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Utilisateur:Scriptance/Controverse 2017

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La controverse autour de l'écriture inclusive (plus spécifiquement, sur le point médian) est réactivée durant l’automne 2017 le 22 septembre par un article du Figaro dénonçant l’emploi de l’écriture inclusive dans un manuel Hatier à destination d’élèves de CE2, puis le 7 novembre, un manifeste est signé par 314 enseignantes et enseignants déclarant ne plus enseigner que « le masculin l'emporte sur le féminin ». Le 21 novembre de la même année, Edouard Philippe publie dans le Journal officiel une circulaire portant de fait uniquement sur l'emploi du point médian. Cette contestation du langage non sexiste fait suite en France à une institutionnalisation des problématiques de genre (féminisme, LGBTQI+) et est considérée comme une réaction aux changements socio-culturels. La polémique est très médiatisée mais peu de linguistes s'expriment, ainsi les débats ne sont pas initiés ou portés par les spécialistes du langage.

Controverse sur l'usage dans l'enseignement (2017)[modifier | modifier le code]

Le féminin & le masculin dans la langue : l’écriture inclusive en questions, sous la direction de Danièle Manesse et Gilles Siouffi, tente de rendre compte des enjeux de l'écriture inclusive. Toutefois l'ouvrage est partial[1], mal documenté[2], n'interroge pas « la suprématie du masculin » et postule une stricte séparation entre l'ordre de la langue et celui du monde[3].

Hatier publie en le premier manuel scolaire rédigé en écriture inclusive[4] intitulé Questionner le monde[5],[6] et destiné au CE2. Mais la pratique double genrée à l’aide du point n’y est pas exhaustive. Le manuel suscite une forte opposition parmi les personnes militant au sein de la mouvance La Manif pour tous[4].

À la rentrée suivante, une série de critiques initiées par le journal Le Figaro donne naissance à une polémique nationale. Le , Le Figaro publie un article intitulé « Un manuel scolaire écrit à la sauce féministe »[7]. Le , lors d'une chronique à Europe 1[8], Raphaël Enthoven accuse l'écriture inclusive d'être un « lifting du langage qui croit abolir les injustices du passé en supprimant leur trace »[6] et la compare à la novlangue du livre 1984 de George Orwell[4]. Le même jour, le linguiste Alain Bentolila interviewé par Le Figaro affirme que « voir un complot machiste dans la langue française manifeste une totale ignorance »[9]. Le , dans Le Figaro, l'universitaire et académicien Marc Fumaroli affirme qu'« il faut défendre la langue française contre les Trissotin du féminisme », et qu'elle « relève de la grammaire, et non de la sociologie politique »[10]. Pour la journaliste scientifique Peggy Sastre, il s'agit d'un « terrorisme intellectuel », dans le sens où les défenseurs de l'écriture inclusive optent, selon elle, « pour une argumentation morale : le camp du bien contre celui du mal, les progressistes contre les réactionnaires, les féministes contre les phallocrates, la bonne marche de l'histoire contre la mauvaise, etc. »[11].

Le , Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale dans le gouvernement Édouard Philippe II, s'oppose à l'usage de l'écriture inclusive en jugeant qu'elle est source de « polémiques inutiles » qui abîment une cause respectable, l'égalité hommes-femmes[12]. Il déclare que l'expression « le masculin l'emporte sur le féminin » n'est « sûrement pas une bonne formule », mais qu'il est défavorable à la remise en question du fond de la règle. Il propose de « dire simplement qu'en cas de pluriel, on accorde au masculin, ce qui dans la langue française s'apparente souvent au genre neutre ». Enfin il déclare s'inquiéter de ce qu'il perçoit comme des « attaques répétées sur la langue française » et que « la langue française n'est pas à instrumentaliser pour des combats aussi légitimes soient-ils »[13].

Le , l'Académie française publie une déclaration sur l'écriture dite « inclusive »[14]. Elle y réaffirme dans une « solennelle mise en garde » un avis fortement négatif sur les formes complexes proposées par le « langage inclusif »[14] et qualifie l'usage de l'écriture inclusive de « péril mortel »[15]. L'académicien Marc Fumaroli déclare au sujet des décisions politiques visant à officialiser le langage épicène que « les politiciens adorent patauger dans notre langue, cela leur donne la satisfaction de doubler l'Académie française, dont la vocation dans l'État est exactement inverse de ces caprices : veiller à la propreté et aux propriétés de la langue nationale »[10].

