Marie Denizard

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Marie Denizard
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 87 ans)
LeymeVoir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Marie Eugénie Gabriel DenizardVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Fratrie

Marie Denizard, née le à Pontru (Aisne) et morte le à Leyme (Lot), est une militante féministe française. Elle est la première Française à s'être déclarée candidate à une élection présidentielle, à l'occasion du scrutin du 17 janvier 1913.

Biographie[modifier | modifier le code]

Avant 1913[modifier | modifier le code]

Née le 3 avril 1872 à Pontru[1], Marie Eugénie Gabriel Denizard est la fille de Marie-Sophie-Julie Lesourd, couturière, et de Charles-Joseph Denizard, dentiste. La famille Denizard est originaire du pays du Vermandois, dans les environs de Saint-Quentin (Aisne). Marie est la sœur du dessinateur Orens Denizard.

Elle étudie au lycée de jeunes filles d'Amiens, l'actuel lycée Madeleine Michelis[2]. Au début des années 1910, après avoir habité quelque temps à Pontru[3], elle réside à Amiens, au 6 bis de la rue Saint-Martin, avec sa mère, qui exerce la profession de culottière, et deux sœurs cadettes, Hélène (née en 1885) et Madeleine (née en 1887)[4].

Investie dans la cause féministe depuis les dernières années du XIXe siècle[5], Marie Denizard aurait collaboré avant 1910 à La Fronde de Marguerite Durand[6]. Elle aurait également contribué au rapport du député Paul Dussaussoy en faveur du droit de vote des femmes[5].

Elle appartient aussi à une ligue de tempérance amiénoise nommée l’Étoile bleue[2].

Lors des élections législatives de 1910, elle annonce sa candidature dans la première circonscription d'Amiens[6]. Outre la revendication de droits civiques pour les femmes, elle s'engage contre les ravages de l'alcoolisme dans la classe ouvrière et contre les abandons d'enfants. Inéligible en tant que femme, les bulletins à son nom ne sont pas comptés parmi les suffrages exprimés[2].

La même année, elle rédige un vœu en faveur de l'électorat et de l'éligibilité des femmes que Louis-Lucien Klotz, député et conseiller général radical du canton de Rosières-en-Santerre, accepte de soumettre au conseil général de la Somme, qui l'adopte à l'unanimité le [5]. Elle commente et justifie ce texte dans un article publié par Le Chambard d'Amiens[7].

Peu de temps après, elle publie La Femme et la loi salique, premier fascicule d'une série d'études dédiée aux femmes de Picardie et consacrée aux droits des femmes avant 1789[8].

En , considérant que les femmes, privées de tout droit politique, « n'ont pas à subir les lois ni payer les impôts qu'elles n'ont pas consentis », elle adresse une lettre au préfet de la Somme afin de demander d'être déchargée « de toute taxe et contribution à titre personnel ». En effet, selon elle, les Françaises ne doivent pas « être imposées à titre personnel, ni directement ni indirectement, un devoir devant toujours avoir pour corollaire immédiat l'exercice d'un droit »[9].

En , elle rédige un article fondé sur des recherches personnelles et dans lequel elle avance l'hypothèse des origines picardes de Jean-Baptiste Lully[10]. Le caractère fantaisiste de cette théorie est notamment démontré par Julien Tiersot dans Le Ménestrel[11].

Candidature à la présidence de la République (1913)[modifier | modifier le code]

Dans Le Journal du , le journaliste Fernand Hauser écrit : « Les féministes ont prétendu parfois que le Congrès peut élire une femme ; c'est une erreur. Le texte constitutionnel dit expressément : « Le président de la République » au masculin ; il ne saurait donc y avoir de doute. Toutefois, l'assemblée, étant souveraine, aurait le droit de satisfaire aux vœux des femmes politiciennes ; mais qu'une de celles-ci pose sa candidature, pour voir... »[12].

Marie Denizard décide de relever le défi et l'annonce à Hauser, qui l'interviewe et publie sa photographie en une du Journal du suivant. Denizard y rappelle qu'il y a déjà eu des femmes cheffes d’État, en citant les exemples historiques des régentes du royaume de France, de la Grande Catherine et de la reine Victoria, ainsi que les exemples contemporains de la reine Wilhelmine des Pays-Bas et de la grande-duchesse de Luxembourg. Elle déclare à Hauser : « Ma candidature n'est pas si fantaisiste qu'on pourrait le croire. Elle signifie que la femme a le droit de prendre sa part du gouvernement, puisqu'elle paie sa part des impôts : pourquoi les veuves, les célibataires, les divorcées ne voteraient-elles pas ? Pourquoi ne seraient-elles pas éligibles ? Pourquoi les femmes mariées n'auraient-elles pas le droit de remplacer leur mari dans ses droits civiques, autorisées par lui, lorsqu'il est défaillant, malade ou absent ? »[5].

