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Portail:Littérature/Invitation à la lecture/Sélection/novembre 2011

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Arthur Rimbaud – Chers corbeaux délicieux

[...]
Par milliers, sur les champs de France,
Où dorment les morts d’avant-hier,
Tournoyez, n’est-ce pas, l’hiver,
Pour que chaque passant repense !
Sois donc le crieur du devoir,
O notre funèbre oiseau noir !
Mais, saints du ciel, en haut du chêne,
Mât perdu dans le soir charmé,
Laissez les fauvettes de mai
Pour ceux qu’au fond du bois enchaîne,
Dans l’herbe d’où l’on ne peut fuir,
La défaite sans avenir.

Arthur Rimbaud (20/10/1854-10/11/1891) - Poésies - Les corbeaux, 1872.

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s:novembre 2011 Invitation 1

Arthur Rimbaud – Chers corbeaux délicieux

[...]
Par milliers, sur les champs de France,
Où dorment les morts d’avant-hier,
Tournoyez, n’est-ce pas, l’hiver,
Pour que chaque passant repense !
Sois donc le crieur du devoir,
O notre funèbre oiseau noir !
Mais, saints du ciel, en haut du chêne,
Mât perdu dans le soir charmé,
Laissez les fauvettes de mai
Pour ceux qu’au fond du bois enchaîne,
Dans l’herbe d’où l’on ne peut fuir,
La défaite sans avenir.

Arthur Rimbaud (20/10/1854-10/11/1891) - Poésies - Les corbeaux, 1872.

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s:novembre 2011 Invitation 2

Stephen Crane - Rupture

Il leva lentement son fusil et, entrevoyant un coin de champ grouillant de gens, il fit feu sur un groupe qui galopait. Après quoi il se baissa vite et guetta de son mieux à travers la fumée. Il happa au passage des aspects changeants de ce terrain couvert d'êtres qui couraient tous en hurlant comme poursuivis par des démons. Le jeune homme s'imagina quelque assaut de dragons redoutables, et, comme le paysan du conte qui perdit l'usage de ses jambes à l'approche du monstre rouge et vert, il resta immobile dans une attitude horrifiée et comme aux écoutes; il semblait qu'il fermât les yeux dans l'attente d'être avalé.

À son côté, un soldat qui n'avait cessé de manier fébrilement son fusil, s'arrêta soudain, le lâcha et prit la fuite en poussant des hurlements. Le visage d'un jeune gars éclairé jusque-là d'une expression de courage exalté, de cette audace majestueuse du sacrifice de la vie, fut un instant obscurci d'une terreur abjecte.

Stephen Crane (01/11/1871-05/06/1900) – La conquête du courage (The Red Badge of Courage, ch.VI (1895) trad. Francis Viellé-Griffin & Henry D. Davray (1912).

s:novembre 2011 Invitation 3


André Malraux – La volonté des hommes

À mesure que la gorge approchait de Linares, le chemin devenait plus large ; les paysans marchaient autour des civières. [...] À chaque relais, les nouveaux porteurs abandonnaient leur marche rigide pour le geste prudent et affectueux par lequel ils prenaient les brancards et repartaient avec le han ! du travail quotidien, comme s'ils eussent voulu cacher aussitôt ce que leur geste venait de montrer de leur cœur. Obsédés par les pierres du sentier, ne pensant qu'à ne pas secouer les civières, ils avançaient au pas, d'un pas ordonné et ralenti à chaque rampe : et ce rythme accordé à la douleur sur un si long chemin semblait emplir cette gorge immense où criaient là-haut les derniers oiseaux, comme l'eût emplie le battement solennel des tambours d’une marche funèbre. Mais ce n’était pas la mort qui, en ce moment, s’accordait aux montagnes : c'était la volonté des hommes.

André Malraux (03/11/1901-1976). L'Espoir (éd. Gallimard - 1937 - LP page 473).

s:novembre 2011 Invitation 4

Heinrich von Kleist - Le cœur d'une femme

Combien de choses s'agitent dans le cœur d'une femme
Qui ne doivent point paraître à la lumière !
(...)
Moi devant qui l’armée des Grecs s’enfuit,
Ne suis-je pas, à la seule vue de cet homme,
Paralysée, touchée au plus profond,
Moi, moi, conquise, vaincue ?
Où donc est le siège en mon sein mutilé
Du sentiment qui me terrasse ?
Je veux me jeter dans le tumulte du combat,
Là où m’attend son sourire narquois,
Et le vaincre ou ne plus vivre !

Heinrich von Kleist (18/10/1777-21/11/1811) - Penthésilée, 1808 (scène 5) (traduction de Ruth Orthmann et Eloi Recoing, éd. Actes sud, 1998)

s:novembre 2011 Invitation 5

Fiodor Dostoïevski - Une maison morte-vivante

Notre maison de force se trouvait à l’extrémité de la citadelle, derrière le rempart. Si l’on regarde par les fentes de la palissade, espérant voir quelque chose, — on n’aperçoit qu’un petit coin de ciel et un haut rempart de terre, couvert des grandes herbes de la steppe. Nuit et jour, des sentinelles s’y promènent en long et en large ; on se dit alors que des années entières s’écouleront et que l’on verra, par la même fente de palissade, toujours le même rempart, toujours les mêmes sentinelles et le même petit coin de ciel, non pas de celui qui se trouve au-dessus de la prison, mais d’un autre ciel, lointain et libre.[...] Derrière cette porte se trouvaient la lumière, la liberté ; là vivaient des gens libres. En deçà de lapalissade on se représentait ce monde merveilleux, fantastique comme un conte de fées : il n’en était pas de même du nôtre, — tout particulier, car il ne ressemblait à rien...

Fiodor Dostoïevski (1821―1881) - Souvenirs de la maison des morts (1862) (incipit)

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