Longwood House

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La demeure est localisée sur le plateau de Longwood. Construite sans fondation et avec une toiture qui fuit, elle voit toutes ses pièces rongées par l'humidité qui favorise le développement de moisissure sur les tissus et la pullulation de rats[1], sujets des caricatures antinapoléoniennes[2].
Caricature anglaise et française représentant le général Bonaparte comme le « roi des Rats » à Longwood et Sainte-Hélène comme l'île des rats[3].
Tabatière en corne sculptée représentant Longwood House.

Longwood House est un bâtiment qui fut la dernière résidence de Napoléon Ier lors de son exil sur l'île de Sainte-Hélène. Napoléon Ier y séjourna du au , jour de sa mort.

La propriété, avec la vallée du Tombeau et le pavillon des Briars, constituent aujourd'hui les domaines français de Sainte-Hélène.

Histoire[modifier | modifier le code]

Longwood House est située dans le district de Longwood à 6 km de Jamestown, la ville de l'île, sur le plateau homonyme, exposé en permanence aux alizés du sud-est et régulièrement plongé dans le brouillard, et dont la surveillance est facile. Anciennement résidence d'été du Lieutenant-Gouverneur de l'île, elle est réservée à l'usage de l'Empereur et des compagnons que le hasard ou l'intérêt lui a donnés en 1815[4], durant leur exil à Sainte-Hélène. Coupés du monde et plongés dans l'ennui, ses habitants vivent dans un huis clos et une promiscuité dans lesquels ils s'épient mutuellement et guettent les faveurs de Napoléon, ce qui suscite querelle et rancœur qui attisent la jalousie et les persiflages. « Si certains n'en avaient cure, plusieurs en revanche en perdirent presque la raison. À l'évidence, le premier regard qui comptait était celui de Napoléon, ses avis suscitant l'espérance ou abîmant les individus[5] ». Cette ambiance oppressante explique que la maison se vide à partir de 1817 : les départs forcés et les défections se multiplient après le départ de l'île de Las Cases fin décembre 2016 et redoublent après le congrès d'Aix-la-Chapelle en 1818 qui voit les Alliés décider de maintenir Napoléon en captivité sur l'île jusqu'à sa mort. Les plus marquants sont ceux du général Gourgaud (le 14 mars 1818), exaspéré par le favoritisme des Montholon, le docteur O'Meara (le 2 août 1818) et la dernière maîtresse de l'empereur Albine de Montholon[6] et ses enfants (le 2 juillet 1819)[7],[8].

Le gouvernement britannique reconnait que Longwood House est inadéquate pour être la résidence de Napoléon et de son entourage, mais le gouverneur souligne la praticité du domaine de Longwood où il est assigné, à résidence surveillée, par une armée de 1 800 hommes et des navires envoyés sur place (un vaisseau de ligne et deux frégates)[9]. Au moment de sa mort il vient de construire une nouvelle maison à proximité, New Longwood, mais que Napoléon n'a jamais occupé. En , il est question de déménager Napoléon à Rosemary Hall, une maison de bonnes proportions située dans la partie plus hospitalière et plus ombragée de l'île[10]. Mais des révélations inopportunes de Gourgaud à cette époque font craindre au gouvernement britannique les risques d'une évasion devenant plus aisée, et font annuler ce projet. Aussi, la construction de la nouvelle maison à Longwood commence-t-elle début .

Après la mort de l'Empereur, Longwood est restituée à la compagnie des Indes orientales, puis plus tard à la Couronne britannique, et est utilisée comme maison agricole. Son absence d'entretien est rapportée à Napoléon III qui négocie avec le gouvernement de Londres le transfert de propriété à la France. En 1858, Longwood House devient la propriété du gouvernement français, ainsi que la vallée du Tombeau où a été initialement enterré Napoléon, pour une somme totale de 7 100 livres sterling. Depuis, un représentant français vit sur l'île en permanence pour s'occuper des deux propriétés, gérées par le ministère français des Affaires étrangères.

En 1959, une troisième propriété, les Briars, où Napoléon passe ses deux premiers mois, le temps que Longwood soit aménagé, est donnée au gouvernement français par Dame Mabel Brookes.