Cette candidature de témoignage n'est pas prise aux sérieux par la plupart des journalistes. Le moins bienveillant d'entre eux est l'éditorialiste Jean Ernest-Charles, qui considère que la « candidature puérile et ostentatoire de Mlle Denizard » n'est qu'une « compromettante pitrerie » et compare la jeune femme aux suffragettes britanniques, dont il attribue les « excentricités de malades » à une « hystérie » causée « par un trop long célibat »[13]. De manière plus surprenante, cette réprobation se manifeste également dans le camp des féministes : Marguerite Durand juge que la candidature de Marie Denizard n'est qu'une « fâcheuse plaisanterie » préjudiciable à la crédibilité du mouvement féministe[14]. Bien qu'elle ne lui accorde pas beaucoup d'attention, La Française de Jane Misme se montre plus compréhensive devant cette « simple manifestation de principe », qui « a atteint son but de propagande », et souligne que la candidate est « une féministe zélée et sérieuse »[15].

Marie Denizard fait même imprimer des bulletins de vote à son nom et rédige une profession de foi qu'elle adresse aux parlementaires[16].

En , Marie Denizard écrit un article pour Le Combat féministe d'Arria Ly[17].

Après 1913[modifier | modifier le code]

En 1914, Marie Denizard collabore au Cri des femmes, un hebdomadaire dont elle dirige l'édition de la Somme[18]. Elle entre cependant bientôt en conflit avec le commanditaire du journal, le juge Bonjean, qui refuse de lui accorder une rétribution[19].

Elle semble alors vivre dans la précarité, car elle ne paye plus le loyer du logement qu'elle occupe dans la rue Lavalard, à Amiens. Le , elle est arrêtée après avoir proféré des propos menaçants à l'encontre de l'huissier envoyé par son propriétaire[20]. Incarcérée pendant une quinzaine de jours, elle est inculpée d'outrages et de menaces de mort[21]. Dans La Française, la journaliste Alice Berthet appelle à la solidarité envers l'ancienne candidate à la présidentielle[22]. La Ligue de défense des femmes lui procure un avocat parisien, Me Lenoble. Finalement, le tribunal se montre indulgent et ne la condamne qu'à 25 francs d'amende, avec sursis, pour outrage[23].

Par la suite, Marie Denizard fait beaucoup moins parler d'elle. En , elle adresse au Sénat une pétition dans laquelle elle affirme être victime d'abus de pouvoir[24].

Elle meurt le 21 mai 1959 à Leyme (Lot)[1].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Archives départementales de l'Aisne, état civil de Pontru, registre de l'année 1872, acte no 9 (vues 180-181 sur 433)
  2. a b et c Textes et documents sur la Somme, no 58 (Le vote des femmes, 1910-1945), septembre 1994.
  3. Le Guetteur de Saint-Quentin et de l'Aisne, 13 avril 1910, p. 2.
  4. Archives départementales de la Somme, recensement de la population, Amiens sud-ouest, 1911 (vue 509 sur 586). Ce recensement contient apparemment quelques erreurs sur les prénoms et dates de naissances des quatre femmes.
  5. a b c et d Fernand Hauser, « Une candidate à la présidence », Le Journal, 4 janvier 1913, p. 1.
  6. a et b Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, 30 mars 1910, p. 2.
  7. Marie Denizard, « L'éligibilité des femmes devant le conseil général de la Somme », Le Journal des femmes, octobre 1910, s.p. (consultable en ligne sur Gallica).
  8. La Française, 11 janvier 1913, p. 3.
  9. Le Guetteur de Saint-Quentin et de l'Aisne, 22 mars 1911, p. 2
  10. Marie Denizard, « La famille française de Lully », Revue musicale S.I.M., 15 mai 1912, p. 1-14 (consultable en ligne sur Gallica).
  11. Le Ménestrel, 22 juin 1912, p. 193-194 (consultable en ligne sur Gallica).
  12. Fernand Hauser, « Comment on élit le président de la République », Le Journal, 26 décembre 1912, p. 2.
  13. Jean Ernest-Charles, « Parmi les hommes », Gil Blas, 6 janvier 1913, p. 1.
  14. Marguerite Durand, « Geste fâcheux », Les Nouvelles, 6 janvier 1913, p. 1.
  15. La Française, 11 janvier 1913, p. 3.
  16. Fernand Hauser, « Autour du Congrès », Le Journal, 13 janvier 1913, p. 1-2.
  17. Marie Denizard, « La femme française et le service militaire devant l'histoire », Le Combat féministe, janvier 1913, p. 3-4.
  18. Le Progrès de la Somme, 16 juin 1914, p. 3.
  19. René Brochon, « Le couple Briand-Bonjean », Les Hommes du jour, 4 juillet 1914, s.p. (consultable en ligne sur Gallica).
  20. Le Progrès de la Somme, 8 mai 1914, p. 3.
  21. Le Progrès de la Somme, 28 mai 1914, p. 3.
  22. La Française, 30 mai 1914, p. 3.
  23. Le Progrès de la Somme, 18 juin 1914, p. 3.
  24. Journal officiel de la République française, 2 mars 1923, p. 480 (consultable en ligne sur Gallica).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]