Robert Ier de Vitré

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Robert de Vitré
Titre
Gardien puis
princeps de Vitré
v.
(29 ans)
Avec Hervé Ier
Prédécesseur Hervé Ier (seul)
Tristan (seigneur putatif)
Successeur André Ier
Seigneur de Marcillé
Av.
(29 ans)
Prédécesseur Tristan
Successeur André Ier
Biographie
Dynastie Famille de Vitré
Date de naissance
Date de décès ap. 1076
Lieu de décès Vitré
Père Tristan de Vitré
Conjoint Berthe de Craon
Berthe
Enfants André de Vitré
Résidence Château de Vitré

Robert Ier de Vitré

Robert Ier (vers 1034 † vers 1072) est seigneur de Marcillé de la mort de son père, Tristan, avant , jusqu'à la sienne. Miles, chevalier, visiblement très impliqué dans les luttes de pouvoir opposant Conan II de Bretagne à son oncle Éon Ier de Penthièvre, il aurait été récompensé en devenant gardien de la seigneurie de Vitré, faisant de lui le premier membre du lignage des Robert-André à s'implanter à Vitré. Il est parfois dit princeps ou châtelain supérieur puisqu'il doit partager le pouvoir avec son nouveau vassal Hervé Ier, issu d'une famille concurrente avec laquelle Robert et ses descendants ont entretenu des relations ambigües et parfois conflictuelles pendant plus d'un siècle. Il jette de fait les bases de la baronnie de Vitré comme pôle central d'un vaste territoire, s'étendant d'est en ouest d'Acigné jusqu'aux frontières du duché de Bretagne, en érigeant notamment le premier château en pierre de la ville.

Biographie[modifier | modifier le code]

Un puissant vassal impliqué dans un important conflit régional[modifier | modifier le code]

Robert est le fils du seigneur Tristan de Marcillé et de son épouse, Innoguent de Fougères, dont l'existence est aujourd'hui contestée[1]. Puissant seigneur de Marcillé, pagus minor du pays rennais, il est l'un des principaux fidèles de Conan II de Bretagne au moment de son accession au pouvoir face à son oncle Éon Ier de Penthièvre, quant à lui soutenu par Geoffroy II d'Anjou dit Martel. Il joue, par exemple, un rôle central dans les tentatives répétées du duc de Bretagne de conquérir la Craonnais puisqu'il tisse une alliance avec la famille de Craon en épousant Berthe, fille du seigneur Garin. En 1048, il aurait ainsi aidé le duc à entrer librement à Craon, place pourtant tenue par un fidèle de Geoffroy Martel, Suhard le Jeune, oncle de Berthe que Robert de Marcillé avait probablement déjà épousée. Si la place est rapidement reprise, ses seigneurs exhérédés et une nouvelle famille de Craon mise en place par Geoffroy Martel, une alliance est pourtant renouvelée dès la génération suivante entre Ennoguen de Vitré et Renaud Ier de Craon, qui continue à être dans l'entourage de son beau-père Robert dans les années 1060 et 1070[2],[3]. Les liens entre les deux familles sont tels que c'est auprès du seigneur de Marcillé, devenu alors gardien de Vitré, que Garin, fils illégitime de Suhard de Craon, est venu trouver refuge après que sa famille a perdu son fief. Plus encore, un Suhard est attesté comme préfet de Marcillé à la fin du xie siècle et un autre comme seigneur d'Acigné, ce qui laisse supposer que la première famille de Craon s'est alors enracinée en baronnie de Vitré[2].

Profitant peut-être du désordre ambiant, Mathias Ier de Nantes semble entrer en guerre tant contre Conan II que contre Geoffroy Martel à la fin des années 1040, jusqu'à ce que le Nantais soit pris par le duc de Bretagne entre 1050 et 1054. Cela est révélé par un conflit interposé qui implique Robert de Marcillé et Briant Ier de Châteaubriant qui sont en conflit ouvert entre 1049 et 1050. Si Robert semble par exemple avoir fait prisonnier deux vassaux de son adversaire, ce dernier a dû apparaître comme une menace suffisante pour que le prieur Jonas de Marcillé, dont les prédécesseurs étaient en place depuis le temps de Riwallon le Vicaire[4], fuie le bourg. Si l'on considère par ailleurs la construction contemporaine d'un château voisin mieux défendable à La Guerche, cette guerre pourrait avoir contribué au déplacement progressif entre 1047 et le début des années 1060 du centre du pouvoir de Robert vers Vitré[2]. La datation est incertaine mais celui-ci apparaît comme « Vitriensium custode », gardien du Vitréais, dès , dans un acte de donation de l'église de Montautour à l'abbaye de Redon. C'est le début de l'implantation de la lignée dite des Robert-André à Vitré, même si d'autres seigneurs d'une lignée concurrente y sont déjà installés au moins depuis le début du XIe siècle[5].