Le jardin a repris sa configuration que lui avait donnée Napoléon[11]. En revanche les environs ont changé, principalement du fait que l'éradication des chèvres sauvages et des rats sur l'île a permis à la végétation tropicale de reconquérir les terrains qu'elle avait perdus au XIXe siècle.

En 2012, des travaux de rénovation sont lancés, cofinancés par l’État français et une souscription auprès du grand public menée par la Fondation Napoléon[12].

En 2015, la gestion et la responsabilité des Domaines sont confiées à la Saint Helena Napoleonic Heritage Ltd, une société de droit hélénien, dont les membres sont le Ministère français des Affaires étrangères, la fondation Napoléon et le gouvernement de Sainte-Hélène[13]

Le 5 mai 2021, une cérémonie est organisée à la maison de Longwood à l'occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon Ier[14].

Architecture[modifier | modifier le code]

La vie de la petite cour s'organise tout entière autour des dictées de l'Empereur déchu qui réécrit son histoire et forge le mythe du vaincu persécuté. La bibliothèque est représentée dans le tableau Napoléon dictant ses mémoires de Jean-Baptiste Mauzaisse[15].

Du temps de l'exil, la maison de Longwood abrite une vingtaine de pièces qui offrent une surface habitable de 1 000 m2. L'Empereur en occupe 150, soit six pièces de dimensions modestes, distribuées en T avec ce qu'il appelle «  son intérieur » : son cabinet de travail et sa chambre de repos flanquée d'une salle de bains équipée d'une baignoire en cuivre. Viennent ensuite une salle à manger, une bibliothèque équipée de meubles aux portes grillagées pour protéger les 3 500 volumes des rats, un salon où il meurt sur un lit de camp, un vestibule construit en 1815 (il est converti en salle de billard sur lequel Napoléon étale ses cartes et croquis de batailles lors de la rédaction de ses mémoires documentés, puis salon d'attente)[16]. La construction d'une véranda en treillage à l'entrée permet d'offrir plus de lustre à cet ensemble qui abrite derrière les pièces pour loger les officiers français, un médecin, un officier britannique et les domestiques. La demeure « aurait pu paraître confortable à un gentleman en week-end, moins à un homme qui, comme Premier consul puis comme empereur, avait connu le luxe dans de vastes palais ou même en campagne[17] ».

