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Naissance du système de l’apprentissage en France[modifier | modifier le code]

Dans l'histoire du système éducatif en France, l'enseignement technique industriel et commercial ou l'enseignement professionnel ont eu beaucoup de mal à émerger. C’est à l’histoire de ce début d’émergence que s’attache cet article « Naissance du système de l’apprentissage en France », qui va de la crise de l’apprentissage au XIXème siècle à la loi Astier en 1919 et à sa mise en œuvre. Dans cette émergence, une association, l’AFDET, Association française pour le développement de l’enseignement technique, créée en 1902 pour faire face à la crise de l’apprentissage a joué un rôle majeur[1]. Cet article, « Naissance du système de l’apprentissage en France », est un article détaillé, associé à l’article global, « AFDET, Association Française pour le Développement de l’Enseignement Technique».

La crise de l'apprentissage à la fin du XIXème siècle et la création de l'AFDET en 1902[modifier | modifier le code]

La crise de l'apprentissage à la fin du XIXème siècle[modifier | modifier le code]

Le XIXème siècle, siècle de la première Révolution industrielle concentrant dans les usines les hommes et les machines pour la production de masse, est marquée en France par une dégradation quantitative et qualitative de l'apprentissage[2].

Les grandes industries - L'usine de carreaux en céramique de Lambersart dans le département du Nord

La loi du 22 février 1851 crée le contrat d'apprentissage faisant obligation à l'employeur de donner à l'apprenti souvent analphabète le temps d'acquérir les notions élémentaires de lecture, écriture, calcul. Mais sans contrôle, dix ans plus tard, la loi n'est appliquée qu'à 1% environ de l'effectif ouvrier. La France a pris un retard considérable en matière industrielle, retard dont l'ampleur apparaît lors de l'Exposition universelle de Paris en 1867, et plus encore lors de la défaite de 1870 face à l'Allemagne où se forme une main d'œuvre qualifiée dans les ateliers-écoles[3].

La loi du 11 décembre 1880, considérée comme le premier texte de l'enseignement technique français, tente de résoudre la crise récurrente de l'apprentissage. Créant les «écoles manuelles d'apprentissage» à l'initiative des communes, départements, professions, associations et qui peuvent être subventionnées par les deux ministères, elle marque une évolution de l’État à l’égard de l’enseignement technique. Elle vise à développer chez les jeunes gens qui se destinent aux professions manuelles la dextérité nécessaire et les connaissances techniques. Par son décret d'application du 30 juillet 1881 elle distingue deux catégories d'établissements techniques, l'une à l'origine des premières écoles « nationales professionnelles » à l'initiative du ministère du Commerce et de l'Industrie, l'autre concerne les « écoles primaires supérieures professionnelles» initiée ministère de l'Instruction publique. Elle engage un embryon d'organisation de l'apprentissage, placé sous la double tutelle des deux ministères précités à partir de 1888[4].

Le décret du 17 mars 1883 place ces écoles sous la double autorité du ministre de l'Instruction publique et du ministre du Commerce et de l'Industrie. D'autre part elle assimile les Ecoles Primaires Supérieures (EPS créées par la loi Guizot sur l'instruction primaire du 28 juin 1833[5]) qui ont des sections professionnelles aux écoles manuelles d'apprentissage. Celles-ci sont sous le régime du condominium des ministères de l'Instruction publique et du Commerce et de l'Industrie. Enfin elle crée les premières Ecoles Nationales Professionnelles (ENP) qui sont fondées à Voiron, Vierzon et Armentières par le décret du 9 juillet 1881. Les ENP sont gérées par l'Etat sous la double tutelle (elles deviendront en 1960 les lycées techniques d'Etat[6]). Mais l'articulation entre les classes primaires et les ENP se fait mal et le système sera progressivement abandonné en 1906[7].

En 1892 sont créées les Ecoles pratiques de commerce et d'industrie (EPCI, par transformation des écoles primaires supérieures avec des sections professionnelles. Les Ecoles Primaires Supérieures (EPS), qui avaient des sections professionnelles avec des activités d’ateliers et dont l’objet est de préparer à l’apprentissage dans le prolongement de l’école primaire, prennent la nomination d’EPCI, n’étant plus sous la double tutelle des deux ministères. Elles sont rattachées au ministère du Commerce et de l'Industrie. Elles ont vocation à former des employés de commerce et des ouvriers pour le comptoir et l'atelier. L'enseignement professionnel court est né. Leurs élèves ne sont que 5406 sur un total de 26930 élèves en 1905 dans les écoles primaires supérieures.

Sous l'influence d'Alexandre Millerand, alors ministre du Commerce, les premières écoles nationales professionnelles par la loi de finances du 23 avril 1900 sont rattachées au ministère du Commerce et de l'industrie. On lui doit aussi le vote de la loi du 27 décembre 1900 qui place sous l'autorité de son ministère les écoles professionnelles de la Ville de Paris. Ainsi, au début du XXe siècle, comme l'explique Françoise Meylan, tout l'enseignement technique industriel et commercial, de l'apprentissage aux écoles d'ingénieurs, ressort du ministère du Commerce et de l'Industrie, disposant d'un corps enseignant spécifique, en liaison étroite avec les milieux professionnels[4].

