Politique étrangère de la Roumanie

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La politique étrangère de la Roumanie est marquée par sa situation aux limites de deux grandes zones d’influence : celle à laquelle elle appartient (OTAN depuis 2004 et Union européenne depuis 2007) et celle dont elle a fait partie de 1945 à 1990, et dont fait toujours partie sa voisine la République de Moldavie, état héritier à la fois d’un passé commun avec la Roumanie (langue, culture, cuisine, musique...) et d’un passé commun avec la Russie et les autres pays ex-soviétiques.

En bleu les États où la Roumanie (rouge) entretient des missions diplomatiques.

Politique relative aux états du tiers-monde et à l'OTAN[modifier | modifier le code]

La nomenklatura roumaine a toujours entretenu de bonnes relations avec tous les états du tiers monde, y compris ceux que les États-Unis classent comme « états-voyous ». Les gouvernements successifs de la Roumanie n’avaient aucune raison de changer de politique à cet égard : seule l’inquiétude suscitée par l’expansionnisme russe et ukrainien en mer Noire ont poussé la Roumanie à rejoindre l’OTAN en 2004. En Irak et en Afghanistan, les forces armées roumaines intégrées dans l’OTAN veillent à se cantonner à des tâches logistiques et médicales, car l’État-major, qui a gardé ses relations privilégiées du régime communiste avec le monde musulman, cherche à éviter un engagement trop marqué au service de la politique occidentale, afin de conserver le statut traditionnel de “Dar el Ahd“ de la Roumanie (arabe : دار العهد ou "maison de la trêve", terme décrivant historiquement la relation de l’Empire ottoman avec les principautés roumaines tributaires)[1]. Contrairement à ce qui se passe en Europe occidentale où beaucoup de musulmans sont des immigrés récents, souvent en situation socio-économique modeste et issus d’anciens empires coloniaux, en Roumanie les musulmans, Roms exceptés, sont en général d’implantation fort ancienne, et ont été, durant des siècles, en situation socio-économique et politique dominante, notamment aux époques de la Horde d'or tatare (XIIIe siècle) et de l’Empire ottoman turc (du XVe siècle au XIXe siècle). De ce fait, ils ont un niveau d’instruction généralement élevé, leur islam (sunnite hanéfite) est modéré, et leur identité est ancienne et fortement affirmée. Il n’y a jamais eu d’attentat musulman en Roumanie. Les Arabes venus du Moyen-Orient depuis la fin du XXe siècle ont aussi un niveau d’éducation élevé, et pratiquent un islam sunnite hanéfite ; l’un d’eux, Raed Arafat (en), devient ministre de la Santé en 2007.

Politique dans l’Union européenne[modifier | modifier le code]

Après son adhésion à l’Union européenne le , en même temps que la Bulgarie, la plupart de ses parlementaires ont rejoint l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe européens (qui voient ainsi leur nombre augmenter de 17 %) et les partis de centre-droit ; un moindre nombre a rejoint le groupe socialiste, et une poignée a rejoint l’extrême-droite européenne qui a ainsi pu se constituer en groupe. Mais la plupart de ces eurodéputés, quelle que soit leur étiquette actuelle, ont un passé communiste.

Selon le président roumain Klaus Iohannis, l’extension et l’approfondissement de l'UE peuvent se dérouler simultanément, et la Roumanie soutiendra très fortement les partenariats avec la République de Moldavie et avec les États des Balkans de l’Ouest (Albanie, pays de l’ex-Yougoslavie)[2]. La Roumanie ne fait pas payer ses visas aux citoyens de République de Moldavie et de Serbie.

Le premier ministre italien Romano Prodi et son homologue roumain Călin Popescu-Tăriceanu ont signé le à Bucarest une déclaration politique commune. Compte tenu des relations excellentes entre ces deux pays, ils s’engagent à ce que leurs gouvernements coordonnent les démarches dans le cadre de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne la constitution et l’intégration des pays de l’ouest des Balkans. Cette déclaration se fait alors que les deux pays fêtent 10 ans depuis la signature du Partenariat stratégique commun. L’Italie est la destination préférée des Roumains (devant l’Espagne), environ 300 000 Roumains ont travaillé en Italie en , sans compter ceux de l’économie informelle. L’Italie est le principal investisseur en Roumanie et le plus grand importateur (19,4 % des importations) et exportateur (15,6 % des exportations).

