Dani Wadada Nabudere

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Dan Wadada Nabudere
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Justice Minister of Uganda (d)
Godfrey Serunkuma Lule (en)
Edward Ogbal (d)
Biographie
Naissance
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Budadiri (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Nationalité
Activités

Dani Wadada Nabudere ( - ) est un universitaire Ougandais, avocat, homme politique, auteur, politologue et spécialiste du développement. Au moment de son décès, il est professeur à l'Université islamique d'Ouganda et directeur du Marcus Garvey Pan-Afrikan Institute, basé à Mbale, en Ouganda.

Son travail politique, intellectuel et communautaire s'étend sur plus d'un demi-siècle d'activisme public. Parmi ses engagements figurent la sécurité alimentaire, la paix, les transmissions du savoir, la contribution de l'Afrique au monde, les solidarités transfrontalières, l'économie politique internationale, le panafricanisme, la défense des communs, le développement des sites communautaires du savoir, et l'économie et la justice restauratrices.

Dani Nabudere a été ministre de la justice de l'Ouganda en 1979 et ministre de la culture, du développement communautaire et de la réhabilitation de l'Ouganda en 1979-1980 au sein du gouvernement intérimaire de l'UNLF en Ouganda. Il a été président de l'Association africaine de science politique[1] de 1983 à 1985 et vice-président de l'Association internationale de science politique[2] (IPSA) de 1985 à 1988. Il est engagé dans un accord de collaboration avec l'Université d'Afrique du Sud[3] dans des projets de recherche conjoints sous le thème général de « revendiquer le futur ». Il est le fondateur et directeur de l'Institut Marcus Garvey Pan-Afrikan (MPAI), à Mbale, en Ouganda. Au cours des dix dernières années de sa vie, Nabudere a travaillé à la création d'organisations pour aider les communautés rurales et faire entendre leur voix sur les questions qui concernent leur vie.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Dani Wadada Nabudere est né le 15 décembre 1932 à Budadiri, en Ouganda, dans une famille du village de Bumayamba, à Buyobo[4].

Nabudere a fréquenté l'école de Bugisu, puis est diplômé de l'Aggrey Memorial College de Bunamwaya. Il est commis des services postaux pendant plusieurs années, avant de postuler pour étudier le droit au Royaume-Uni[5]. Au début des années 1960, il se rend en Angleterre pour étudier le droit, et a obtenu un baccalauréat en droit en 1963, et est admis comme avocat au Lincoln's Inn, à Londres[4],[6].

Dans le mouvement indépendantiste ougandais[modifier | modifier le code]

Nabudere est entré sur la scène politique nationale dans les années 1960. En tant qu'étudiant à Londres en 1961, il a été membre du comité exécutif de l'Association des étudiants ougandais du Royaume-Uni avec Yash Tandon, Ateker Ejalu, Chango Machyo et Edward Rugumayo, qui joueront un rôle important dans l'histoire ougandaise. L'UGASA s'est engagée à développer la conscience politique des jeunes Ougandais qui étudient ou travaillent au Royaume-Uni et en Europe. L'une des principales activités de l'organisation est alors de faire pression sur les parlementaires britanniques pour obtenir l'indépendance de l'Ouganda (qui sera effective en 1962)[7],[8].

Activisme sous le gouvernement Obote[modifier | modifier le code]

À son retour du Royaume-Uni en 1964, il tombe en disgrâce auprès du Congrès du peuple ougandais (UPC). L'UPC était un parti nationaliste radical. Son secrétaire général de l'époque, John Kakonge, est proche des communistes et a de nombreux partisans parmi l'aile jeunesse du parti, parmi lesquels Nabudere. Lors de la conférence de Gulu en 1964, l'aile gauche a été écrasée par Milton Obote et la direction du parti[9]. Naburere se dit socialiste marxiste alors que le gouvernement UPC de l'époque est opposé au communisme. En 1965, il est expulsé du parti avec Kirunda Kivejinja, Jaberi Bidandi-Ssali et Kintu Musoke. Cependant, même après son expulsion de l'UPC, Nabudere est resté un adversaire de l'aile Obote, conservant ses positions radicales. À peu près à la même époque, Nabudere et Raiti Omongin forment le premier parti maoïste en Ouganda. Au cours de cette période, Nabudere a également joué un rôle crucial dans les pourparlers d'unification entre Zanzibar et le Tanganyika.

Lorsqu'Obote a aboli les partis politiques et déclaré un État à parti unique en 1969, Nabudere est victime de la répression contre les militants politiques. Nabudere a, plus tôt en 1963, formé un groupe d'activistes basé à Mbale, appelé le Comité de solidarité Ouganda Vietnam, pour faire campagne contre l'impérialisme américain et la guerre au Vietnam.