1902, la création de l’AFDET dans la crise de l'apprentissage[modifier | modifier le code]

La Grande dépression de 1873 à 1896 aggrave, dans les années 1890, la « crise de l’apprentissage ». En final, au début du XXème siècle la scolarisation est limité à la formation des élites ouvrières. Pour 900000 jeunes de moins de 18 ans employés dans le commerce et l'industrie sans formation préalable, au total 65000 suivent un enseignement professionnel[8]. La création de l’AFDET intervient dans ce contexte de crise de l'apprentissage, un an presque jour pour jour après la promulgation de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, appelée loi 1901, à l'initiative du président du Conseil et Ministre de l'Intérieur et des Cultes, Pierre Waldek-Rousseau. Ces fondateurs sont des personnalités persuadées du bien fondé de développer la formation des jeunes en relation avec le ministère du Commerce et de l'Industrie. On y trouve des représentants des secteurs industriels de pointe, dont ceux de la puissante UIMM (Union des Industries métallurgiques et minières), de grandes entreprises commerciales et bancaires, des représentants du monde économique de l’artisanat ; mais aussi des personnalités politiques des régions où l'économie locale s'appuie sur ce type d'industrie et de commerce, comme celle du Nord de la France, des parlementaires, des hauts fonctionnaires, et des promoteurs de formation professionnelle. Ils appellent à adhérer à l'initiative de créer cette Association. . Le succès de la démarche aboutit à la constitution d'un Comité provisoire et à la convocation de l'assemblée générale le 25 juin 1902, regroupant 120 personnes. Paul Buquet, Directeur de l'Ecole centrale des Arts et Manufactures, préside la séance qui rappelle dans les interventions la genèse et les objectifs de l'association, vote les statuts et élit son président et son bureau. Le Ministre des Travaux publics en exercice, ancien ministre du Commerce et de l’Industrie et député de l’Aveyron, Émile Maruéjouls[9], est élu premier président de l’association. Le Ministre du Commerce et de l’Industrie en exercice, Georges Trouillot, en est président d’honneur. Parmi les personnalités élues, Paul Buquet, membre du Conseil supérieur de l'Enseignement technique, Modeste Leroy, entrepreneur et député de l'Eure qui deviendra le second président de l'AFDET en 1907. Le Secrétaire général est Emile Paris, directeur de l'Ecole commerciale de Paris, membre du Comité permanent international des Congrès de l'Enseignement technique[10].

Le débat entre deux conceptions de l'enseignement professionnel[modifier | modifier le code]

Les débats de cette époque opposent ceux qui voudraient rattacher l’enseignement professionnel pratiqué dans les EPCI (écoles pratiques de commerce et d’industrie) au ministère de l’Instruction publique à ceux qui critiquent l’absence de formation pratique des écoles primaires supérieures, et défendent le développement de l’enseignement technique dans les EPCI et les ENP au sein du ministère du Commerce et de l’Industrie. L’AFDET intervient régulièrement à l’instar de son nouveau Président, Modeste Leroy, élu en 1907, qui défend que «l’enseignement technique, instrument indispensable de l’industrie et du commerce, doit être au centre des préoccupations nationales. Il voit dans cet enseignement l’égal des autres, à la fois par sa valeur pratique et parce qu’il peut servir d’aliment à une culture nouvelle. Il croit que l’enseignement technique, associé à l’enseignement scientifique supérieur, est seul capable de former des ingénieurs de métiers, que le périmètre de la culture technique est immense, qu’elle peut renouveler les thèmes littéraires, animer le mouvement scientifique, servir même d’aliment à la création artistique[11]».

Apprentissage avec un maître d'apprentissage (20)

Dans la lutte d’influence entre les administrations du ministère de l’Instruction publique qui voudrait rattacher sous son aile tous les types d’enseignement, général et professionnel, et du ministère du Commerce et de l’Industrie qui se préoccupe de répondre aux besoins en qualifications du monde économique, l’AFDET a pris parti en faveur des écoles pratiques de commerce et d’industrie (EPCI), nées de la loi de finances du 26 janvier 1892. Celles-ci sont sous la tutelle du ministère du Commerce et de l’Industrie. Ces EPCI sont plus nettement orientées vers la connaissance concrète d’un métier. On y rentre à 12 ou 13 ans par un concours accessibles aux élèves titulaires du certificat d’étude primaire. Le parcours est de trois ans et associe enseignement professionnel théorique et pratique, l’activité pratique se renforçant progressivement au cours de la scolarité.

Le bulletin de l’AFDET informe ses lecteurs des conditions de déroulement de l’enseignement et compte ainsi qu’ils amènent les communes à ouvrir des EPCI. Ils sont au nombre de 12 en 1892, 35 en 1900. Le conseil de perfectionnement de ces écoles est présidé par le Maire et se compose de membres nommés par le ministre, dont l’inspecteur départemental de l’Enseignement technique, choisi par les industriels, commerçants ou ingénieurs civils de la région, et d’autres nommés par le conseil municipal, qui sont majoritaires. L’enseignement est de trois ans, avec en moyenne 5 heures par jour d’atelier. Des cours publics du soir peuvent être aussi délivrés dans ces écoles pour la formation technique des adultes.

ARMENTIÈRES École Nationale Professionnelle (ENP)

De nombreuses Écoles supérieures et d’associations d’anciens élèves de d’Écoles prestigieuses sont parmi les membres fondateurs. C'est le cas d'une personnalité marquante dans le développement de l'Enseignement technique, Edmond Labbé, directeur de l'ENP d'Armentières dont il assurera un rayonnement régional, puis inspecteur général et directeur de l'Enseignement technique au ministère du Commerce et de l'Industrie à partir de 1915, jusqu'en 1933[12]. Edouard Herriot, président de l'AFDET de 1930 à 1952, s'adressant à lui lors de la fête en son honneur lors de son départ à la retraite, déclara : «La résurrection de l'enseignement technique, c'est votre œuvre ; ce n'est pas l'œuvre d'un autre, c'est votre création. C'est vous qui avez donné vie à cet enseignement et qui l'avez mis dans un tel état qu'à l'heure actuelle, il est à l'abri de tout danger». Le Nord joue un rôle de premier plan dans la construction d’un enseignement technique structuré et nombre de ses institutions et personnalités adhèrent à l’AFDET, apportant leur expérience à la réflexion sur l’écriture d’une loi sur l’enseignement technique. Le Congrès de l’apprentissage de Roubaix en 1911, porté par l'AFDET, jouera un rôle déterminant dans ce combat qui à aboutira au vote de la loi Astier en 1919.