Selon Geoffrey Roger, linguiste, l'utilisation d'un discours alarmiste de mise en garde est constitutif d'une pratique élitiste[15],[16],[17] :

« De tels discours idéologiques, s'agissant du français comme d'autres langues dominantes, s'interprètent comme constitutifs de la reproduction des élites : il s'agit en définitive de défendre le monopole sur la norme standard exercé par des classes dirigeantes majoritairement masculines, pour mieux légitimer leur accès exclusif au pouvoir. »

Le , contre l'avis de leur ministre de l'Éducation nationale et pour suivre les recommandations du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, 314 fonctionnaires de l'éducation nationale s'engagent à ne plus enseigner la règle de la prééminence du masculin sur le féminin en classe[18] et signent un manifeste publié par Slate[19], puis lancent une pétition en ligne[20],[21] pour trois raisons : que c'est une « règle nouvelle du XVIIe siècle »[22], qu'il faut préférer l'accord de proximité[23] et qu'il ne faudrait pas que les enfants pensent que le masculin l'emporte toujours sur le féminin[24].

Le , Jean-Michel Blanquer déclare devant l'Assemblée nationale[25] : « La France a comme emblème une femme Marianne, l'un de ses plus beaux mots est féminin, la République »[25].[pertinence contestée]

Le , à la suite de la polémique suscitée par la réception de communications officielles émanant de l'administration publique rédigées en écriture inclusive[26] et à la plainte notamment de Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, le premier ministre Édouard Philippe émet une circulaire intitulée Circulaire du 21 novembre 2017 relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française[27]. Cette dernière recommande l'utilisation du masculin générique, la féminisation des titres et fonctions lorsque la personne qui l'exerce est de genre féminin, et invite à ne pas utiliser les règles de l'écriture inclusive en matière faisant usage de tiret ou de point médian « graphie faisant ressortir l'existence d'une forme féminine »[28],[26],[29],[27]. Il estime que « le masculin est une forme neutre qu’il convient d’utiliser pour les termes susceptibles de s'appliquer aussi bien aux femmes qu'aux hommes. ». Néanmoins en ce qui concerne la féminisation des titres et fonctions, il suggère de féminiser la fonction à l'aide du guide Femme, j'écris ton nom… écrit par l'unité mixte de recherche Analyse et traitement informatique de la langue française du Centre national de la recherche scientifique et de l'université de Lorraine[28]. Il propose également que les formes inclusives soient à privilégier comme « le candidat ou la candidate »[30].

Cette circulaire adoptant le principe de la féminisation des titres est cependant considérée par les médias comme un refus officiel des règles d'écriture inclusive[31] alors qu'elle en adopte le principe de féminisation des titres[28].

Bernard Louvel, premier président de la Cour de cassation adresse une lettre à l'Académie française pour lui demander de revoir ses recommandations sur la question de la féminisation des titres et fonctions. Il écrit :

« l'usage de la féminisation des fonctions s'est étendu au sein de la fonction publique et du corps judiciaire[32],[33] »

À la suite de cette circulaire adoptant le principe de la féminisation, l'Académie française annonce pour la première fois son intention de se pencher sur les règles de féminisation[34],[35]. L'annonce est faite par Hélène Carrère d'Encausse (qui a toujours refusé de féminiser son titre de Secrétaire perpétuel de l'Académie française)[35],[32] dans une lettre de réponse adressée à Bertrand Louvel, premier président de la Cour de cassation. Elle y entérine le changement des usages nécessitant un réexamen par l'Académie française[33].

La polémique suscite des réactions de la communauté féministe française, notamment humoristique : Typhaine D écrit ainsi un Contes à rebours intitulé Pérille Mortelle[36].