Robert est bien un vassal fidèle. En 1050, il est indiqué comme témoin d'un acte de Main, puissant évêque de Rennes choisi par Conan II de Bretagne, tandis qu'il souscrit un acte de son suzerain à Combourg à la même époque. Cela tranche avec l'ambivalence de la position de l'autre seigneur de Vitré Hervé Ier, issu d'une famille appelée à rivaliser avec les successeurs de Robert. Ainsi, s'il apparait comme soutien de Conan à sa prise de pouvoir en 1047, il est dans l'entourage du concurrent de celui-ci, Éon Ier de Penthièvre, en 1056[6], avant de compter à nouveau parmi les fidèles du comte de Rennes au moment de sa victoire en [4]. C'est pourquoi Conan semble alors plutôt appuyer Robert, vassal au soutien indéfectible qui devient à partir des années 1060 « princeps et dominus castri » de Vitré. Apparaît alors une forme de primauté de Robert sur son nouveau fief même si Hervé garde ses possessions. Celui qui jusque-là n'était que le gardien, devient le « premier », le « seigneur châtelain supérieur »[4].

En 1066, à la mort de Conan II de Bretagne, Robert Ier semble renouveler sa fidélité au comte de Rennes, puisqu'il apparaît dans quatre actes Geoffroy Grenonat et de sa mère Berthe de Blois jusqu'en 1076. Il a même été présent dans l'entourage du roi Philippe Ier lorsque celui-ci est venu apporter son soutien à Geoffroy Grenonat dans son conflit l'opposant à l'archevêque de Dol Juhel[4]. Robert est également actif sous les ordres de Guillaume le Conquérant, participant notamment à la bataille d'Hastings, le [7].

L'implantation à Vitré[modifier | modifier le code]

Vestiges de la chapelle romane du château de Robert Ier à Vitré

Dans le cadre de l'opposition entre Conan II de Bretagne et Éon Ier de Penthièvre, ce serait également les tensions qui traversent le pays rennais en ce milieu de XIe siècle qui seraient à l'origine d'une recomposition du réseau castral. Tandis que se développent les forteresses de Pouancé et de La Guerche, dont Hervé de Martigné et Sylvestre de La Guerche deviennent respectivement les premiers seigneurs, est ainsi érigé par Robert Ier le premier château en pierre de Vitré, en remplacement du précédent, construit en bois par les Goranton-Hervé[4]. Le nouvel édifice s'établit en face de l'ancien, au sein d'un bourg appelé Sainte-Marie, du nom d'une église aujourd'hui connue sous le nom de Notre-Dame ; deux chapelles, Saint-Julien et Saint-Michel occupaient auparavant le site de la forteresse ; il ne reste que quelques vestiges de la première, à l'extrémité de l'éperon rocheux[8]. Le site de Marcillé est, quant à lui, délaissé, probablement en raison des conflits opposant les comtes de Nantes à ceux de Rennes, tout en restant bien sous le contrôle du gardien, du custos, de Vitré. Ainsi, le bourg est alors dit situé « in territorio castri Vitriaci », c'est-à-dire dans la châtellenie de Vitré[9]. Le porche roman de la forteresse de Robert Ier existe encore aujourd'hui.

En quête de contrôle sur Vitré, Robert Ier aurait eu du mal à asseoir sa mainmise sur les nombreuses institutions religieuses de la ville, alors divisée en plusieurs bourgs distincts. Il cherche en ce sens à se trouver une autorité nouvelle et à y estomper l'autorité d'Hervé Ier et de son fils Goranton II. Il s'appuie alors sur des alliés nouveaux, à savoir les influents moines de Marmoutier, dont un certain Urvodius, qui se voient donner par lui le site du vieux château de bois des Goranton-Hervé, situé de l'autre côté de la Vilaine. Il y fonde, à partir de 1064, en présence de l'évêque de Rennes Main, de l'abbé Barthélémy et de son beau-fils Renaud Ier de Craon, un prieuré de douze moines, communauté digne d'une véritable abbaye même s'il est incertain qu'elle est un jour été au complet[8],[10]. C'est alors tout un bourg, nommé Sainte-Croix du nom du vocable du prieuré, qui se constitue derrière l'ancienne enceinte, face à Sainte-Marie[11]. Les deux ensembles restent néanmoins intimement liés puisque, là où Robert Ier siège à Sainte-Marie même depuis le château qu'il vient d'ériger, ce sont des parents qui sont prieurs de Sainte-Croix, à l'image d'un certain Riwallon, domus attesté vers 1090-1106, dont le prénom, identique au plus vieil ancêtre connu de la famille, est signe d'une certaine filiation[9]. Les moines, en plus de celui de Sainte-Croix, ont choisi un autre vocable, celui de Saint-Blaise, qui fait référence à Blaise de Sébaste, évêque du IVe siècle très populaire à l'époque carolingienne. De même, y est vraisemblablement accolée une chapelle Saint-Sauveur, invocation ancienne au XIe siècle déjà. Enfin, le nom des foires du bourg faisant référence à saint Blaise, il est probable que Sainte-Croix ait été de fait bien antérieure à la fondation du prieuré en lui-même et qu'il remonterait à un hypothétique monastère carolingien abandonné et reconstruit comme château des Goranton-Hervé. Dès lors, Robert Ier se serait tout autant assuré le contrôle de Sainte-Croix, appelée Vieux-Bourg, que de Sainte-Marie[note 1], en y construisant son nouveau château[8]. Il bénéficie désormais d'une véritable aura spirituelle, en plus d'être un puissant seigneur autonome du pouvoir comtal[5].