La lente élaboration de la loi sur l’apprentissage et le rôle de l’AFDET (1900-1919)[modifier | modifier le code]

Un travail d'enquête préparant le travail législatif[modifier | modifier le code]

S’appuyant sur une enquête de 1902 de l’Office du travail sur les conditions de l’apprentissage industriel et son constat alarmant de sa disparition en France, du fait de l’extrême division du travail dans la grande usine qui ne permet plus de former des apprentis, l’AFDET engage dès 1903 une étude des formes à donner à l’enseignement professionnel pour les apprentis. Son bulletin n°1 de janvier 1903 reprenant les vœux du Conseil supérieur du travail montre aussi à quels obstacles se heurtent ces préconisations : instruction professionnelle en rapport avec le métier choisi et exercé du jeune de moins de 18 ans ; instruction théorique et pratique obligatoire et gratuite ; formation des enfants non apprentis recevant l’instruction professionnelle dans des écoles organisée sur les mêmes bases que celles des apprentis en entreprises. Mais si cette instruction ne peut être donnée à l’atelier ou si le patron ne veut pas en accepter la responsabilité, faut-il rendre obligatoire les cours dans l’entreprise ou dans des écoles professionnelles ? Comment et où les organiser ? Sur le temps de travail ? Qui les financera ? Qui créera ces institutions ?

Centre d'apprentissage (23)

Dans quelles conditions sont obtenus les meilleurs résultats, pour les ouvriers formés dans les écoles de formation professionnelle ou pour ceux qui ont appris leur métier exclusivement dans des ateliers industriels ?  Et là, les réponses sont contradictoires, soulignant les questions de fond auxquelles doit répondre l’apprentissage. D’un côté, les élèves sortant des écoles professionnelles ayant une réelle pratique d’atelier renforcée par l’acquisition de connaissances théoriques sont plus appréciés professionnellement que ceux dont l’apprentissage s’est fait exclusivement dans l’atelier. D’un autre côté, la Société de protection des apprentis estime que l’apprentissage exclusivement en atelier peut seul donner l’amour du métier en lui montrant qu’il «nourrit son homme et en proportion des capacités qu’il a acquises ; tandis qu’à l’école, l’enfant n’a sous les yeux que des professeurs qui vivent de l’enseignement qu’ils lui donnent et non du métier qu’ils lui apprennent ». Elle argumente de plus : « l’enfant ne faisant que s’exercer sur la matière sans fabriquer des produits marchands qui ne sauraient être obtenus, dans la plupart des cas, sans la collaboration d’un certain nombre d’ouvriers , ne prend pas conscience de la valeur qu’il lui communique par son travail, pas plus que la capacité de production qu’il acquiert lui-même ».

En 1905, Fernand Dubief, député et ancien ministre du Commerce et de l’Industrie, membre d’honneur de l’AFDET, avec Placide Astier, membre fondateur de l’AFDET, dépose un projet de loi sur l’enseignement technique. Le texte comprend cinq titres dont le premier est consacré aux dispositions générales et de principe, le second aux autorités préposées à l’enseignement technique, le quatrième aux écoles privées, le cinquième aux cours professionnels et de perfectionnement. Cette restructuration se ferait sous le contrôle du ministère du Commerce. Deux ans après, l’AFDET relance le débat sur l’apprentissage lors d’une conférence organisée au CNAM. Depuis le dépôt du projet de loi en 1905 il n’a jamais été prévu de mettre ce projet à l’ordre du jour de la Chambre, ce qui montre le peu d’empressement de voir réglé le problème de l’apprentissage des jeunes, bien que moins de 10% des jeunes de 13 à 18 ans sont accueillis dans les établissements techniques de tous niveaux sur les 600 000 jeunes occupés dans le commerce et l’industrie en 1896.

Le 24 juin 1909, Gustave Dron, député et membre du Comité de l’AFDET, dépose un nouveau projet de loi, reprenant les propositions précédentes de Fernand Dubief et Placide Astier en les précisant et les complétant. L’article 1 établit l’obligation d’organiser l’apprentissage, l’article 2 indique comment les cours seront administrés, l’article 3 précise où ils seront établis, l’article 4 traite du contenu des programmes, l’article 5 concerne les locaux et l’article 6 la répartition des dépenses entre l’État, les communes et les entreprises.

Un Congrès de l’apprentissage déterminant à Roubaix (1911)[modifier | modifier le code]

Les usines en France en 1906 Album géographique-

Face au constat alarmant sur l’apprentissage, l’AFDET s’est donné comme tâche, dès sa constitution,  de contribuer à doter la France d’une loi sur l’apprentissage, qui n’aboutira qu’en 1919 et restera dans la mémoire collective sous le nom de loi d’Astier. Elle est déposée dès 1905 sous forme d’un projet de loi à la Chambre des députés par Fernand Dubief, député et ancien ministre du Commerce et de l’Industrie, membre d’honneur de l’AFDET, avec Placide Astier, membre fondateur de l’AFDET, comme rapporteur et son inlassable défenseur. Il est soutenu activement par Modeste Leroy, son président de 1908 à 1912, et relancé en 1909 par son successeur à la tête de l’AFDET, Gustave Dron. Ce dernier dira en 1924 de cette loi[13], « cette malheureuse loi a été ballotée de commissions en commissions, de comités en comités. En a-t-elle connue des inscription pour la forme, mais en pure perte, à l’ordre du jour de la chambre des députés ou du sénat ? L’on ne trouvait jamais le temps d’aborder la discussion d’une loi aussi utilitaire ». Du 2 au 5 octobre 1911 se tient un Congrès de l’apprentissage déterminant à Roubaix, organisé par l’AFDET à l’occasion de l’exposition internationale du Nord de la France. La présence à ce Congrès et la participation à ses travaux du ministre du Commerce, Maurice Couyba, qui en est le président d’honneur, et de Gustave Dron, vice-président de la Chambre des députés, la forte représentation patronale et pour une première fois ouvrière, l’organisation sans faille de cette manifestation militante par l’AFDET, donnent «une signification et une portée considérables à cet évènement[14]». Le ministre du Commerce affirme, à la veille de la clôture du Congrès, que «le problème complexe de l’apprentissage a fait l’objet depuis de longues années de travaux remarquables». Il lance un appel aux industriels qui doivent savoir consentir des sacrifices pour assurer le recrutement de leurs collaborateurs et promet de donner rapidement une suite favorable à quelques-uns de vœux émis par le Congrès. Il rend hommage à l’AFDET pour la qualité du travail accompli en faveur de l’enseignement technique. Il souligne, sous les applaudissements de la salle, que l’éducation technique, professionnelle, pratique doit revenir au ministère du Commerce et de l’Industrie. «L’enseignement technique est fondé en notre pays : il vivra, il prospèrera, parce que ce serait une véritable honte qu’il soit florissant dans les autres pays et que, dans une France républicaine, il ne fût pas appelé à ses plus hautes destinées».