En septembre 1965, Nabudere est accusé par un membre du Parlement ougandais d'avoir organisé un « complot communiste » pour renverser le gouvernement. En décembre 1969, à la suite d'une tentative d'assassinat contre Obote lors d'un congrès de l'UPC, Nabudere (entre autres) est arrêté et placé en détention en vertu des lois d'urgence. Il est libéré fin novembre 1970.

Sous le gouvernement d'Idi Amin Dada[modifier | modifier le code]

Lorsque Idi Amin Dada a pris le pouvoir en janvier 1971, un certain nombre d'Ougandais de gauche ont décidé de travailler avec son gouvernement, mais ils ont rapidement été déçus et un certain nombre d'entre eux ont démissionné du gouvernement en 1972, à commencer par Edward Rugumayo. Nabudere est nommé par Idi Amin Dada en 1971 président des chemins de fer et des ports d'Afrique de l'Est basé à Nairobi, au Kenya. En 1974, protestant contre la brutalité d'Amin, il démissionne et déménage en Tanzanie, où il devient l'un des dirigeants du mouvement de résistance anti-Amin Dada[7],[8]

Années 1970 : l'exil à Dar Es Salaam et The Debate[modifier | modifier le code]

En tant qu'universitaire, Nabudere a joué un rôle central dans au moins trois débats importants sur le plan politique et pédagogique à l'Université de Dar es Salaam à la fin des années 1960 et au cours des années 1970[10]. Ces débats académiques et populaires étaient suivis de près à l'époque, et furent formateurs à l'ère des États africains nouvellement indépendants, pendant laquelle des dirigeants politiques comme Julius Nyerere, Kwame Nkrumah, ou Sekou Touré, et des universitaires comme Nabudere, Mamdani, ou Cheikh Anta Diop étaient mobilisés pour faire avancer soit des formes particulières du socialisme africain, du marxisme, des idéespanafricaines, soit pour adapter la théorie du développement aux contextes africains[11].

Le premier débat concernait la Tanzanie, la direction dans laquelle elle allait et comment elle pourrait montrer la voie au reste de l'Afrique vers l'accomplissement du socialisme. C'était principalement un débat entre les radicaux tanzaniens, parfois rejoints par d'autres acteurs extérieurs, comme Walter Rodney et Nabudere[12].

Le second était un débat se tenant principalement parmi les membres africains du corps enseignant de l'Université, en particulier à la Faculté des sciences sociales, sur la façon dont la pédagogie dominante de leurs disciplines pourrait être remise en question et modifiée pour refléter le contexte et les conditions africaines[7],[8]

Le troisième débat voit s'affronter principalement les Ougandais sur "la Colline", surnom donné à l'Université de Makerere, et ceux vivant en exil en Afrique de l'Estn parfois rejoints par d'autres, même en dehors de l'Afrique de l'Est[13]. Il s'inspire en partie du livre de Nabudere Imperialism and Revolution in Uganda (1980) et de sa critique par Mahmood Mamdani, Harkishan Bhagat et Karim Hirji . Plus tard, ces discussions ont été reproduites dans un livre intitulé The Dar es Salaam Debate on Class, State and Imperialism (1982), qui a été édité par Yash Tandon, avec une préface de Mohammad Babu, un révolutionnaire marxiste influent de Zanzibar[14]. The Debate avait une valeur intellectuelle, pédagogique mais aussi politique et stratégique pour l'Ouganda mais aussi pour l'Afrique et le tiers monde[15]. L'importance de ce débat est devenue claire dans les premiers mois de 1979, alors que ces mêmes questions prenaient une importance politique concrète après l'invasion de la Tanzanie par Amin Dada en décembre 1978 . La Tanzanie a repoussé l'invasion, mais le président tanzanien Julius Nyerere, a été confronté à un dilemme. Doit-il se rendre à Kampala, son armée devenant ainsi une « force d'occupation », ou doit-il essayer de forger un front politique ougandais uni pour prendre les rênes du gouvernement ? Il a opté pour cette dernière solution. Mais forger l'unité des forces en présence depuis l'Ouganda s'est avéré difficile[7].

