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Amélie Nothomb - Lever du soleil au mont Fuji
Soudain, un fragment rouge apparut à l'horizon. Un frémissement parcourut l'assemblée muette. Ensuite, à une vitesse qui n'excluait pas la majesté, le disque entier sortit du néant et surplomba la plaine.
Alors se produisit un phénomène dont le souvenir n'a pas fini de me bouleverser ; des centaines de poitrines réunies là, dont la mienne, s'éleva une clameur : - Banzaï !
Ce cri était une litote : dix mille ans n'auraient pas suffi à exprimer le sentiment d'éternité japonaise suscité par ce spectacle.
Nous devions ressembler à un rassemblement d'extrême droite. Pourtant les braves gens qui étaient là devaient être aussi peu fascistes que vous et moi. En vérité, nous ne participions pas à une idéologie mais à une mythologie, et sûrement à l'une des plus efficaces de la planète.
Les yeux emplis de larmes, je contemplais le drapeau nippon perdre peu à peu son rouge pour déverser son or dans l'azur encore blafard. Amaterasu n'était pas ma cousine.
Amélie Nothomb - Ni d'Ève, ni d'Adam (p. 125) – éd. Albin Michel, 2007
s:Nothomb - Lever du soleil au mont FujiAmélie Nothomb - Lever du soleil au mont Fuji Soudain, un fragment rouge apparut à l'horizon. Un frémissement parcourut l'assemblée muette. Ensuite, à une vitesse qui n'excluait pas la majesté, le disque entier sortit du néant et surplomba la plaine. Alors se produisit un phénomène dont le souvenir n'a pas fini de me bouleverser ; des centaines de poitrines réunies là, dont la mienne, s'éleva une clameur : - Banzaï ! Ce cri était une litote : dix mille ans n'auraient pas suffi à exprimer le sentiment d'éternité japonaise suscité par ce spectacle. Nous devions ressembler à un rassemblement d'extrême droite. Pourtant les braves gens qui étaient là devaient être aussi peu fascistes que vous et moi. En vérité, nous ne participions pas à une idéologie mais à une mythologie, et sûrement à l'une des plus efficaces de la planète. Les yeux emplis de larmes, je contemplais le drapeau nippon perdre peu à peu son rouge pour déverser son or dans l'azur encore blafard. Amaterasu n'était pas ma cousine. Amélie Nothomb - Ni d'Ève, ni d'Adam (p. 125) – éd. Albin Michel, 2007 |
s:Aragon - Strophes pour se souvenirLouis Aragon - Strophes pour se souvenir
(...)
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s:Aymé - Le Passe-murailleMarcel Aymé - Le Passe-muraille Il y avait à Montmartre, au troisième étage du 75 bis de la rue d'Orchampt, un excellent homme nommé Dutilleul qui possédait le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé. (...) Dutilleul venait d'entrer dans sa quarante-troisième année lorsqu'il eut la révélation de son pouvoir. Un soir, une courte panne d'électricité l'ayant surpris dans le vestibule de son petit appartement de célibataire, il tâtonna un moment dans les ténèbres et, le courant revenu, se trouva sur le palier du troisième étage. Comme sa porte d'entrée était fermée à clé de l'intérieur, l'incident lui donna à réfléchir et, malgré les remontrances de sa raison, il se décida à rentrer chez lui comme il en était sorti, en passant à travers la muraille. Cette étrange faculté, qui semblait ne répondre à aucune de ses aspirations, ne laissa pas de le contrarier un peu et, le lendemain samedi, profitant de la semaine anglaise, il alla trouver un médecin du quartier pour lui exposer son cas. Marcel Aymé (1902 - 17/10/1967).Le Passe-muraille (1943) - éd. Gallimard |
s:Anouilh - Donner une âmeJean Anouilh - Donner une âme Tu vois qu'il faut leur donner une âme à ces gens-là, une foi, quelque chose de simple. Il y a justement dans ta capitainerie une petite à qui saint Michel est apparu et aussi sainte Catherine et sainte Marguerite, à ce qu'elle dit. Je t'arrête. Je sais ce que tu vas me dire : tu n'y crois pas. Mais tu passes là-dessus, provisoirement. – C'est là que tu es vraiment extraordinaire. Tu te dis : c'est une petite bergère de rien du tout, bon ! Mais supposons qu'elle ait Dieu avec elle, rien ne peut plus l'arrêter. Et qu'elle ait Dieu avec elle ou non, c'est pile ou face. On ne peut pas le prouver, mais on ne peut pas non plus prouver le contraire... Or, elle est parvenue jusqu'à moi, malgré moi, et il y a une demi-heure que je l'écoute – çà tu ne le discutes pas, c'est un fait. Tu constates. Alors, tout d'un coup, il y a ton idée, ton idée qui commence à te venir. Tu te dis : puisqu'elle m'a convaincu, moi, pourquoi ne convaincrait-elle pas le dauphin et Dunois et l'archevêque ? Jean Anouilh (1910 – 3/10/1987) – L'alouette (1953) – éd. de La Table Ronde |
s:Guillaume Apollinaire - L'Adieu'
L'adieu
Guillaume Apollinaire (1880-1918) - Alcools (1913) |