Les propositions de l'AFDET au Congrès de Roubaix[modifier | modifier le code]

Les 103 propositions élaborées par les congressistes et les neuf vœux du Congrès de Roubaix[15]

Le Président de l’AFDET appelle à étudier les 103 propositions qui ont été élaborées par les différentes sections du Congrès, dont Edmond Labbé, Inspecteur général de l’enseignement technique, fait adopter neuf vœux :

·       La limite de la scolarité obligatoire sera fixée à 13 ans au minimum

·       Les dispositions de la loi pouvant nuire à l’apprentissage y seront retirées

·       Les jeunes âgés de moins de 18 ans, employés dans le commerce et l’industrie seront obligés de fréquenter sauf justification de connaissances professionnelles suffisantes les cours d’apprentissage qui seront institués autant que possible dans la journée de travail de manière à ne pas troubler outre mesure le travail de l’atelier et de l’usine ; les chefs d’entreprise seront tenus de leur permettre cette fréquentation.

·       L’élaboration des programmes, la direction seront confiés à des comités locaux d’apprentissage où l’élément professionnel sera prépondérant.

Centre d'apprentissage (32a)

·       Les frais de création, d’entretien et de fonctionnement servant aux cours professionnels seront couverts par moitié par les chefs d’entreprise d’une part, et par l’État et les communes d’autre part.

·       Les écoles professionnelles et les écoles pratiques de commerce et d’industrie seront utilisées pour d’autres cours tant pour les personnels d’enseignement, les locaux, les ateliers et le matériel.

·       Les obligations réciproques imposées aux chefs d’entreprise et aux apprentis seront fixées avec la garantie que l’apprentissage ne leur soit pas dommageable, par un contrat les liant les uns aux autres pendant sa durée.

·       Les certificats de fin d’apprentissage seront remis après examens de délivrance des diplômes constatant la capacité professionnelle des enfants.

·       Dans l’attente de l’organisation de l’apprentissage par la voie législative, des cours professionnels seront institués avec constitution des comités locaux, départementaux et régionaux chargés de concourir à l’orientation professionnelle des cours subventionnés par l’État et à contribuer à l’enseignement technique en s’inspirant des besoins régionaux.

L'écho du Congrès de Roubaix[modifier | modifier le code]

Le Congrès de Roubaix sur l’apprentissage a un large écho dans la presse nationale et étrangère. L’Express de Liège rend compte du Congrès qui «bien que les industriels et les patrons y fussent en grande majorité, a fait preuve d’une certaine hardiesse dans les résolutions concernant la crise de l’apprentissage. En Belgique, nous en sommes encore à réclamer l’instruction primaire obligatoire». Le bulletin de l’AFDET de mai 1912 «La formation professionnelle» montre des prises de position du Congrès et leur impact. Le Moniteur de l’entreprise indique que «le programme du Congrès était très vaste puisqu’il devait s’occuper de réorganisation de l’apprentissage dans toutes les professions industrielles». Le Moniteur des Travaux Publics donne cette appréciation : «le gouvernement n’a qu’à s’inspirer des vœux du Congrès de Roubaix pour présenter au Parlement un projet d’organisation de l’apprentissage professionnel et, ce faisant, il mettra fin à une crise dont les conséquences fâcheuses ne saurait lui échapper».

Fabrication des chaussures Manufacture Spire Nancy 1909

Deux décrets sont très rapidement soumis et signés le 24 octobre 1911 par le Président de la République. Le premier porte sur l’institution des comités locaux, départementaux et régionaux pour développer l’enseignement technique, qui doivent susciter les initiatives privées, coordonner les efforts et multiplier les EPCI. Le deuxième propose la création d’un certificat de capacité professionnelle délivré suite à un examen auquel peuvent se présenter les jeunes de moins de 18 ans employés dans le commerce et l’industrie. Les circulaires issues de ces décrets notent que ce certificat de capacité professionnelle constitue une «une prime au savoir et au travail» des jeunes salariés pour faciliter «l’amélioration de leur situation matérielle». C’est un certificat réservé aux seuls apprentis qui travaillent depuis au moins trois ans. Il n’est ni la sanction des cours professionnels ni celle des formations accomplies au sein du système scolaire. Les élèves des Écoles pratiques, qui, de fait, ne peuvent justifier de trois années de pratiques professionnelle ne sont pas autorisés à se présenter à cet examen qui est conçu comme la sanction spécifique des formations données sur le lieu de travail. L’objectif visé est de privilégier l’apprentissage par rapport à la voie scolaire qui a ses propres certificats[16]. Concernant le premier décret, le programme est élaboré par le comité départemental de l’enseignement technique et l’examen, axé sur la pratique d’un métier, est organisé par des gens de la profession ; en revanche les enseignants des écoles techniques en sont tenus à l’écart.  