La « bande des quatre » et le Front de libération nationale de l'Ouganda[modifier | modifier le code]

Dans son récit de la période du Front de libération nationale de l'Ouganda (UNLF), l'organisation politique autour de laquelle les exilés ougandais se sont unis pour renverser Amin Dada, Edward Rugumayo, qui est devenu président du conseil de direction de l'UNLF, affirme que Nabudere a joué un rôle central dans la formation du groupe de libération. Lors de la création de l'UNLF et de la formation d'un organe dirigeant connu sous le nom de Conseil consultatif national (NCC), Nabudere est élu président du comité politique et diplomatique. Il devient alors un dirigeant clé du NCC, aux côtés d'Edward Rugumayo, Yash Tandon et Omwony Ojwok . Ils étaient collectivement connus sous le nom de "Gang of Four"[16] :128,135, une référence à la faction dirigeante communiste chinoise appelée le Gang des Quatre de la Révolution Culturelle Chinoise[17].

Sous le gouvernement intérimaire de l'UNLF, Nabudere a été nommé deux fois ministre du gouvernement : en 1979, il a été ministre de la Justice, et de 1979 à 1980, ministre de la Culture, du Développement communautaire et de la Réhabilitation[17].

La première administration du gouvernement UNLF sous le président Yusuf Lule n'a duré que six à huit jours. En septembre 1979, il est évincé du pouvoir par un vote de défiance proposé au parlement de transition, le NCC, présidé par Edward Rugumayo, et remplacé par le président Godfrey Binaisa. L'administration Binaisa est ensuite écartée du pouvoir par la Commission militaire de l'UNLF dirigée par Paulo Muwanga et Yoweri Museveni, et probablement soutenue par la Tanzanie.

Les années 1980 et l'ère post-GRN[modifier | modifier le code]

Lors du coup d'État militaire du 12 mai 1980 qui a renversé Binaisa et placé Paulo Muwanga au pouvoir, Nabudere part en exil, tout comme les trois autres membres de la « bande des quatre »[18].

En 1982, Nabudere déménage à Helsingør au Danemark, enseignant dans une université populaire. Ce fut l'une de ses années les plus productives en tant que chercheur. Il a écrit The Rise and Fall of Money Capital, publié en 1990 par une organisation appelée Africa in Transition,laquelle fut fondée par les frères Yash Tandon et Vikash Tandon. Il s'agit d'une analyse de la monnaie révisant Marx, Engels, Hilferding, Rosa Luxemburg et Keynes, critiqués par Nabudere. Nabudere a effectué une analyse historique de la montée de l'argent en tant qu'argent (par opposition à son évolution en tant que capital), et a fait la prédiction que l'argent finira par vaincre le capital, puis rencontrera sa propre disparition en tant qu'instrument de crédit, ce que l'on peut rapproche des phénomènes économiques de la première décennie du XXIe siècle, s'inscrivant dans la « financiarisation du capital »..Plus tard, un résumé du livre est publié par Fahamu, intitulé The Crash of International Finance-Capital and Its Implications for the Third World (2009), auquel Yash Tandon a écrit une préface[7],[19].

Nabuder a vécu en exil jusqu'en 1993, date à laquelle le président Museveni l'a invité à revenir dans le pays pour faire partie de l'Assemblée constituante (AC)[20].

À son retour, il se fait critique de la présidence de Museveni. Au cours de l'assemblée constituante, Nabudere a souvent conduit les membres de l'Assemblée à entreprendre des cessions de travail lorsqu'ils n'étaient pas d'accord avec les autres membres de l'AC. Il s'est également joint à Aggrey Awori pour former le National Caucus for Democracy (NCD), un groupe de pression au sein de l'assemblée.

La MPAI et Afrikologie[modifier | modifier le code]

Nabudere a fondé le Marcus Garvey Pan-Afrikan Institute (MPAI) à Mbale, en Ouganda, dont l'objectif est de créer un référentiel de connaissances sur la science, la philosophie, la médecine et d'autres connaissances indigènes africaines qu'il a appelé l'« Afrikologie »[21]. MPAI devient ensuite une université, dont il fut le premier chancelier désigné[7],[22].

Décès[modifier | modifier le code]

Après avoir souffert de diabète et d'hypertension artérielle, Nabudere est décédé chez lui aux premières heures du 9 novembre 2011[23].

