Fédération communiste libertaire (1953-1957)

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Fédération communiste libertaire
Présentation
Fondation lorsque la Fédération anarchiste se rebaptise FCL
Disparition
Siège 145 quai de Valmy
Paris 10e
Publication Le Libertaire
Positionnement Extrême gauche
Idéologie Selon Pierre-Jean Le Foll Luciani, mélange d'anarchisme et de Léninisme[1]
Affiliation internationale Internationale communiste libertaire
Adhérents 200 à 300 [1]
Couleurs Rouge et Noir

La Fédération communiste libertaire ou FCL, était une organisation communiste libertaire française active de 1953 à 1957.

Elle est issue de la transformation de la Fédération anarchiste dite « de 1945 » en une organisation ouvertement communiste libertaire et d'inspiration plateformiste, accentuant le travail syndical et la lutte anticolonialiste....[2]

Historique[modifier | modifier le code]

Origine[modifier | modifier le code]

Le Libertaire du 3 décembre 1953 mentionne, pour la première fois, « organe de la FCL ».

En 1945, après la Seconde Guerre mondiale, dans un souci de rassembler les militants anarchistes dispersés durant la guerre, la Fédération anarchiste se construit afin de tous les réunir dans une même structure[3].

Mais ce choix d'une synthèse anarchiste est contesté et des militants communiste-libertaires favorables à une unité théorique et une plus grande discipline au sein de l'organisation s'attèlent à la remodeler dans cette perspective[3]. Certains au sein de la tendance clandestine Organisation pensé bataille (OPB) qui cherche à former une fraction communiste libertaire pour s'opposer à la fraction individualiste qui bloque alors toute évolution de la FA (en l'empêchant de se structurer) [4], de prendre le contrôle de la FA et d'en faire une organisation révolutionnaire disciplinée, matérialiste, avec une analyse marxienne du capitalisme, une ligne politique unique et défendant le syndicalisme et les luttes sociales[4].

Lors de son congrès de Paris du 23 au , l'orientation communiste libertaire plateformiste (porté par Georges Fontenis et l'OPB) et l'orientation anarchiste synthésiste (porté par Maurice Joyeux) s'opposent[5]. La première l'emporte et change ainsi l'organisation en profondeur. La futur FCL adopte alors le drapeau rouge et noir[6] et le Manifeste du communisme libertaire qui s'oppose autant à l’extrémisme individualiste qu’au bolchevisme, et qui prône la constitution d’une avant-garde implantée au sein des syndicats et autres organisations de masse[7]. Il est destiné à séduire l'aile gauche du parti communiste français[8].

Lors de ce congrès furent élus aux postes de responsabilité de l'organisation Roger Caron (Secrétaire Général), Gilbert Blanchet, René Lustre, André Moine (propagande), Jean Laulla et Michel Donnet (relations extérieures).

À partir de ce moment, les individus et tendances individualistes et synthésistes de la FA sont exclus car non compatibles avec la nouvelle ligne communiste de l'organisation[3]. Cependant, il faut attendre six mois de plus pour que la fédération change de nom. En décembre 1953, à l'issue d'un référendum, le nom FCL fut choisi[9]. Par un vote majoritaire de 71 mandats contre 61 (les autres noms proposés étant « Parti communiste anarchiste » et « Parti communiste libertaire »).

Les anarchistes synthésistes, les anarchistes individualistes et des opposants vont alors créer une nouvelle Fédération anarchiste en 1954 et crée le journal Le Monde libertaire, l'organe de presse de la première FA Le libertaire étant gardé par la FCL[5]. Ils resteront également fidèle au drapeau noir[6].

Les premières années de l'organisation[modifier | modifier le code]

En août 1953 (alors que l'organisation se nommait encore FA), ses militants prirent part aux grands mouvements de grève en défense des retraites[10]. Selon les secteurs professionnels, on les retrouve dans la CGT, FO, la FEN et parfois la CNT[10].

Courant 1954 fut fondée avec des organisations espagnole, italienne et algérienne, une Internationale communiste libertaire (ICL), ce qui provoque la fin des relations de la FCL avec l'Internationale des fédérations anarchistes[11]. L'ICL ne survivra pas au démantèlement de la FCL quelques année plus tard[11].

En , la FCL était présente lors des grèves insurrectionnelles à Nantes, où elle distribua 10 000 exemplaires d'une édition spéciale du Libertaire.

La Guerre d'Algérie[modifier | modifier le code]

L'engagement de la FCL dans la lutte anticoloniale[modifier | modifier le code]

Affiche de la FCL placardée sur les murs de Paris au lendemain de l'insurrection algérienne de novembre 1954.

