Sarabandes (Satie)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Sarabandes
Première page de la Deuxième Sarabande présentant trois systèmes de deux portées chacun.
Première page de la Deuxième sarabande, dans l'édition de l'Album Musica no 103 (avril 1911).

Genre Pièces pour piano
Nb. de mouvements 3
Musique Erik Satie
Durée approximative 13 min 30 s
Dates de composition 1887

Sarabandes est un recueil de trois pièces pour piano d'Erik Satie composées en 1887.

Elles sont parmi les premières œuvres du compositeur à avoir été publiées suite au concert de la Société musicale indépendante en 1911 dans lequel Maurice Ravel, dédicataire de la Deuxième Sarabande, a interprété la pièce. C'est notamment par ce concert qu'Erik Satie a commencé à voir sa notoriété s'installer dans le milieu musical parisien.

Composition[modifier | modifier le code]

Datant d'une période au cours de laquelle Satie délaisse la fréquentation de Notre-Dame de Paris pour celle des cabarets montmartrois, les trois Sarabandes sont composées en 1887[1].

Il s'agit d'une période de la vie d'Erik Satie complexe, où il quitte le cercle familial après une brève aventure amoureuse et s'établit alors dans une chambre de la rue Condorcet[2]. Son ami Patrice Contamine de Latour rapporte une scène particulièrement étonnante montrant son combat contre ses démons intérieurs : « il reprit ses vêtements, les roula en boule, s'assit dessus, les traîna sur le plancher, les piétina, les aspergea de toutes sortes de liquides, jusqu'à les transformer en véritables loques. Il défonça son chapeau, creva ses chaussures, déchira sa cravate, cessa de soigner sa barbe et laissa pousser ses cheveux[3],[n 1] ».

Création[modifier | modifier le code]

La Deuxième Sarabande, dédiée à Maurice Ravel, est créée par le dédicataire au piano le à la salle Gaveau au cours d'un concert de la Société musicale indépendante[4],[5]. Ce concert voit aussi la création de la troisième des Gymnopédies, le prélude du Fils des étoiles, ainsi que les Trois morceaux en forme de poire, joué par Maurice Ravel et Ricardo Viñes[5].

Structure[modifier | modifier le code]

Le cahier, d'une durée d'exécution de treize minutes trente environ[6], comprend trois mouvements :

  1. Première Sarabande, en
    , tonalité de la bémol majeur ;
  2. Deuxième Sarabande, en
    , tonalité de dièse mineur, dédiée à Maurice Ravel ;
  3. Troisième Sarabande, en
    , tonalité de bémol majeur.

Analyse[modifier | modifier le code]

Les Sarabandes se révèlent, selon la musicologue Adélaïde de Place, « rigides dans leur écriture verticale, mais non monotones, [regorgeant] de suites d'accords aux enchaînements inattendus, presque prophétiques »[7]. Ce terme de prophétie est aussi utilisé par Jean-Pierre Armengaud pour qualifier le caractère de ces trois œuvres[8].

Guy Sacre les rapproche des Ogives, avec ses « accords processionnels aux deux mains, dans une même immobilité », tout en soulignant leurs nombreuses différences : le rétablissement dans les sarabandes de la barre de mesure, l'usage de tonalités aux armures riches, les enchaînements de septièmes et neuvièmes, une diversité rythmique plus étendue[1]. De ce fait, il considère qu'on « se sent quitter le sacré pour le profane » et constate que « la muse mélodique s'y dégourdit »[1].

La partition est publiée pour la première fois en 1911 par Rouart-Lerolle[1]. En exergue figure une citation du poète Patrice Contamine de Latour, ami de Satie :

« Soudain s'ouvrit la nue et les maudits tombèrent[7]. »

Jean-Pierre Armengaud commente notamment cette citation ainsi : pour lui, les maudits correspondent à la fois aux personnes dont « il a subi » l'enseignement au Conservatoire, mais aussi les critiques musicaux, ainsi que le milieu musical « prostré d'admiration pour la musique d'outre-Rhin »[8]. Quant à la nue, elle ferait référence au cercle des rosicruciens, qu'Erik Satie intègrera, autant qu'au cercle du cabaret Le Chat noir où le compositeur y est pianiste[8].

Les Trois Sarabandes explorent aussi une certaine immobilité, dans une sorte de « vitrail musical », où les harmonies sont des accords de septième ou de neuvième, et dont les modulations surprenantes sont aptes à « exorciser les fantômes des Wagnériens en tout genres »[8]. Ces danses, lentes au point d'être immobiles, font preuve d'une grande richesse harmonique à tel point que les thèmes ne sont quasiment pas exploité, et qui prévient les révolutions musicales du xxe siècle[9].

Pour Roger Nichols, si les Trois Sarabandes ont pu influencer celle de Claude Debussy dans Pour le piano, elles sont néanmoins redevables pour beaucoup à l'ouverture du Roi malgré lui d'Emmanuel Chabrier, qui a été créé à Paris en 1887[5].

Première Sarabande[modifier | modifier le code]

Pour Jean-Pierre Armengaud, la Première Sarabande est une danse si lente que « le premier temps est comme une question et le troisième temps comme un soupir d'espoir, de regret ou de mécontentement »[9]. Le mouvement est lent au point que seule plane l'harmonie[9]. Il y a cependant un motif rappelant la Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel[9]. Cette sarabande présente une mélancolie et une nostalgie profondes[9].

Deuxième Sarabande[modifier | modifier le code]

La Deuxième Sarabande est plus dramatique que la précédente, et les accents ravéliens sont plus présents encore, commentés par de grands accords[9]. Vainement, la fin reprend le thème initial[9].

Troisième Sarabande[modifier | modifier le code]

La Troisième Sarabande oscille entre un rythme de barcarolle qui rappelle Gabriel Fauré et des accords arpégés et répétitifs, qui pourraient être la représentation d'une demande de sérénité à laquelle on opposerait un refus brutal[10].

Discographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Jean-Pierre Armengaud écrit cependant « Condamine de Latour ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Sacre 1998, p. 2380.
  2. Armengaud 1988, p. 25.
  3. Armengaud 1988, p. 25-26.
  4. Duchesneau 1997, p. 306.
  5. a b et c Nichols 1988, p. 4.
  6. a et b (en) Alexander Carpenter, « Sarabandes (3) for piano | Details », sur AllMusic (consulté le ).
  7. a et b Place 1987, p. 629.
  8. a b c et d Armengaud 1988, p. 26.
  9. a b c d e f et g Armengaud 1988, p. 27.
  10. Armengaud 1988, p. 28.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Ouvrages généraux[modifier | modifier le code]

Monographies[modifier | modifier le code]

Éditions critiques[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]