La loi Astier sur l’apprentissage (25 juillet 1919)[modifier | modifier le code]

L’élan donné par le Congrès de l’apprentissage de Roubaix interrompu par la guerre de 1914-1918[modifier | modifier le code]

Histoire l'ENET devenue ENSET de Cachan en 1932 et intégrant l'ENS (Ecole Normale Supérieure) en 1985

Dans la foulée de la dynamique du Congrès, la direction de l’AFDET se mobilise pour qu’enfin la question de la formation des enseignants de l’enseignement technique soit résolue. En effet, « la direction de l’enseignement technique n’a pas un seul établissement à mettre au regard des 173 écoles normales d’instituteurs et des 4 écoles normales supérieures de l’Instruction publique[17]». Les discussions sur le budget de l’enseignement technique qui ont lieu à la Chambre des députés et au Sénat relatées dans le bulletin de l’association montrent les débats très vifs en 1911 entre ceux qui refusent ces crédits au nom de ce que les coûts de fonctionnement des établissements techniques et celui du recrutement des professeurs sont plus importants que ceux d’un établissement classique, et la direction de l’AFDET. Finalement, après l’intervention du Ministre du Commerce et de l’Industrie soutenant les propositions de l’AFDET, les crédits sont inscrits et votés dans un article de la loi de finances le 27 janvier 1912. L’ENET, École Normale de l’Enseignement technique, est créée par décret du 26 octobre 1912 et s’installe temporairement dans les locaux de la nouvelle École des Arts et Métiers dans l’attente de ces propres locaux à Cachan … en 1956 ![18]. Fondée en 1912, pour former les professeurs de l'enseignement technique, l'École normale de l'enseignement technique (ENET) devient « supérieure » en 1932 (ENSET), puis intègre en 1985 le cercle prestigieux des grandes écoles en se transformant en École normale supérieure[19].

Après le souhait de Modeste Leroy de ne pas se représenter à la présidence de l’AFDET, Gustave Dron devient le nouveau Président de l’AFDET en 1912. Il est membre du Conseil supérieur de l’enseignement technique et du Conseil de la Ligue de l’enseignement, et il s’est beaucoup investi dans le Congrès de Roubaix, en présentant notamment aux congressistes son action dans sa ville de Tourcoing pour l’organisation de la formation professionnelle des jeunes et des ouvriers en étroite collaboration avec les chefs d’entreprises. Si son prédécesseur était opposé aux mesures en faveur des Écoles primaires supérieures et favorable à développer l’enseignement technique à l’écart de l’Instruction publique, Gustave Dron est favorable à des jumelages entre les Écoles primaires supérieures et les écoles Pratiques du Commerce et de l’Industrie, qu’il a expérimenté dans son département.

Astier, Placide

Pendant ce temps, l’AFDET et Placide Astier se dépensent sans compter contre l’insuffisance des budgets pour l’enseignement technique et l’obligation des cours de perfectionnement. Ils préparent un nouveau Congrès à Lyon en aout 1914. Le déclenchement de la Première guerre mondiale va reléguer au second plan les questions de l’organisation de l’enseignement technique. Le président Gustave Dron s’emploie dans sa ville de Tourcoing, occupée par les Allemands à protéger les populations. Il est bientôt arrêté pour résistance et déporté en Lituanie. Il ne sera libéré qu’après l’Armistice de 1918. Placide Astier et l’AFDET continuent le combat pour l’apprentissage, notamment en faveur de l’orientation professionnelle des jeunes filles et pour la formation professionnelle des femmes qui remplacent maintenant massivement les hommes dans les usines et dans l’agriculture. Placide Astier rappelle dans des cycles de conférences de la Ligue de l’Enseignement que la force économique de l’Allemagne est, avant la guerre et pendant la guerre, est due à la qualité de la formation de sa jeunesse. 500 000 jeunes suivent des cours professionnels, alors qu’en France seuls 100 000 jeunes sont concernés.

L'aboutissement de la loi Astier (25 juillet 1919)[modifier | modifier le code]

L’arrivée de la paix favorise la reprise des activités en France et le retour au premier plan de la question de l’apprentissage. Rentré de captivité, Gustave Dron annonce à l’AFDET en janvier 1919 la demande faite par le ministre du Commerce, Etienne Clémentiel, que celle-ci reprenne son bâton de pèlerin pour répondre à la situation nouvelle de l’après-guerre. Pendant la guerre nombre d’entreprises ont dû faire appel à une main d’œuvre inexpérimentée qui a nécessité de créer des cours de perfectionnement, et l’obligation de formation est maintenant devenue plus largement nécessaire. Les conditions sont favorables pour que la Chambre des députés vote enfin la loi d’Astier déjà approuvée au Sénat plus de deux ans auparavant. Placide Astier est mort en le 6 mars 1918, mais la loi reprend sans grand changement le projet que n’ont cessé de porter les parlementaires, membres de l’AFDET, Fernand Dubief en 1905, Gustave Dron en 1909, Placide Astier et Modeste Leroy.

Certificat d'aptitude professionnelle - 1950 - Rennes

La loi pose les principes de base de l’organisation de l’enseignement technique en France[20] : la combinaison d’un enseignement théorique, général et technique avec une formation pratique pour un métier. « Pour la première fois en France l’enseignement technique prend un caractère officiel et affiche la responsabilité de l’État dans ce domaine. La loi dépasse le cadre de l’apprentissage et met en place une structure de l’enseignement technique industriel et commercial avec des écoles publiques ou privées et des écoles de métiers[1] sous statut scolaire, ainsi que des cours professionnels pour les apprentis et les salariés. Ces établissements publics ou privés qui ont un enseignement industriel ou commercial sont placés sous l’autorité du ministère du Commerce et de l’Industrie. Chaque établissement est dirigé par un conseil d’administration et un conseil de perfectionnement composé majoritairement pour ce dernier de représentants de l’industrie et du commerce ». La loi institue surtout des cours professionnels gratuits , qui peuvent être dispensés par des communes, des départements ou des entreprises, pour tous les jeunes gens et jeunes filles de moins de 18 ans employés dans l’industrie ou le commerce. Un diplôme, le certificat d’aptitude professionnel (CAP), organisé par les départements, sanctionne l’enseignement suivi, via un examen, mi scolaire et mi professionnel, avec des jurys constitués d’un nombre égal de représentants de la profession et de l’enseignement technique. Ce diplôme est un moyen de régulation de l’apprentissage par la certification, tant sur le plan du contenu de formation que sur celui de la définition des qualifications[2]. Pour éviter un rejet de la loi, la loi remet à plus tard l’adoption de dispositions financières, nombre de chefs d’entreprises étant hostiles à la création d’une taxe. Cette taxe d’apprentissage sera instaurée en 1925.

