  2. Charpentier précise que le choix du mot pédéraste dans le nom du comité n'a rien à voir avec la pédophilie. Pour expliquer ce choix, il fait référence à l'imaginaire érotique gréco-romain, les œuvres de Gide, Montherlant, et Pasolini. C'est une façon d'utiliser l'injure «pédé » à leur avantage, dans le but de choquer. (Guillaume Charpentier, transcription d’une interview du 30 juillet 2008 par Michael Sibalis avec corrections et additions de la main de Charpentier.)

Références[modifier | modifier le code]

  1. Henri Mendras, La seconde Révolution française: 1965-1984, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », (ISBN 978-2-07-071452-0), p. 288-310
  2. a et b Guillaume Charpentier [sous le pseudonyme de « Guy Rey »], « Mai 68, dans la Sorbonne occupée », Mec Magazine, 1, mars 1988, p. 30-33 (republié dans Le Bitoux, 2005, p. 81-92).
  3. Guillaume Charpentier, « Le sacerdoce de l’activiste », Têtu, 54, mars 2001, p. 97-99.
  4. a et b Collectif : Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire, Rapport contre la normalité, Paris, éditions champ libre, 1971 (réédition de 1976) (ISBN 2-85184-058-4)
  5. Michael Sibalis, « Mai 68 : le Comité d’Action Pédérastique Révolutionnaire occupe la Sorbonne », Genre, sexualité & société, no 10,‎ (ISSN 2104-3736, DOI 10.4000/gss.3009, lire en ligne, consulté le )