Athanase David, de son nom complet Louis Athanase David (Montréal, - Montréal, ) est un avocat et un homme politique québécois. Secrétaire de la province de Québec de 1919 à 1936, il est le maître d’œuvre des importantes mesures sociales et culturelles du gouvernement Taschereau qui marquent des jalons importants dans l'histoire de l'intervention de l'État québécois dans les secteurs de l'éducation, de la santé et du bien-être, traditionnellement pris en charge par l'Église, de même que dans le développement d'une politique culturelle québécoise spécifique.
Considéré par l'historien et sociologue Fernand Harvey comme un « véritable ministre de la Culture avant la lettre »[1], Athanase David a joué selon lui un « rôle historique (...) déterminant (...) en matière de politiques culturelles » au Québec, « si bien qu’on peut parler d’un avant et d’un après David »[2].
C'est donc dans un environnement familial aisé et bien ancré dans les milieux politique et intellectuel que grandit Athanase David. La mémoire des rébellions de 1837-1838, le nationalisme et la volonté d'émancipation économique des Canadiens français sont omniprésents dès l'enfance[3]. Après des études classiques au Mont-Saint-Louis et au collège Sainte-Marie et des études en droit à l'Université Laval à Montréal, il est admis au Barreau de la province de Québec en juillet 1905. Il exerce quelques années le droit à Montréal, d'abord avec Édouard Montpetit et Arthur Vallée, puis au cabinet Elliot et David[4].
Athanase David devient président de l'Association du Jeune Barreau de Montréal (AJBM) entre 1913 et 1915[3]. Cette association, fondée en 1898, regroupe des jeunes avocats pratiquant le droit dans le district judiciaire de Montréal. Ce sera le premier poste électif qu'il occupera et ce sera le prélude d'une longue carrière politique.
Le 3 novembre 1908, Athanase David épouse Antonia Nantel, fille de l'éminent journaliste et député conservateurGuillaume-Alphonse Nantel[6]. Comme son beau-fils, ce dernier représente le comté de Terrebonne entre 1882 et 1900[6]. Passionnée de musique, Antonia Nantel est quant à elle en partie responsable de l'intérêt marqué d'Athanase David pour la culture[6]. Après avoir étudié le piano au Québec puis au Conservatoire de Paris auprès d'Antoine-Émile Marmontel, Nantel rentre au pays pour se consacrer au développement du milieu musical montréalais[6]. Elle devient notamment membre du conseil exécutif du Montreal Orchestra, qu'elle quitte à la suite de pratiques qu'elle considère discriminatoires envers les francophones, puis participe, avec son mari, à la fondation de la Société des concerts symphoniques de Montréal (ancêtre de l'Orchestre symphonique de Montréal) en 1934[6].
Le secrétariat de la province de Québec est un ministère établi en 1867[7]. Son premier titulaire est Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, qui fut à la fois Secrétaire et Registraire de la province et ministre de l'Instruction publique[7]. Aboli en 1875, le ministère de l'Instruction publique est remplacé par le département de l'Instruction publique, un organe gouvernemental qui conserve des liens étroits avec le secrétariat de la province[7]. En plus d'octroyer des subventions aux écoles, aux collèges et aux universités, le secrétariat s'occupe de l'enseignement technique et professionnel, à une époque où le réseau scolaire primaire, secondaire et classique est tenu par le clergé catholique[7]. De ce fait, ce ministère est en charge de l'École polytechnique de Montréal, de l'École des Hautes Études commerciales (HEC), des écoles de réforme et d'industrie, ainsi que des écoles d'arts et métiers et des écoles professionnelles[7]. Le secrétariat est également le Gardien du Grand Sceau de la province et s'occupe de conserver et enregistrer les lettres patentes et les documents officiels[7]. Aboli en 1970, il prend aussi en charge certaines missions de l'État québécois, notamment en ce qui concerne les asiles psychiatriques et divers enjeux culturels[7].
À titre de Secrétaire de la province, David fait aussi adopter en 1922 par l'Assemblée législative la Loi pour encourager la production d'œuvres littéraires ou scientifiques, qui « vise à favoriser l’avancement de la littérature et des sciences, à seconder les efforts des écrivains et à stimuler, par l’émulation, le goût des travaux littéraires et scientifiques »[9]. Cette loi instaure des prix (communément nommés prix David) décernés à des écrivains ou des chercheurs qui ont soumis les meilleures œuvres littéraires ou scientifiques aux concours de la province. Ces prix sont les ancêtres directs des Prix du Québec. C'est pour cette raison que le prix littéraire Athanase-David commémore son nom[10].