La Roumanie se situe au carrefour de la stratégie énergétique de l’Union européenne[3]. Désormais, des pays pétroliers comme le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan sont à proximité de la frontière maritime de l’UE. La mer Noire est vue à Bucarest comme une priorité qui peut permettre de réduire la dépendance énergétique de l’Union européenne, des Balkans occidentaux et de la République de Moldavie à l’égard de la Russie. Le pays est membre le l’Organisation de coopération économique de la mer Noire et de la Synergie de la mer Noire : de ce fait, la Roumanie permet à l’UE de mieux négocier les accords énergétiques avec la Russie.

Depuis 2010, les multiples signaux de faiblesse de l’Union européenne et de l’OTAN (attitude vis-à-vis de la Grèce, non-intervention dans le drame ukrainien, Brexit, passage de relais à la Russie en Syrie, accueil fait aux migrants, déclarations isolationnistes de divers dirigeants européens et de Donald Trump...) ont favorisé, en Pologne et Hongrie, la radicalisation nationaliste des partis PIS, Fidesz et Jobbik, et en Bulgarie et Moldavie, l’élection de candidats russophiles et eurosceptiques (respectivement Igor Dodon et Roumen Radev[4],[5],[6]), tandis que la Roumanie demeure un bastion de centre-droit modéré avec le président Klaus Iohannis, de gauche socialiste avec son parlement à majorité sociale-démocrate, et fermement pro-européen[7].

Relations avec la Moldavie[modifier | modifier le code]

Il existe un mouvement unioniste en Moldavie et Roumanie, mais, hormis la brève période d’enthousiasme romantique en 1990-1991, il n’a convaincu qu’une minorité des électeurs de chaque pays, et l’union a toujours été considérée par les dirigeants et les parlementaires roumains comme une dangereuse utopie en raison des conditions économiques[8] et géopolitiques[9]. La communauté internationale et l’OTAN estiment aussi que le statu quo est, comme en Abkhazie et Ossétie, la clef de la paix et de la stabilité dans la région[10].

En Roumanie, personne n’est donc prêt à engager un bras de fer avec la Russie pour les unionistes. Entre 2004 et 2009, le journal roumain Ziua publia une série d’entretiens avec des ambassadeurs, des ministres ou des plénipotentiaires russes, où ceux-ci semblaient prêts à accepter une union moldo-roumaine, mais sans la République moldave du Dniestr et en échange de la reconnaissance, par la Roumanie, du rattachement de celle-ci à la Russie (où des usines Gazprom sont implantées[11],[12]). Toutefois, le président russe, Vladimir Poutine, n'a jamais confirmé ni infirmé cette position.

En janvier 2006, l’ancien président roumain Traian Băsescu a déclaré que « la politique de la Roumanie consiste à soutenir l'intégration de la Moldavie dans l'Union européenne », et que « c'est au sein de celle-ci que ce qui est épars pourra être rassemblé »[13]

La loi roumaine sur la citoyenneté (no 21) permet l’obtention (ou la ré-obtention) de la citoyenneté roumaine par toute personne l’ayant eue avant 1940, ainsi que par ses descendants des 1er et 2e degrés. Cette mesure, conçue pour réparer les injustices de l’époque communiste, s’est traduite par l’émission de plus de 100 000 passeports roumains à des citoyens de Moldavie et d’Ukraine (Bucovine du Nord) ; plusieurs centaines de milliers d’autres citoyens Moldaves ont aussi demandé la citoyenneté roumaine. Près de 800 000 demandes d’obtention de la citoyenneté roumaine ont été enregistrées en l’espace de quelques mois lorsque la Roumanie a rejoint l'U.E. Le , l’ancien président Traian Băsescu déclara même que la citoyenneté devrait être automatiquement accordée à tous les citoyens moldaves, sans condition[14]. Depuis 2010, environ 10 000 demandes par an sont satisfaites.