En , au lendemain de la «Toussaint rouge», la FCL s'engagea dans le soutien aux indépendantistes algériens. D'abord en collant sur les murs de Paris des centaines d'affiches avec l'ICL « Vive l'Algérie libre », puis dans leur journal avec des articles soutenant l'insurrection ce répétant dans chaque numéro du Libertaire[12],[13],[14].

 Avec le Parti Communiste Internationaliste (PCI) majoritaire, lié au Mouvement National Algérien (MNA), des socialistes de gauche et certains militants en dissidence du Parti communiste français. La FCL, liée au Mouvement Libertaire Nord Africain (MLNA), initia alors un Comité de lutte contre la répression colonialiste, d’abord centrés sur Messali Hadj avant de s’étendre aux syndicalistes algériens[15]. Cette lutte commune anti impérialiste recevra le soutien d’André Breton, ainsi que d'André Marty, député de Paris, qui venait d'être exclu du PCF, envoya une lettre de soutien qui fut publiée dans Le Libertaire[16]. Mais elle mènera également l'Etat français à engager la répression judiciaire et policière, toujours en novembre, Le Libertaire est alors saisi pour atteinte à la sûreté de l’Etat et des militants parisiens de la FCL sont poursuivis et condamnés à de lourdes amendes[12],[14],[13].

Vente du Libertaire à Paris, Belleville, en 1955. Paul Philippe et un camarade algérien (non identifié), militants de la Fédération communiste libertaire.

En , le premier militant français incarcéré pour son soutien à la cause algérienne était un ouvrier communiste libertaire, membre de la FCL : Pierre Morain[15]. Il fut condamnée à un an de prison ferme, qu’il fera[12].

En juin 1955, à l'initiative de la FCL le Comité de lutte contre la répression colonialiste est dissout. Fontenis se plaignant de l’attitude du PCI qui empêchait le contact avec Messali Hadj[17]. La FCL fonde alors un Mouvement de lutte anticolonialiste (MLA), qui ressemble des anarchistes, des trotskystes et des militants appartenant à ce qui deviendra par la suite la “Nouvelle Gauche[15].

Durant toute cette période, la FCL, qui estiment que les partisans de Messali sont à la tête des maquis de l’Armée de libération nationale (ALN)[14], relaie dans Le Libertaire, les communiqués du MNA et lui apporte un soutien critique, elle mettra également à disposition leur local à son organisation métropolitaine pour des réunions clandestines et leur offre un soutien matériel[14].

En Algérie, le MLNA, toujours lié à la FCL par l'ICL, diffuse des tracts du MNA et ce charge du transport de dirigeants nationalistes. Paul Philippe, militant de la FCL, fut d'ailleurs chargé par le MNA de fournir aux maquisards des écussons portant les couleurs algériennes avec le sigle de l’ALN[17].

Le passage à la clandestinité[modifier | modifier le code]

Le Libertaire du 14 juillet 1956, ultime numéro de l'hebdomadaire de la FCL, étranglée par la répression, sur un simple recto-verso.

Rapidement la police française entreprend de liquider le MLNA puis la FCL[15]. Ce qui mène à ce que progressivement l'organisation suspende ces activités, jusqu'à ce que en , Le Libertaire, étranglé par les condamnations, les dettes, la censure et les saisies de la police, cesse de paraître[14], malgré la publication d'une publicité pour des montres[18], tandis que leur soutien tourne au profit du FLN[17].

Une partie des militants les plus en vue de la Fédération (Georges Fontenis, Pierre Morain, Paul Philippe, Léandre Valéro) passèrent alors à la clandestinité pour échapper aux poursuites construisent un réseau de solidarité de la FCL pour soutenir leur cavale[19],[20]. Ils éditèrent en mars 1957 un unique numéro d’un bulletin, La Volonté du peuple, composé et imprimer par Paul Philippe et qui fut tiré entre 1000 et 2000 exemplaires, pour être distribué à la sauvette[20].

Finalement pendant l'été 1957, la Direction de la surveillance du territoire (DST) retrouve les groupes clandestin de la FCL et arrête et interroge ces principaux dirigeants[19], comme Georges Fontenis qui fut attrapé en juillet 1957[15].

La passade électoraliste[modifier | modifier le code]

En , la FCL décide de présenter des « candidats révolutionnaires » aux Élections législatives françaises de 1956[21]. Ils avaient pour motivation de ce servir de ces élections comme d'une tribune pour gagner en écho principalement au sujet de la guerre d'Algérie[4]. Ils firent un score dérisoire et Georges Fontenis considère par la suite cette tentative électoraliste comme « une erreur quelque peu ridicule »[22], qui entraîna la scission de plusieurs groupes actifs. Ces scissionnistes forment ensuite les Groupes anarchistes d'action révolutionnaire (GAAR)[23].