Toutes les préconisations que l’AFDET a élaborées depuis sa création se retrouvent dans la loi du 25 juillet 1919. Il faut maintenant convaincre que l’intérêt pour les métiers techniques se construit dès l’école primaire en introduisant un enseignement manuel dans les programmes. Il reste à faire appliquer cette loi tant attendue, l’AFDET y reste très attachée.

Les suites de la loi Astier[modifier | modifier le code]

Le tournant de 1920 : le retour définitif au ministère de l'Instruction publique[modifier | modifier le code]

Six mois pourtant après le vote de la loi Astier qui maintenait la tutelle de l’enseignement technique au ministère du Commerce et de l’Industrie, par un décret du 20 janvier 1920, l’Enseignement technique est placé sous la tutelle du Ministère de l’Instruction publique, par Alexandre Millerand, devenu Président du Conseil du 20 janvier au 23 septembre1920 puis président de la République jusqu'au 11 juin 1924[21]. Pour faire accepter ce revirement dans la bataille que se livrent les deux ministères depuis plus de vingt ans, est créé en janvier 1920 un sous-secrétaire d’État à l’enseignement technique rattaché à ce ministère. L’éducatif prend le dessus sur le professionnel, note Claude Hui[22].

Ministère de l'Éducation Nationale - Paris - 1

Pour Alexandre Millerand, c'est une question de poids de l'enseignement technique, d’équilibre entre les deux ministères, entre l'Enseignement technique et l'Université. Vingt ans après, la loi Astier venant d'être votée, devenu Président du Conseil, sans doute pense-t-il, que le moment de l’intégration de l’enseignement technique dans l'instruction publique se trouve possible. Il assortit cette intégration sous tutelle de l’Instruction publique par la création d'un sous-secrétaire d’État d'une part, en l'équilibrant par la présidence du Conseil supérieur de l’enseignement technique présidé confiée au ministre du Commerce et de l’industrie. Pierre Coupat, ancien ouvrier et syndicaliste qui a participé activement au Congrès de Roubaix, est le premier sous-secrétaire d’État. Edmond Labbé, l’un des fondateurs de l’AFDET, sera pendant 14 ans, le Directeur de l’enseignement technique.

L’AFDET proteste de ce revirement par les interventions à la Chambre des députés de ses présidents successifs. Modeste Leroy craint que « la puissante maison universitaire ne replonge dans l’ombre ce qui venait de monter à la lumière ». Gustave Dron, tout en appréciant la création du sous-secrétaire d’État, fait part de son désaccord à ce rattachement au ministère de l’Instruction publique « dont le but et les méthodes dans le passé visaient plus particulièrement la culture générale au détriment de l’éducation technique ». La protestation est relayée par les Chambres de commerce qui estiment que l’enseignement technique doit être régional et adapté dans chaque région aux nécessités du commerce et de l’industrie.

L’application de la loi Astier se met en place progressivement[23]. La profession en est le pivot et le centre de tout l’enseignement, technique, moral et civique, où le patronat doit s’investir totalement dans la formation. La revue insiste : « un enseignement technique bien compris, basé sur de solides principes scientifiques ou artistiques est un excellent instrument de culture générale ». Mais les pressions pour supprimer le Sous-secrétariat d’État à l’enseignement technique, pour des raisons budgétaire, se manifestent. En mai 1924, il est supprimé. Les réactions sont immédiates de la part de l’AFDET, comme dans le monde industriel, et l’association obtient la préservation du Sous-secrétariat d’État[24].

L’enseignement technique et l’AFDET à la veille et pendant la guerre de 39-45[modifier | modifier le code]

Un bilan de l’offre de formation est présentée dans la revue en 1939. La progression de l’enseignement technique supérieur est significative, de même dans le second degré (avec 40 ENP, 165 EPCI, les écoles de métiers, les sections techniques des Écoles primaires supérieures et les cours complémentaires). Par contre, seuls 12% des jeunes de moins de 18 ans actifs dans l’industrie et le commerce sont inscrits dans des cours complémentaires. Malgré le chemin parcouru, les objectifs de la loi Astier en 1919 sont loin d’être atteints. La loi Astier a plus servi le développement des formations scolaires que l’apprentissage en entreprise. Le CAP est un diplôme rare[25]. Mais, depuis 1936, le CAP est devenu le critère de référence pour définir le statut d'ouvrier professionnel. Les conditions de la guerre amènent à développer par décret du 21 septembre 1939 les centres de formation professionnelle accélérée.

Par la loi du 4 octobre 1943, le projet de confier à l'Etat le monopole de l'organisation des examens et de la délivrance des diplômes professionnels et techniques est voté[26]. L’AFDET valide cette décision. Cette loi de 1943, validée à la Libération, constitue la référence législative sur laquelle va se fonder toutes les créations de diplômes dans le champ de la formation, jusqu’à l’accord interprofessionnel du 1er mars 1989, instituant les certificats de qualification professionnelle(CQP)[27]. La revue AFDET fait état de la loi Carcopino du 15 août 1941 qui transforme les écoles pratiques de commerce et d’industrie (EPCI) en collèges techniques et les écoles primaires supérieures en collèges modernes[28].