Le gouverneur de Sainte-Hélène, durant la captivité de Napoléon, sir Hudson Lowe, l'a lui-même admis dans un rapport au ministre Bathurst : « ni le mobilier ni l’aspect général ne correspondent à ce qui pourrait être fourni à un officier du grade de général dans tout autre endroit, car le tout est d’une qualité très en deçà de ce qui équipe ma maison ; son habitation relève davantage d’une maison ordinaire et rurale en Angleterre[18]. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Les habitants tentent de lutter contre les rongeurs avec de la mort-aux-rats, mais nombre de ces ravageurs meurent dans les doubles cloisons et leurs cadavres répandent une odeur pestilentielle. Des battues sont organisées régulièrement pour les tuer et des pièges sont installés pour mettre à mal ces nuisibles que les domestiques chinois accommodent ensuite pour leur consommation personnelle. Cf Pierre Branda, Napoléon à Sainte-Hélène, Place des éditeurs, , p. 118
  2. Les caricaturistes de Londres et de Paris, au fait de ces nuisances, dessinent l'empereur des rats sous le titre « Napoléon commandant une armée de rats », « Napoléon entouré d'une cour de rats », etc. Cf Octave Aubry, Napoléon et son temps. Sainte-Hélène, Flammarion, , p. 176
  3. Jacques Macé, Dictionnaire historique de Sainte-Hélène. Chronologique, biographique et thématique, éditions Tallandier, , p. 421
  4. Octave Aubry, Napoléon et l'amour, Flammarion, , p. 7
  5. Pierre Branda, Napoléon à Sainte-Hélène, Perrin, , p. 255
  6. « Confidente de l'Empereur au long de ses promenades et de ses tête-a-tête, lectrice tirant Napoléon de la mélancolie ou fredonnant au piano des chants italiens, elle a été, à Sainte-Hélène, femme dans l'ombre de celui qui avait gouverné un empire démesuré et qui n'aura même pas droit, dans son exil, à l'affection de sa famille ». Cf Louis Perrier, « Albine de Montholon, confidente de l'empereur Napoléon à Sainte Hélène », Mémoire d'Oc, no 48,‎ , p. 6
  7. Paul Ganière, Napoléon à Sainte-Hélène, Amiot-Dumont, , p. 179
  8. Pierre Branda, « Premiers départs », dans Napoléon à Sainte-Hélène, Perrin, , p. 301-308
  9. Thierry Lentz, Jacques Mace, La mort de Napoléon, Place des éditeurs, , p. 11
  10. Albert Benhamou, L'autre Sainte-Hélène: la captivité, la maladie, la mort, et les médecins autour de Napoléon, 2010, p. 138, extrait des Lowe Papers, rapport de Hudson Lowe au ministre Bathurst
  11. Pour une description de 1821, voir "Le journal du lieutenant Oakley - page 2"
  12. « Napoléon : son dernier “palais” sauvé de la ruine », Le Point, 17 février 2012.
  13. "Les domaines français de Sainte-Hélène ", octobre 2015, sur le blog du conservateur des Domaines nationaux.
  14. « 2021 Année Napoléon - Domaines nationaux de Sainte-Hélène », sur Fondation Napoléon (consulté le )
  15. « On aperçoit, par la fenêtre ouverte, une échappée sur les rochers de l’île et une sentinelle anglaise en uniforme rouge ; au côté de Napoléon, ses quatre principaux compagnons d’exil écrivent (Gourgaud et Montholon), méditent ou lisent (Bertrand et Las Cases ». Cf « Dernières acquisitions. Napoléon Ier dictant ses mémoires aux généraux Montholon et Gourgaud en présence du grand-maréchal Bertrand et du comte de Las Cases », sur musees-nationaux-malmaison.fr (consulté le ).
  16. Il est souvent écrit que l'autopsie du corps de Napoléon s'est faite sur cette table de billard. En réalité, il a été installé dans cette pièce sur une table constituée de planches et de tréteaux. Napoléon, qui n'appréciait pas ce jeu d'adresse, avait donné a ses domestiques le billard qui fut installé dans une baraque spécialement édifiée prés de la cuisine. Cf Jacques Macé, Dictionnaire historique de Sainte-Hélène. Chronologique, biographique et thématique, éditions Tallandier, , p. 144
  17. Thierry Lentz, Jacques Mace, La mort de Napoléon, Place des éditeurs, , p. 23
  18. Albert Benhamou, Ibid., p. 54, extrait des Lowe Papers
  19. Extrait des Récits de la captivité de l’empereur Napoléon à Sainte-Hélène publié en 1847 par le général Montholon
  20. Cette pièce principale servait de promenoir à Napoléon quand le temps était mauvais, de billard et aussi de salon d'attente lorsqu'il donnait audience. De la véranda, Napoléon regardait à la lunette les courses de chevaux organisées deux fois par an par les Anglais dans la plaine de Deadwood. Cf Ulane Bonnel, Sainte-Hélène, terre d'exil, Hachette, , p. 70-73.
  21. L'humidité dégrade les papiers peints, ce qui conduit le général de Montholon à installer en 1819 dans les deux pièces de l'« intérieur de l'Empereur » des tentures murales en mousseline plissée et percale qui tombent souvent en morceaux après les premières pluies. Ces deux pièces jumelles sont équipées d'un lit de camp à l'armature en fer et pliable, mobilier inventé et breveté en 1804 par Desouches, serrurier du Garde-Meuble impérial. La première sert de cabinet de travail à Bonaparte et la seconde de chambre de repos, l'empereur passant d'un lit à l'autre pour trouver le sommeil pendant la nuit. Cf Ulane Bonnel, Sainte-Hélène, terre d'exil, Hachette, , p. 81

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]