David est réélu comme député dans Terrebonne aux élections de 1923, 1927, 1931, puis grâce au vote de l'officier rapporteur (président d'élection) en 1935[4],[11].
Le 11 juin 1936, Taschereau, déjà fortement contesté au sein de son parti par l'aile radicale, est contraint de démissionner à la suite de la mise au jour de scandales dans lesquels étaient impliqués son frère et plusieurs hauts fonctionnaires du gouvernement. Son successeur, Adélard Godbout, qui cherche à se dissocier du précédent gouvernement, ne conserve en poste aucun des ministres qui ont siégé avant 1935 au cabinet de Taschereau, même ceux dont l'intégrité était au-dessus de tout soupçon[12]. David, qui est ainsi du nombre des exclus, est remplacé au Secrétariat de la province par Charles-Auguste Bertrand le 27 juin.
Le cabinet Taschereau, vers 1929, où siège Athanase David (4e à partir de la droite).
Athanase David choisit alors de ne pas se représenter à l'élection de 1936[4] au cours de laquelle le Parti libéral essuie une sévère défaite qui met fin à 40 ans de domination libérale au gouvernement.
Lors de l'élection de 1939, David se porte de nouveau candidat dans Terrebonne et est réélu, tandis que son parti est reporté au pouvoir. Godbout, qui ne veut toujours pas de lui comme ministre au sein de son nouveau cabinet, souhaite lui confier la présidence de l'Assemblée législative. David, Secrétaire de la province durant 17 ans et vedette des cabinets Taschereau, considère cette nomination à un poste honorable, mais relativement sans influence, comme une injure[13]. La situation se dénoue à quelques jours de l'ouverture de la session parlementaire, lorsque le premier ministre canadien, William Lyon Mackenzie King, sur l'intervention de Godbout, nomme David sénateur le 9 février 1940[13],[14]. Il démissionne de sa fonction de député le 14 février suivant pour siéger au Sénat, jusqu'à son décès en 1953[14],[4].
En 1928, à l'instigation de l'Américain George Stallings, importante personnalité de la Ligue majeure de baseball, Athanase David persuade l'homme d'affaires montréalais Ernest Savard, un courtier en valeurs mobilières, de s'associer avec eux pour ressusciter le défunt club de baseball des Royaux de Montréal (Montreal Royals) (1897-1917) en rachetant la concession de Jersey City de la Ligue internationale pour 225 000 $. Savard se charge de rassembler les autres investisseurs montréalais tandis que David supervise la construction de l'édifice destiné à accueillir la nouvelle équipe, le stade Delorimier qui doit être suffisamment vaste pour accueillir les nombreux spectateurs que les propriétaires espèrent attirer. Les travaux débutent en janvier 1928 et la partie inaugurale a lieu le 5 mai de la même année[16].
Partageant l'intérêt de son épouse pour le développement de la vie musicale montréalaise, il joue un rôle important dans la fondation de l'Orchestre symphonique de Montréal en 1934 pour lequel il obtient notamment une importante subvention du gouvernement du Québec[17]. Il est aussi cofondateur avec sa femme en 1939 des Festivals de Montréal[18].
Athanase David épouse à Montréal, le 3 novembre 1908, Antonia Nantel (1886-1955), la fille de l'influent journaliste et homme politique conservateurGuillaume-Alphonse Nantel[4],[19]. Après leur mariage, celle-ci joue un rôle important dans le développement de la vie musicale montréalaise, d'abord à titre de membre du conseil exécutif du Montreal Orchestra (1930-1934)[20],[21], puis par sa participation à la fondation de l'Orchestre symphonique de Montréal (1934)[20],[17], enfin comme cofondatrice des Festivals de Montréal (en association avec Wilfrid Pelletier) en 1936, dont elle assume la présidence jusqu'en 1952[20],[18].
Il est créé chevalier de la Légion d'honneur en 1923, officier en 1925 et commandeur en 1934[4].
Le 30 juin 1944, le village de Saint-Jean-Baptiste-de-Bélisle, dans les Laurentides, reçoit la nouvelle dénomination de Val-David en son honneur et en celui de son père[25].