La FCL reçoit plusieurs rappels à l'ordre du mouvement anarchiste international sur leur ligne désormais qualifié de léniniste, en pointant du doigt la baisse de leurs effectifs et du lectorat du Libertaire (passant de 40 000 à 5 000 exemplaires par semaine selon Giovanna Berneri[24]).

La fin de la FCL[modifier | modifier le code]

La FCL subit durement son engagement contre la guerre coloniale en Algérie. Entre les saisies du journal et les condamnations de ses militants qui s'élèvent à 24 000 nouveaux francs et 40 000 nouveaux francs pour Fontenis[4], la répression met à terre la Fédération Communiste Libertaire. Et à l'été 1957, lorsque la DST arrête les derniers militants en cavale ou en clandestinité, la FCL s'éteint pour de bon. Certains rescapés arrive néanmoins à poursuivent la lutte mais au sein de La Voie communiste[15] opposition interne du Parti communiste français.

Des années plus tard, l'Union des travailleurs communistes libertaires, puis Alternative libertaire et l' Union communiste libertaire se reconnurent, dans une certaine mesure, dans l'héritage de la FCL[4].

Controverses[modifier | modifier le code]

Au sein du milieu anarchiste, des accusations sont portées contre l'OPB et donc sur la création de la FCL. Le Mémorandum du groupe Kronstadt, groupe qui a activement participé à l'OPB et qui a quitté ou a été exclus de la FCL, dénonce les méthodes de la tendance comme relevant de l'entrisme et du noyautage[25],[26]. La FCL est également accusé d'avoir des pratiques autoritaires, léninistes, avant-gardistes et trotskistes[27].

En 1990, dans ses mémoires L'Autre communisme, histoire subversive du mouvement libertaire, Georges Fontenis revient sur l'OPB, il y déclare que l'OPB n'eu au final pas une si grande influence sur la victoire de l'orientation communiste libertaire : « Même sans l'appareil de l'OPB, la tendance communiste libertaire devait l'emporter, à Bordeaux en 1952, à Paris en 1953, renvoyant au sous-sol du bazar fin de siècle la phraséologie des « girondins ». Il est évident en tout cas que l'OPB ne fut rien d'autre qu'une sorte d'état-major restreint de par la volonté même des militants du courant en question, tous ne s'estimant pas aptes, nous le répétons, à consentir tous les efforts et la discipline de travail que suppose l'appartenance stricte à l'OPB »[28]. Ainsi il rajoute comme une réponse au groupe Kronstadt que « La révélation de l'existence de l'OPB, en 1954, ne sera qu'un fait divers dont se saisiront les partisans de l'immobilisme [...] pour cibler leurs attaques »[28]. En effet, lors du congrès de Bordeaux en 1951 puis de Paris en 1953, les positions défendues par l’OPB sont toujours approuvées par la majorité de la FA, sans aucun trucage[4].

Pour Christian Lagant, l'éditeur de la revue Noir et rouge, la FCL était devenu un « parti plus trotskiste que libertaire qui devait se suicider politiquement après le summum de la participation aux élections législatives de 1956 »[29]. Jacques Guigou et Jacques Wajnsztejn notent que les membres de Noir et rouge « s’élevaient contre la déviation léniniste de la FCL[30] »

Document[modifier | modifier le code]

