L'Enseigne de Gersaint

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L’Enseigne de Gersaint
Artiste
Date
Type
Scène de genre (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Technique
Huile sur toile
Dimensions (H × L)
166 × 306 cm
Mouvement
Propriétaires
No d’inventaire
GK 1200Voir et modifier les données sur Wikidata
Localisation

L'Enseigne de Gersaint est une huile sur toile de grande dimension (1,66 × 3,06 m) peinte en quelques jours à l'automne 1720 par Antoine Watteau, de retour d'Angleterre et peu de temps avant sa mort.

Ce tableau était destiné à servir de panneau publicitaire à son ami marchand de tableau Edme-François Gersaint, dont la galerie était située à Paris sur le pont Notre-Dame. L'enseigne fut accrochée quinze jours à l'extérieur et fit l'admiration de tout Paris.

Composition[modifier | modifier le code]

Le tableau est d'une très grande originalité, car il représente une scène tout à fait ordinaire de la rue (un intérieur de boutique avec ses clients et ses vendeurs). En traitant d'un sujet de la vie quotidienne, elle est «contraire à toutes les normes artistiques de l'époque[1]» et représente une œuvre complètement atypique.

«Cette œuvre de circonstance [...] réalise un double prodige : d'une part elle constitue un document inestimable sur la vie urbaine de l'époque; d'autre part, par la modernité de sa facture, elle annonce les grands observateurs de la vie parisienne, que seront, plus d'un siècle plus tard, Daumier, Manet ou Degas[2]

Même si le projet du tableau est longuement médité, on peut voir des repentirs – le peintre repense notamment la ligne de fuite du tableau ou la position de la femme au comptoir. L’enseigne de Gersaint est peinte sur un morceau mais a été coupée en deux un siècle plus tard pour s'accommoder des modes de l'époque - ou il était de coutume d'avoir deux tableaux se correspondant autour de cheminées ou de portes. Il faut savoir que l'enseigne ne représente pas les vraies œuvres vendues, les vrais clients, etc. D’ailleurs les visages sont très peu caractérisés, ce ne sont pas des portraits. Cette toile est donc une vision repensée, une vision idéale de la boutique de Gersaint. En ce qui concerne l’influence de Watteau, il s’agit sans nul doute des peintres italiens du XVIe siècle et flamands du XVIIe siècle; les tableaux accrochés aux murs sont «dans le goût de» ces peintres-là[3].

Il faut noter également qu’il manque la devanture (une femme est en train d’entrer dans la boutique, sur la gauche); nous voyons, aussi, les pavés de la rue. Dans le fond, à droite, un marchand présente une scène mythologique. Le chien, à droite, dans l’angle, est directement inspiré de ceux du Couronnement de Marie de Médicis par Rubens. Watteau rend comme un hommage à ce peintre. Au comptoir, un homme et sa femme regardent un miroir, nous ne savons pas s’ils contemplent leur reflet ou s’ils admirent l’objet lui-même.

Une œuvre passée en de nombreuses mains[modifier | modifier le code]

L’Enseigne de la galerie Gersaint de Pierre-Alexandre Aveline, musée de l'Ermitage, 1732.

Gersaint vendit aussitôt le tableau à un conseiller au parlement de Paris, Claude Glucq qui demanda à Pater d'en exécuter une copie avant de le céder, plus tard, sans doute à cause d'embarras financiers, à son cousin germain Jean Jullienne. Ce dernier, directeur de la Teinturerie des Gobelins et mécène de Watteau, fit, du reste, beaucoup pour sa gloire dans la mesure où il fit graver toute l’œuvre de l’artiste. Il tenait, tout comme Glucq, par ses qualités de collectionneur d'art, à manifester la sûreté de son goût et la légitimité de son ascension sociale, lui, dont la famille devait sa fortune à la politique manufacturière de Colbert dans le domaine textile. Il céda néanmoins à son tour la toile en 1744 au comte Rothenburg, l'agent du roi de Prusse Frédéric II, dit Frédéric le Grand. Le tableau se trouve donc aujourd'hui à Berlin au château de Charlottenbourg. Par son sujet comme par ses pérégrinations, L'Enseigne de Gersaint illustre l'importance des circulations artistiques en Europe au siècle des Lumières.

Postérité[modifier | modifier le code]

Le tableau fait partie des « 105 œuvres décisives de la peinture occidentale » constituant le musée imaginaire de Michel Butor[4].

Gravure[modifier | modifier le code]

Le graveur Pierre-Alexandre Aveline a gravé ce tableau en 1732, ce qui permit à l'image de connaitre une grande diffusion[5].

Détails[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Frédéric Gaussen, Paris vu par les peintres, « Paris », Université de tous les savoirs, éd. Odile Jacob, 2004.
  2. Frédéric Gaussen, Ibid.
  3. Charlotte Guichard, « Guillaume Glorieux, À l'enseigne de Gersaint. Edme-François Gersaint, marchand d'art sur le pont Notre-Dame (1694-1750), Seyssel, Champ Vallon, 2002,586 p., 35€ », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 53-3, no 3,‎ , p. 185–185 (ISSN 0048-8003, DOI 10.3917/rhmc.533.0185, lire en ligne, consulté le )
  4. Michel Butor, Le Musée imaginaire de Michel Butor : 105 œuvres décisives de la peinture occidentale, Paris, Flammarion, , 368 p. (ISBN 978-2-08-145075-2), p. 204-205.
  5. Glorieux, Guillaume., A l'enseigne de Gersaint : Edme-François Gersaint, marchand d'art sur le pont Notre-Dame (1694-1750) (ISBN 978-2-87673-344-2 et 2-87673-344-7, OCLC 1104240509, lire en ligne)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Guillaume Glorieux, À l'enseigne de Gersaint : Edme-François Gersaint, marchand d'art sur le pont Notre-Dame (1694-1750), Paris, Champ Vallon, , 598 p. (ISBN 2876733447, EAN 978-2876733442)
  • Christian Michel, Le "célèbre Watteau", Paris, Droz, , 288 p. (ISBN 2600011765)
  • Guillaume Glorieux, L’art du XVIIIe siècle, Presses Universitaires de Rennes (PUR), Paris, 2021.
  • Youri Carbonnier, Sophie Raux, YoChristophe Renaud et François Rousselle, Watteau, Gersaint et le pont Notre-Dame à Paris au temps des Lumières : Les enjeux d'une restitution numérique, Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, , 208 p. (ISBN 2757432834, EAN 9782757432839)