Cette forme d’« union personnelle » des Moldaves avec la Roumanie a suscité, le , un article de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel titré : « La Roumanie fait entrer les Moldaves dans l’UE par la porte de derrière », accusant la Roumanie d’agir unilatéralement sans l’accord de Bruxelles, de Berlin ou de Paris. Dans cet article, Der Spiegel accusait la Roumanie de vouloir seulement s’offrir la main-d’œuvre la moins chère d’Europe[15]. Le lendemain, l’ancien président Băsescu répliqua, par un communiqué de presse du ministère roumain des Affaires étrangères, que la position du Spiegel n’était rien moins que raciste, puisque l’hebdomadaire reprochait à la Roumanie une politique que l’Allemagne elle-même pratique depuis bien avant 1990 : l’article 116 de la Constitution allemande stipule en effet que « les anciens citoyens allemands ayant perdu leur citoyenneté entre le et le pour des motifs politiques, ethniques ou religieux, ainsi que leur descendance, peuvent demander et obtenir la nationalité allemande »[16]: en vertu de cet article, ce sont 18 millions d’Allemands qui sont « entrés dans l’UE par la porte de derrière », alors que les roumanophones de Moldavie ne sont que 3 millions[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Adevărul, page Foreign policy sur [1] consulté le 8 septembre 2011.
  2. La Roumanie plaide en faveur de la poursuite par l’UE de la politique des portes ouvertes
  3. Roumanie : projets énergétiques pour la région de la mer Noire
  4. « En Bulgarie, un pro-russe emporte l’élection présidentielle », lesechos.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. Nadejda, « La situation politique en Moldavie entre deux élections », Moldavie.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. (ro) « Găgăuzia - un Dodon-land cu teamă de Unire și nostalgii sovietice », RFI.ro,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  7. Cristian Citre, (ro) Iohannis: mă bucură că România îşi păstrează viziunea sa profund pro-europeană, la 10 ani de la aderare (« Iohannis: je me réjouis que dix ans après l'adhésion, la Roumanie demeure ferme dans sa vision profondément pro-européenne »), in: News.ro sur [2].
  8. Le principal obstacle aux espérances des unionistes, notamment en Roumanie, est d'ordre économique :
    Pays Population (estimée en 2005 sur CIA Factbook) Surface Densité PIB (Source : Parité de pouvoir d'achat, estim. 2007 sur IMF est.) PIB/habitant
    Roumanie 21 680 974 238 391 km2 91 229,9 milliards de $ 10 661 $
    Moldavie 3 938 832 33 843 km2 111 9,367 milliards de $ 2 374 $
    État unifié 25 619 806 272 234 km2 94 239,3 milliards de $ 9 339 $
  9. Malgré la déclaration d'indépendance de la Moldavie qui condamnait l'annexion soviétique de 1940 et ses conséquences, affirmant qu'elle ne reposait sur aucune base légale (source : (en) Declaration of Independence of the Republic of Moldova, Moldova.org), le Traité de Paris (1947) constitue une reconnaissance internationale des pertes territoriales roumaines de l'été 1940 (50,138 km2) au profit de l'URSS entre 1940 et 1948. Les conséquences territoriales de l'occupation soviétique de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord ont donc bien été admises par la communauté internationale, Roumanie incluse, contrairement à celles de l'occupation des États baltes eux aussi envahis conformément au protocole secret du pacte Hitler-Staline, mais dont ni les États-Unis ((en) Ferdinand Feldbrugge, Gerard Pieter van den Berg et William B. Simons, Encyclopedia of Soviet law, Dordrecht/Boston/Lancaster, BRILL, , 964 p. (ISBN 90-247-3075-9, lire en ligne), p. 461) ni le Parlement européen ((en) Motion for a resolution on the Situation in Estonia par le Parlement européen, B6-0215/2007, 21.05.2007; passée le 24.05.2007. Consulté le 1er janvier 2010, (en) Renaud Dehousse, « The International