Silvie Bernier, Prix littéraires et champs du pouvoir : le prix David, 1923-1970 (mémoire de maîtrise (études françaises)), Sherbrooke, Université de Sherbrooke,
Georges Desrosiers, Benoît Gaumer, François Hudon et Othmar Keel, « Le renforcement des interventions gouvernementales dans le domaine de la santé entre 1922 et 1936 : le Service provincial d'hygiène de la province de Québec », Canadian Bulletin of Medical History / Bulletin canadien d’histoire de la médecine, vol. 18, , p. 205-240 (ISSN0823-2105, PMID14515876, DOI10.3138/cbmh.18.2.205, lire en ligne)
Benoît Gaumer et Georges Desrosiers, « Le ministère de la Santé du Québec: sa genèse et ses pionniers », dans Michel Sarra-Bournet (dir.), Les grands commis et les grandes missions de l'État dans l'histoire du Québec, Québec, Presses de l'Université du Québec, (ISBN978-2-7605-4501-4, présentation en ligne), p. 191-208
Jacques Gagnon, « Le poids du nom : Portrait de cinq lignées de parlementaires québécois », Bulletin d'histoire politique, vol. 22, no 3, , p. 229-252 (DOI10.7202/1024158ar, lire en ligne)
Fernand Harvey, « Le Secrétariat de la province de Québec : un incubateur de ministères durant les années 1920 et 1930 », dans Michel Sarra-Bournet (dir.), Les grands commis et les grandes missions de l'État dans l'histoire du Québec, Québec, Presses de l'Université du Québec, (ISBN978-2-7605-4501-4, présentation en ligne), p. 149-174
Laurier Lacroix, « La collection comme temps de la Nation : les premières acquisitions du Musée de la province de Québec en 1920 », Les Cahiers des Dix, no 62, , p. 123-151 (ISSN0575-089X et 1920-437X, lire en ligne)
Jonathan Paquette, « Les Politiques muséales au Québec: trajectoire historique et politique d’un service public », Politique et Sociétés, vol. 38, no 3, , p. 129-146 (ISSN1203-9438 et 1703-8480, DOI10.7202/1064733ar).
↑William Brown, Les fabuleux Royaux : Les débuts glorieux du baseball à Montréal [« Baseball's Fabulous Montreal Royals: The Minor League Team that Made Major League History »], Montréal, Éditions Robert Davies, (ISBN978-2-89462-016-8 et 9782894620168), p. 25-29.
Silvie Bernier, Prix littéraires et champs du pouvoir : le prix David, 1923-1970 (mémoire de maîtrise (études françaises)), Sherbrooke, Université de Sherbrooke,
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Fernand Harvey, « Le Secrétariat de la province de Québec : un incubateur de ministères durant les années 1920 et 1930 », dans Michel Sarra-Bournet (dir.), Les grands commis et les grandes missions de l'État dans l'histoire du Québec, Québec, Presses de l'Université du Québec, (ISBN978-2-7605-4501-4, présentation en ligne), p. 149-174
Laurier Lacroix, « La collection comme temps de la Nation : les premières acquisitions du Musée de la province de Québec en 1920 », Les Cahiers des Dix, no 62, , p. 123-151 (ISSN0575-089X et 1920-437X, lire en ligne)
Jonathan Paquette, « Les Politiques muséales au Québec: trajectoire historique et politique d’un service public », Politique et Sociétés, vol. 38, no 3, , p. 129-146 (ISSN1203-9438 et 1703-8480, DOI10.7202/1064733ar).
Conférence de Fernand Harvey sur le rôle précurseur d’Athanase David dans l’élaboration des politiques culturelles au Québec entre 1919 et 1936
Conférence prononcée le 15 septembre 2011 lors des Entretiens Pierre-Bédard, radiodiffusée à l'émission Nouveaux regards sur notre histoire, diffusée sur les ondes de Radio Ville-Marie le 12 novembre 2011. La partie de l'émission concernant Athanase David commence à 36 min 18 s.
Entretien de l'historien Robert Comeau avec Fernand Harvey à propos de la vision culturelle d’Athanase David
Émission Nouveaux regards sur notre histoire, diffusée sur les ondes de Radio Ville-Marie le 15 décembre 2012. La partie de l'émission concernant Athanase David commence à 4 min 46 s.
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