77 linguistes, Ballast[37]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Danièle MANESSE & Gilles SIOUFFI (dir.). Le féminin et le masculin dans la langue. L’écriture inclusive en questions. Paris, E.S.F. « Sciences humaines », 2019, 207 p.
  • Simon, C. (2020). Point médian, point de friction: Lecture de récentes réactions de linguistes à l’écriture inclusive. La Pensée, 3(3), 68-79. [lire en ligne]
  • Loison-Leruste, M., Perrier, G. & Noûs, C. (2020). Introduction. Le langage inclusif est politique : une spécificité française ?. Cahiers du Genre, 2(2), 5-29.[lire en ligne]
  • (2020). Alain RABATEL et Laurence ROSIER (dir.), « Les défis de l’écriture inclusive », Le discours et la langue 11 (1), 2019, 187 p.. Langage et société, 3(3), 220-223.[lire en ligne]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Claire Hugonnier, « Danièle Manesse et Gilles Siouffi (dir.), Le féminin et le masculin dans la langue : l’écriture inclusive en questions. Paris, ESF Sciences humaines, 2019, 208 p. », Lidil. Revue de linguistique et de didactique des langues, no 62,‎ (ISSN 1146-6480, lire en ligne, consulté le )
  2. Maria Candea, Compte rendu d'ouvrage : Manesse et Siouffi : Le féminin et le masculin dans la langue, l'écriture inclusive en questions, Centre interdisciplinaire de recherche sur les langues et la pensée (CIRLEP), (lire en ligne)
  3. Agnès Steuckardt, « Danièle Manesse et Gilles Siouffi éd., Le féminin & le masculin dans la langue : l’écriture inclusive en questions. Paris, ESF Sciences humaines, 2019, 208 p. », Mots. Les langages du politique, no 122,‎ , p. 136–142 (ISSN 0243-6450, DOI 10.4000/mots.26502, lire en ligne, consulté le )
  4. a b et c Florian Delafoi, « Écriture inclusive, le désaccord », Le Temps,‎ (lire en ligne).
  5. Yves Souben, « Hatier publie le premier manuel scolaire en écriture inclusive », Le HuffPost,‎ (lire en ligne).
  6. a et b Lacroux 2017.
  7. Marie-Estelle Pech, « Un manuel scolaire écrit à la sauce féministe », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  8. « Le désir d'égalité n'excuse pas le façonnage des consciences par Europe 1 », sur Dailymotion, .
  9. Alain Bentolila et Eugénie Bastié, « Voir un complot machiste dans la langue française manifeste une totale ignorance », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  10. a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées Fumaroli-2017
  11. Peggy Sastre et Eugénie Bastié, « Peggy Sastre : « La notion de « culture du viol » n'est absolument pas démontrée » », Le Figaro,‎ , p. 18 (lire en ligne).
  12. « Écriture inclusive : c'est « non » pour Jean-Michel Blanquer », Le Point,‎ (lire en ligne).
  13. Ludovic Galtier, « Blanquer opposé à l'arrêt de la règle du “masculin l'emporte sur le féminin” », RTL,‎ (lire en ligne).
  14. a et b « Déclaration de l'Académie française sur l'écriture dite « inclusive » », sur Académie française, .
  15. a et b Geoffrey Roger, « L’écriture inclusive est-elle vraiment un « péril mortel » ? », Le HuffPost,‎ (lire en ligne).
  16. Geoffrey Roger, « Débat : L’écriture inclusive, un « péril mortel », vraiment ? », The Conversation,‎ (lire en ligne).
  17. Gadet Françoise, La variation sociale en français, Paris, Ophrys, , 186 p. (ISBN 978-2-7080-1154-0, présentation en ligne).
  18. Catherine Frammery, « Cher.e.s lecteur.rice.s, l'écriture inclusive déchaîne les passions », Le Temps,‎ (lire en ligne).
  19. 314 fonctionnaires de l'éducation nationale, « Nous n'enseignerons plus que “le masculin l'emporte sur le féminin” », Slate,‎ (lire en ligne).
  20. « Sign the Petition », sur Change.org (consulté le ).
  21. Arièle Bonte, « 314 profs n'enseigneront plus la règle du “masculin l'emporte sur le féminin” », RTL,‎ (lire en ligne).
  22. Yves Souben, « Plus de 300 professeurs refusent d'enseigner que “le masculin l'emporte sur le féminin” », Le HuffPost,‎ (lire en ligne).
  23. Christelle Rebière et Stéphane Carpentier, « 314 enseignants vent debout contre la règle du “masculin l'emporte sur le féminin” », RTL,‎ (lire en ligne).
  24. Fabien Soyez, « 314 enseignant(e)s cessent d'enseigner la règle du « masculin qui l'emporte sur le féminin » », sur VousNousIls, .
  25. a et b « La langue française est-elle égalitaire ? 3 questions à Eliane Viennot, chercheuse en littérature française », Brut,‎ (lire en ligne).
  26. a et b Mathilde Damgé, « Les contradictions de la circulaire sur l’écriture inclusive », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  27. a et b Circulaire du relative aux règles de féminisation et de rédaction des textes publiés au Journal officiel de la République française.
  28. a b et c « Édouard Philippe décide de bannir l'écriture inclusive des textes officiels », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  29. « Le Premier ministre annonce bannir l'écriture inclusive des textes officiels (mais c'est plus compliqué que ça) », sur France Info, .
  30. Mathilde Damgé, « Les contradictions de la circulaire sur l'écriture inclusive », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  31. Cécile Bouanchaud, « Cinq idées reçues sur l’écriture inclusive », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  32. a et b Marie-Estelle Pech, « L'Académie française évolue sur la féminisation de la langue », Le Figaro,‎ (lire en ligne).
  33. a et b Paul Guyonnet, « L'Académie française ouvre une réflexion sur la féminisation de l'écriture », Al Huffington Post,‎ (lire en ligne).
  34. Paulina Benavente, « L'Académie française va se pencher sur la féminisation de la langue: « Ils sont en retard, comme toujours » », RMC,‎ (lire en ligne).
  35. a et b Charlie Vandekerkhove, « L'Académie française promet finalement de s'intéresser à la féminisation de la langue », sur BFM TV, .
  36. Typhaine D, « "La Pérille Mortelle" de Typhaine D », .
  37. Julie Abbou, Aron Arnold, Maria Candea et Noémie Marignier, « Qui a peur de l’écriture inclusive ? Entre délire eschatologique et peur d’émasculation Entretien », Semen. Revue de sémio-linguistique des textes et discours, no 44,‎ (ISSN 0761-2990, DOI 10.4000/semen.10800, lire en ligne, consulté le )