Notices[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Pierre-Jean Le Foll Luciani, « Anarchisme et décolonisation en Algérie. Le Mouvement libertaire nord-africain (1950-1956) », sur https://journals.openedition.org, (consulté le ).
  2. (en) David Berry, Un temoignage capital sur le mouvement anarchiste apres 1945, Loughborough University, (ISBN 978-2-914933-06-3, lire en ligne)
  3. a b et c Simon Luck et Irène Pereira, « Délibération et liberté politique dans les organisations anarchistes », Réfractions, no 27,‎ (lire en ligne)
  4. a b c d e et f Winston, « BALLAST • Georges Fontenis : pour un communisme libertaire », (consulté le )
  5. a et b Mathieu Le Tallec, « L’unité d’action des trotskystes, anarchistes et socialistes de gauche autour de l’anticolonialisme et de l’anti-bonapartisme (1954-1958) », Diacronie. Studi di Storia Contemporanea, no N° 9, 1,‎ (ISSN 2038-0925, DOI 10.4000/diacronie.3077, lire en ligne, consulté le )
  6. a et b Philippe Buton, « L’iconographie révolutionnaire en mutation », Cultures & Conflits, nos 91/92,‎ , p. 31–44 (ISSN 1157-996X, DOI 10.4000/conflits.18777, lire en ligne, consulté le )
  7. Jacques Ghiloni, « Michael Schmidt, Cartographie de l'anarchisme révolutionnaire », Lectures,‎ (ISSN 2116-5289, DOI 10.4000/lectures.9806, lire en ligne, consulté le )
  8. Cartographie de l'anarchisme révolutionnaire, de Michael Schmidt, Lux Éditeur, 2012 - 193 pages - sous-partie nommée : la réponse fonteniste « Ainsi, le débat entourant le manifeste est-il terni par le secret injustifié entourant l’existence de l'OPB, prétendument destiné à attirer la gauche du Parti communiste Français »
  9. Cédric Guérin, Anarchisme français de 1950 à 1970, mémoire de maîtrise en histoire contemporaine sous la direction de M. Vandenbussche, Villeneuve-d’Ascq, université Lille-III, 2000, texte intégral, pdf
  10. a et b « 1953 : L’été des bras croisés... Et des comités d’action », Alternative libertaire, juillet-août 2023.
  11. a et b Nedjib Sidi Moussa, « Face à la guerre d’Algérie: transactions anticoloniales et reconfigurations dans la gauche française », Diacronie. Studi di Storia Contemporanea, no N° 9, 1,‎ (ISSN 2038-0925, DOI 10.4000/diacronie.3002, lire en ligne, consulté le )
  12. a b et c Jean-Paul Salles, « Les Trotskystes et la Guerre d’Algérie », Dissidences, no 3,‎ (ISSN 2118-6057, lire en ligne, consulté le )
  13. a et b « 1954 : L’insurrection algérienne de la “Toussaint rouge” », Alternative libertaire, novembre 2004.
  14. a b c d et e Pierre-Jean Le Foll Luciani, « Anarchisme et décolonisation en Algérie. Le Mouvement libertaire nord-africain (1950-1956) », Histoire Politique. Revue du Centre d'histoire de Sciences Po, no 39,‎ (ISSN 1954-3670, DOI 10.4000/histoirepolitique.3268, lire en ligne, consulté le )
  15. a b c d e et f Jean-Paul Salles, « Les Trotskystes et la Guerre d’Algérie », Dissidences, no 3,‎ (ISSN 2118-6057, lire en ligne, consulté le )
  16. La lettre d'André Marty est publié dans Le Libertaire du 9 décembre 1954.
  17. a b et c Nedjib Sidi Moussa, « Face à la guerre d’Algérie: transactions anticoloniales et reconfigurations dans la gauche française », Diacronie. Studi di Storia Contemporanea, no N° 9, 1,‎ (ISSN 2038-0925, DOI 10.4000/diacronie.3002, lire en ligne, consulté le )
  18. https://bianco.ficedl.info/local/cache-vignettes/L400xH710/arton1340-af6d4.png
  19. a et b Annie Martin, « La rumeur en Limousin : les maquis de rappelés », dans Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault (dir.), La France en Guerre, 1954-1962. Expériences métropolitaines de la guerre d’indépendance., Éditions Autrement, (lire en ligne).
  20. a et b Sylvain Boulouque, Daniel Goude et Guillaume Davranche, « PHILIPPE Paul », dans Dictionnaire des anarchistes, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
  21. Le Libertaire (1917-1956) : autopsie d'un organe anarchiste lelibertaire.net
  22. Georges Fontenis, Changer le monde. Histoire du mouvement communiste libertaire (1945-1997), éd. Le Coquelicot/Alternative libertaire, 2000, page 128.
  23. « La F.C.L. et les élections du 2 janvier 1956 », Christian Lagant, Noir & Rouge n°9 (hiver 1957/1958)
  24. Giovanna Berneri, le mouvement anarchiste français. Une traduction anglophone existe : https://theanarchistlibrary.org/library/giovanna-berneri-the-french-anarchist-movement
  25. Le Monde Libertaire n°1604 (16-22 septembre 2010), Georges Fontenis : parcours d’un aventuriste du mouvement libertaire, page 6 et suivantes
  26. mémorandum du groupe Kronstadt
  27. Georges Fontenis : parcours d’un aventuriste du mouvement libertaire. page 12
  28. a et b Georges Fontenis, Changer le monde : histoire du mouvement communiste libertaire, 1945-1997, Éditions Le Coquelicot/Alternative libertaire, (ISBN 778-2-914933-06-3[à vérifier : ISBN invalide])
  29. « Sur le néo anarchisme » Noir et Rouge n°46 (juin 1970)
  30. Mai 1968 et le mai rampant italien: Nouvelle édition revue et augmentée. de Jacques Guigou et Jacques Wajnsztejn, Éditions L'Harmattan, Paris, 2018 - 480 pages