L’organisation des formations professionnelles scolarisées dans l'immédiat après-guerre[modifier | modifier le code]

La formation des ouvriers et employés qualifiés se fait dans les centres de formation professionnelle créés en 1939, qui deviennent centres d'apprentissage, premier échelon de l’enseignement technique, rattachés à la direction de l'enseignement technique de l'Education nationale par le décret du 18 septembre 1944. Ces centres forment les élèves sous statut scolaire à temps plein. Ils sont au nombre de 850 et comptent alors 65000 élèves. Ils constituent le niveau élémentaire de la formation professionnelle scolaire. Les maîtres sont formés dans cinq écoles normales nationales d'apprentissage (ENNA - Ecole normale nationale d'apprentissage) créées en 1945. La formation des cadres de maîtrise se fait dans les anciennes Ecoles pratiques (EPCI), qui prennent l'appellation depuis 1941 de collèges techniques, dans les sections techniques de collèges ou de lycées, ou dans les écoles de métiers et dans les écoles privées. Les ingénieurs et cadres supérieurs du commerce le sont dans des Grandes Ecoles spécialisées[29].

La politique de l’État est désormais résolument favorable à la scolarisation des apprentissages. Avec les centres d’apprentissage, réorganisés en tant que premier échelon de l’enseignement technique, les collèges techniques et les écoles nationales professionnelles connaissent une évolution qui les érige en écoles de niveau secondaire accueillant de futurs techniciens.

L'AFDET s'inquiète d'une conception de l'ennoblissement de l'enseignement technique qui n'aboutirait qu'à un renforcement de la scolarisation académique et qui tendrait à la généralisation excessive de la préparation au baccalauréat au détriment de la formation technique. Elle critique la tendance de nombreux chefs d'établissement de réserver les sections professionnels aux moins bons de leurs élèves. Le Président Jules-Julien se prononce contre l'implantation des sections techniques dans les lycées classiques : « Nous ne voulons pas qu'elles deviennent des sections de décantation où l'on dépose des éléments jugés inassimilables ailleurs[30]».  

La situation dans les années 1950 est la suivante. À cette époque, le primaire et le secondaire ne désignent pas des étapes successives de la scolarité des élèves mais deux types d’enseignement et d’établissement existant parallèlement. En comptant la voie professionnelle, il existait donc trois filières après l’école élémentaire :

- L’enseignement primaire supérieur dispensé pendant quatre ans après le certificat d’études de la sixième à la troisième, soit dans des écoles primaires supérieures (EPS), soit dans des cours complémentaires.

- L’enseignement secondaire, dispensé dans des lycées, qui offrait, après le primaire, un premier et un second cycles allant de la sixième à la terminale.

- Les centres d’apprentissage accueillaient les élèves pendant trois ans après l’école élémentaire.

En 1941, le ministre Jérôme Carcopino a transformé les EPS en collèges modernes et les a intégré dans l’enseignement secondaire. En 1959, les changements de structures se poursuivent avec la réforme Berthoin[31]. Pour faire face aux besoins économiques, le ministre Jean Berthoin prend deux mesures importantes : il fait passer la scolarité obligatoire de 14 à 16 ans et réforme l’organisation du système éducatif. Les Cours Complémentaires deviennent ainsi des Collèges d’Enseignement Général (CEG) et les Centres d’Apprentissage, des Collèges d’Enseignement Technique (CET) : il existe quatre possibilités : deux filières générales, courte ou longue, et deux filières techniques, courte ou longue.

L’enseignement technique et professionnel se fond dans un système éducatif « unique » avec les collèges d’enseignement technique qui prolongent l’enseignement technique court des centres d’apprentissage, les lycées techniques pour l’enseignement technique long, et les lycées techniques d’État, nouvelle désignation des écoles nationales professionnelle. Un cycle d’observation de deux ans (6ème, 5ème) commun à toutes les sections est mis en place dans le but d’orienter les élèves à la fin de ce cycle vers l’enseignement qui leur convienne le mieux selon leur mérite et non selon leur origine sociale.

Des séquences éducatives en entreprises en 1979, l'alternance sous statut scolaire[modifier | modifier le code]

Pendant la période de l’après-guerre et jusque dans les années 1970 existait une frontière étanche entre la voie générale et la voie professionnelle, et dans cette voie, les élèves des CET et des LEP se formaient uniquement dans les établissements scolaires, ils n'allaient jamais en entreprises. A l'inverse, les apprentis se formaient en entreprises. 83% des élèves des collèges de l'époque (CET) étaient orientés au sortir de la classe de 5ème dans la voie professionnelle et le Certificat d’aptitude professionnelle (CAP), 17% vers la voie générale[32]. Ce n'est qu'à la toute fin des années 1970, avec Christian Beullac, ancien patron de Renault et Ministre de l'Éducation nationale de 1978-1981, que cette frontière, qu'il qualifia d'«incroyable cloisonnement[33]», s'est ouverte progressivement, avec la circulaire de 1979 instituant les séquences éducatives en entreprises, à titre expérimental[34]

L’apprentissage dépendait de l’Éducation nationale depuis le décret du 18 septembre 1944 du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) présidé par Charles de Gaulle qui a transformé les centres de formation professionnelle (CFP) existants en centres d'apprentissage (CA) et transféré leur tutelle de l'ex-direction de la Jeunesse (sous l'État français de Philippe Pétain) à la direction de l'enseignement technique. Ces centres d'apprentissage sont devenus collèges d'enseignement technique (CET) en 1959 avec la réforme Berthoin. Le nombre de leurs élèves (garçons et filles) passe de 60 000 en 1945 à 203 340 en 1960 soit une progression de 238,9% en quinze ans pour les centres d'apprentissage publics. Les CET deviennent en 1976 des lycées d'enseignement professionnel (LEP) dans lesquels sont créés à partir de 1985, pour les élèves titulaires d'un Brevet d'études professionnelles (BEP), des sections en deux ans préparant aux baccalauréats professionnels dits « bacs pro ». Le baccalauréat professionnel pose en 1985, pour la première fois à l’Éducation nationale, le principe d’une formation en entreprise intégrée dans le cursus de formation. C’est là aussi une première révolution. L’alternance entre enfin à l’Éducation nationale. L’alternance sous statut scolaire se développe alors. Puis, en 1986, les lycées d'enseignement professionnel (LEP) deviennent des lycées professionnels (LP) préparant en quatre ans aux baccalauréats professionnels (bacs pro) qui, à partir de 2009, peuvent être préparés directement en trois ans sans passer par la préparation préalable d'un BEP. 