Practice of the European Communities: Current Survey », European Journal of International Law, vol. 4, no 1,‎ , p. 141 (lire en ligne [archive du ], consulté le ), (en) European Parliament, « Resolution on the situation in Estonia, Latvia, Lithuania », Official Journal of the European Communities, vol. 42/78,‎ (lire en ligne)), ni la CEDH, ni le Conseil des droits de l'homme de l'ONU n'ont reconnu l'incorporation parmi les 15 Républiques socialistes soviétiques ; de plus, la plupart des pays non-communistes membres de l'ONU ont continué à reconnaître de jure l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie (David James Smith, Estonia: independence and European integration, Routledge, 2001, (ISBN 0-415-26728-5), p.XIX, Bruce Parrott, State building and military power in Russia and the new states of Eurasia, M.E. Sharpe, (ISBN 1-56324-360-1, lire en ligne), « Reversing Soviet Military Occupation », p. 112–115, Peter Van Elsuwege, Russian-speaking minorities in Estonian and Latvia : Problems of integration at the threshold of the European Union, Flensburg Germany, European Centre for Minority Issues, (lire en ligne), p. 2) qui, après la dislocation de l'URSS fin 1991, ont été les trois seules anciennes républiques soviétiques à pouvoir quitter la sphère d'influence de la Russie, à n'intégrer ni la CEI-Eurasec, ni l'OCCA, ni l'OTSC, et à rejoindre l'OTAN et l'Union européenne (Ian Costello-Cortes, Atlas encyclopédique mondial, Nathan 1996, (ISBN 2091814016). La reconnaissance internationale des pertes territoriales roumaines a empêché le mouvement unioniste de parvenir à ses fins et a laissé le champ libre aux pressions géopolitiques de la Russie à travers le séparatisme pro-russe en Transnistrie et à travers les positions du parti communiste de Moldavie qui exprime l'opposition des descendants des colons soviétiques à tout rapprochement avec la Roumanie en particulier et avec l'occident en général (Jean Nouzille, La Moldavie, histoire tragique d'une région européenne, Ed. Bieler, (ISBN 2952001219). Pour ce mouvement unioniste, le 28 mai (date de la signature du traité de Bucarest coupant la Moldavie en deux en 1812) est un jour de deuil commémorant une tragédie (Platforma civica "Actiunea 2012" sur [3], [4], « http://www.tvr.ro/articol.php?id=102788 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) (consulté le ) et [5]), tandis que la Russie considère une éventuelle abolition de la frontière établie en 1812 comme un casus belli, au même titre que les tentatives géorgiennes de reprendre le contrôle de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud (La Pravda, commentant l'indépendance du Kosovo, écrivait : « aujourd'hui la principale préoccupation de la Russie doit être d'empêcher l'annexion de la Moldavie par la Roumanie » sur [6]).
  10. Ian Johnstone, Annual Review of Global Peace Operations 2007, Lynne Rienner Publishers, Boulder/Londres, p. 131.
  11. RIA Novosti du 16 septembre 2009 sur Gazprom-Transnistrie: les paiements pour le gaz au menu d'une rencontre Miller-Smirnov
  12. Le Figaro du , sur La Transnistrie vote à 97,1 % pour le rattachement à la Russie
  13. Journal roumain L'Événement du jour du sur [7]
  14. Déclaration de Băsescu sur [8] et sur « http://www.jurnal.md/ro/news/basescu-vine-la-chisinau-164456/ »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) (consulté le ), consultés le 2010-07-19
  15. Der Spiegel, MDS sur [9], sur Romanian Passports For Moldovans - Entering the EU Through the Back Door et sur [10], consultés le 2010-07-19
  16. Réaction roumaine rapportée les 16 et 18 juillet 2010 par Răzvan Iorga sur karadeniz-press.ro [11] et par Laurențiu Nistorescu sur renasterea.ro [12], consultés le 2010-07-19
  17. Voir sur rgnpress.ro du 14 juillet 2010 : Le berger allemand grogne contre les sous-hommes roumains sur : [13], consulté le 2010-07-19