Publications notables[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • The Political Economy of Imperialism, 1976, Tanzania Publishing House and Zed Press, London;
  • Essays on the theory and practice of Imperialism, 1979, Onyx Press, London;
  • Imperialism in East Africa, 1980, Zed Press, London (in two volumes);
  • Imperialism and Revolution in Uganda, 1980, Onyx Press, London;
  • The Crash of International Finance Capital and its implications for the Third World, SAPES Trust, 1989, Harare, Zimbabwe;
  • Democracy and the One-Party State in Africa, Institut Für Afrika Kunde, Hamburg, Germany, 1989; Co-edited with P. Meynes;
  • The Rise and Fall of Money Capital, 1990, Afrika in Trust, Harare/London;
  • Uganda Referendum 2000: Winners and Losers, Monitor Publications, Kampala;
  • Pan-Africanism and Integration in Africa, 2002, SAPES Publications, Harare, Zimbabwe, co-edited with Ibbo Mandaza;
  • The Global Capitalist Crisis and the Way Forward for Africa, Kampala, 2009.
  • The Crash of International Finance Capital and its implications for the Third World, Republié par Ufahamu, London, 2009.
  • Afrikology, Philosophy, and Wholeness: An Epistemology, Africa Institute of South Africa, PRETORIA, February 2011.

Autres écrits choisis[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. « African Association of Political Science » [archive du ], africaprosperity.com (consulté le )
  2. « Home », ipsa.org
  3. « University of South Africa »
  4. a et b Parliamentary Debates (Hansard), Issue 6, Uganda. Parliament, Government Printer. Kampala, 2011. p.1916, Thursday, 10 November 2011. https://www.parliament.go.ug/cmis/views/dea3dd9d-1a1e-41a5-82ab-e75033267734%253B1.0
  5. Interview with Dani Nabudere: "Prison cut short Nabudere's honeymoon", "NEW SERIES: MY PRISON LIFE". The Observer (Uganda), 23 November 2006. Observer Website Archive
  6. Wakholi, Peter. "Nabudere, Dani Wadada." In Dictionary of African Biography. : Oxford University Press, 2012. https://www.oxfordreference.com/view/10.1093/acref/9780195382075.001.0001/acref-9780195382075-e-1485
  7. a b c d e et f (en) Yash Tandon, « Nabudere: An uncompromising revolutionary », sur Pambazuka News, (consulté le )
  8. a b et c « newvision.co.ug »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?),
  9. Tandon, Yash. "Dani Wadada Nabudere, 1932–2011: An Uncompromising Revolutionary." Review of African Political Economy 39, no. 132 (2012): 335–41. http://www.jstor.org/stable/42003279.
  10. These academic and political debates were much discussed in the academic and popular press of the period, and are reviewed in part in publications Ojwok 1974a, Nursey-Bray 1980, and Y. Tandon 2021, cited below. Many of these scholars are active in 2021, and continue to publish on these same questions.
  11. Tsomondo, M. S. (1975). From Pan-Africanism to Socialism: The Modernization of an African Liberation Ideology. Issue: A Journal of Opinion, 5(4), 39–46. https://doi.org/10.2307/1166523
  12. Nursey-Bray, P. F. "Tanzania: The Development Debate." African Affairs 79, no. 314 (1980): 55–78. http://www.jstor.org/stable/721632.
  13. Yash Tandon. Talkback: Is govt finally giving in to policy reversal on liberalisation? Daily Monitor (Kampala, Uganda) 29 August 2021 Daily Trust Website
  14. Tandon, Yash, ed. The Debate. University of Der es Salaam, Debate on Class, State, & Imperialism. With an Introduction by A.M. Babu. Tanzania Publishing House, 1982.link
  15. Omwony Ojwok. REVIEW OF THE DEBATE ON IMPERIALISM, STATE, CLASS AND THE NATIONAL QUESTION. University of Dar es Salaam, 1976-77. UMichigan Archive of UDS published original paper.
  16. Mutibwa, Phares Mukasa. Uganda since independence: A story of unfulfilled hopes. Africa World Press, 1992.
  17. a et b Golooba-Mutebi, « Collapse, War and Reconstruction in Uganda. An analytical narrative on state-making », Makerere University Crisis States Working Papers Series, no 2,‎ (ISSN 1749-1800, lire en ligne)
  18. http://www.pambazuka.net/en/category.php/obituary/83570
  19. David Simon (2012) Remembering Dani Wadada Nabudere, Review of African Political Economy, 39:132, 343-344, DOI: 10.1080/03056244.2012.688646
  20. « Prof. Nabudere » [archive du ], independent.co.ug (consulté le )
  21. Osha, Sanya. Dani Nabudere's Afrikology: A Quest for African Holism. CODESRIA, 2018. full text
  22. Nabudere, Dani W. "Towards the establishment of a Pan-African university: A strategic concept paper." African Journal of Political Science 8, no. 1 (2003): 1-30. https://pdfproc.lib.msu.edu/?file=/DMC/African+Journals/pdfs/political+science/volume8n1/ajps008001002.pdf
  23. Prof. Nabudere is dead. The Daily Monitor (Kampala, Uganda). Wednesday November 09 2011. link

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]