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Claude Hui, , , , , ., L'AFDET et l'Enseignement technique - 1902 - 2002 : une histoire partagée, Paris, Collection AFDET Études, , 511 p. (ISSN 2556-3092)
  2. L'enseignement technique n°195, p.8 à 11
  3. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 11-14 Chapitre I - L'état des lieux entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle
  4. a et b Françoise Meylan, « De l'école nationale professionnelle au baccalauréat de technicien ou l'évolution d'une filière de l'enseignement technique. », Formation Emploi. N.4,‎ , p. 29-46 (DOI doi : 10.3406/forem.1983.1051, lire en ligne)
  5. « Loi Guizot »
  6. A. Léon et P. Roche, Histoire de l'enseignement en France, , p. 110
  7. L'AFDET et l'Enseignement technique, une histoire partagée., p. 11-14 Chapitre I - L'état des lieux entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle
  8. L'AFDET et l'Enseignement technique, une histoire partagée, p. 17
  9. « Émile Maruéjouls »
  10. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 18-38 - Chapitre II Création de l'AFDET -
  11. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 34-35
  12. Claude Hui, L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 22 - 104 - 123
  13. Claude Hui, L'AFDET et L'Enseignement technique, p. 86
  14. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 66
  15. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 68-69
  16. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 71
  17. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 75
  18. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 71-72 Histoire de la création d'une école normale de l'enseignement technique
  19. Gérard Bodé, « L'ENS Cachan. Le siècle d'une grande école pour les sciences, les techniques, la société. », sur https://hal.archives-ouvertes.fr/,
  20. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 86-89
  21. Meylan Françoise, « De l'école nationale professionnelle au baccalauréat de technicien ou l'évolution d'une filière de l'enseignement technique. », Formation Emploi. N.4,‎ , p. 29-46 - p 32 (lire en ligne)
  22. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 90
  23. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 95
  24. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 103
  25. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 136
  26. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 139
  27. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 140
  28. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 139
  29. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 142-143
  30. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 164
  31. « 1959: La réforme Berthoin - Réformes de l'éducation nationale », sur sites.google.com (consulté le )
  32. Bruno Racine, « Voie professionnelle, voie de réussite ou de relégation ? Bruno RACINE. Page 36 », CAHIER ÉDUCATION & DEVENIR - #37 - 2021 - LES PARADOXES LA VOIE PROFESSIONNELLE,‎ , P 36 à 45
  33. « Les séquences éducatives en entreprises [article] Journée d'études organisée le 3 juillet 1996 à Paris (Sorbonne) », Publications de l'Institut national de recherche pédagogique,‎ année 1998, pp. 53-60 (lire en ligne)
  34. L'AFDET et l'Enseignement technique, p. 284-294 - Chapitre XVII L'AFDET se mobilise pour les séquences éducatives

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Gérard Bodé, Stéphane Lembré & Marianne Thivend (dir.), Une formation au travail pour tous ? La loi Astier, un projet pour le XXe siècle, Paris, Classiques Garnier, « Histoire des techniques », 2022 (ISBN : 978-2-406-13036-9).
  • Guy Brucy, Françoise Laot & Emmanuel de Lescure, Mouvement ouvrier et formation. Genèses : de la fin du XIXe siècle à l'après Seconde Guerre mondiale, Paris, L'Harmattan, "Histoire et mémoire de la formation", 2009 (ISBN 2296102077).
  •  Bibliographie issue de la recherche de Jean-Luc Déjeans :
  • HISTOIRE DE L’APPRENTISSAGE ET DE LA FORMATION ALTERNÉE, Par Jean-Luc Déjeans, Président AFDET Paris (histoire_apprentissage_-formation_alternee_jean-luc_dejeans.pdf) Astier P. L'enseignement technique industriel et commercial (France et l'étranger), G Roustan, 1909  Barraud M. Les chambres de métier en France, Université de Paris, 1925  Cambon C. Butor P. La bataille de l'apprentissage, Descartes 1993  Didier P. Le contrat d'apprentissage en bourgogne au XIVème et XVème siècle  Guinot J-P. Formation prof. et trav. qualifiés depuis 1789, Domat-Montchrestien, 1946  Geay A. L'école de l'alternance, L'Harmattan, 1998  Leblanc R., L'enseignement professionnel au début du XXème siècle, 1905, Cornely.  Léon A. Histoire de l'éducation technique, 1961, PUF  Lequin Y. L'apprentissage en France au XIXème siècle, MRASH Lyon, 1989  Peugeot, Archives de l'école d'apprentissage Peugeot, 1930-1960  Richard B. (l'APCM) Le développement de l'apprentissage dans l'artisanat, 1988  Roy J-A. Histoire de la famille Schneider et du Creuzot, Rivière, 1962  Troger V. Les centres d'apprentissage de 1940 à 1960, Formation-Emploi, 1989  Volery L. Rapport de l'étude de mise en place du dispositif de formation de formateurs de branche 1986  Volery L. Ingénierie et projets en formation 1991  Collectif Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome 40 N°3, Juillet-septembre 1993. Apprentissages XVIe-XXe siècles.

[1] L’organisation des EPCI et des écoles de métiers est précisée par un décret du 12 juillet 1921

[2] Histoire du système éducatif, Vincent Trojer et Jean-Claude Ruano-Bordbalan, p 86, Que sais-je (PUF)