Robert Ier est un seigneur puissant. Vingt-quatre ou vinqt-cinq mottes sont tenues par ses vassaux. Parmi eux, en plus des chevaliers de Cornillé, de Landavran et des autres fiefs environnants, se trouve Hervé Ier, qui agit en tant que co-seigneur puisqu'il continue à participer à la perception des coutumes et tonlieux de la baronnie de Vitré, droit qu'il possédait déjà du temps où il était seul en son château. Il reste néanmoins subordonné à Robert Ier, le princeps, qui doit faire face successivement à Guy Ier puis à Hamon de Laval , qui interviennent régulièrement aux confins de ses terres, à Bréal et dans la forêt du Pertre notamment[4],[9].

Union et postérité[modifier | modifier le code]

Il épouse avant 1047[3] ou vers 1051 Berthe de Craon, fille de Garin, seigneur de Craon, avec qui il a une fille[2],[12] et un potentiel fils[13] :

De secondes noces avec une autre Berthe méconnue, il a quatre fils[2] :

Il pourrait vraisemblablement avoir un autre fils, Riwallon ; époux d'une fille anonyme d'Hervé Ier de Vitré, il peut être celui qui est prieur de Sainte-Croix à Vitré entre 1090 et 1106[5],[9]. À la suite d'un accord conclu avec Guy II de Laval, ce religieux à la filiation incertaine fonde Mondevert aux marges des baronnies de Vitré et de Laval[10].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le bourg Sainte-Marie, c'est-à-dire le coeur de Vitré, a par la suite, en 1209, également été dénommé Vieux-Bourg.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Daniel Pichot, Valérie Lagier et Gwenolé Allain, Vitré, Histoire et Patrimoine d'une Ville, Somogy Éditions d'Art, Vitré, avril 2009, 296 p. (ISBN 978-2-7572-0207-4), p.27.
  2. a b c d et e Michel Brand'Honneur Manoirs et châteaux dans le comté de Rennes (XIe – XIIe siècles) PUR Rennes (2001) (ISBN 2 86847 5612) tableau 33 p. 290.
  3. a et b Stéphane Morin, Trégor, Goëlo, Penthièvre ; Le pouvoir des Comtes de Bretagne du XIe au XIIIe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2020, 408 p. (ISBN 978-2-7535-6727-6), p. 95-97
  4. a b c d e et f Daniel Pichot, Valérie Lagier et Gwenolé Allain, op.cit p.23-24
  5. a b et c André Chédeville et Daniel Pichot (dir.), Des Villes à l'ombre des châteaux. Naissance et essor des agglomérations castrales en France au Moyen Âge, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Archéologie & Culture », 2010, 239 p. (ISBN 978-2-7535-1144-6), p. 17-19
  6. Stéphane Morin, De la noblesse de Bretagne au XIe siècle : une noblesse "bretonne" ?, ARSSAT, Rennes, décembre 2005, 11 p.
  7. Wace cite le sire de Vitrie dans le roman de Rou, aux vers 13 604 et 13 605.
  8. a b et c Daniel Pichot, Valérie Lagier et Gwenolé Allain, op.cit p.31-32
  9. a b c et d Daniel Pichot, Vitré Xe – XIIIe siècle. Naissance d'une ville, PUR, Rennes, 2006, 28 p., p.10-17
  10. a et b Daniel Pichot, « Les prieurés bretons de Marmoutier (XIe – XIIe siècle) », dans Bruno Judic et Christine Bousquet-Labouérie (dir.) Les abbayes martiniennes, PUR, coll. « Annales de Bretagnes et des Pays de l'Ouest », Rennes, 2012, 203 p., (ISBN 978-2-7535-2134-6) p.153-175
  11. Patrice Forget Un Prieuré-bourg breton : Sainte-Croix de Vitré, 1060-1789, MemHOuest, 1963
  12. Frédéric Morvan Les Chevaliers bretons. Entre Plantagenets et Capétiens du milieu XIIe au milieu du XIIIe siècle éditions Coop Breizh, Spézet 2014 (ISBN 9782843466700) « Généalogie des Vitré » p. 290.
  13. a et b Katharine Keats-Rohan, « Le rôle des Bretons dans la politique de colonisation normande de l'Angleterre (vers 1042-1135) », Mémoires et Bulletins de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, vol. 74, 1996, p. 188-189.
  14. J. Charles Cox, Lincolnshire, 1916, p. 129
  15. Victoria County History, « Houses of Benedictine monks: The priory of Freiston », in A History of the County of Lincoln, vol. 2, Londres, 1906, p. 128-129
  16. Michel Brand'Honneur, « Seigneurs et réseaux de chevaliers du nord-est du Rennais sous Henri II Plantagenêt » dans Civilisation Médiévale, Noblesses de l’espace Plantagenêt (1154-1224), vol. 11, 2001, p. 165-184.

Bibliographie[modifier | modifier le code]