Croyances traditionnelles rwandaises

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Les Croyances traditionnelles rwandaises sont un ensemble complexe de spiritualité et de pratiques religieuses ancrées dans la culture rwandaise depuis les temps anciens. Ce mélange complexe continue de jouer un rôle important dans la vie quotidienne et spirituelle du peuple rwandais. Bien que fortement influencées par le christianisme et d'autres religions importées au fil des siècles, ces croyances autochtones restent un pilier dans la compréhension du monde et de l'au-delà. Le système traditionnel aborde des sujets comme la vie et la mort, le bien et le mal, et inclut des rites et des cérémonies spécifiques.

Gucunda amata
Inshabure

Croyances Précoloniales[modifier | modifier le code]

Gucunda amata & Inshabure[modifier | modifier le code]

Dans la cosmogonie rwandaise, la dualité entre la vie et la mort est capturée par les concepts de Gucunda amata et Inshabure. Gucunda amata, ou "donner du lait," est une métaphore pour la naissance et le début de la vie. Inshabure, d'autre part, est l'ombre invisible qui représente l'âme. Selon la tradition, quand une personne meurt, son corps devient inerte, mais son "Inshabure" continue de vivre dans un autre royaume, souvent considéré comme l'enfer[1].

Ingabwa[modifier | modifier le code]

Le concept d'Ingabwa est centré sur les esprits ancestraux et leur dualité intrinsèque. Dans la spiritualité rwandaise précoloniale, il y a des ancêtres bienveillants appelés "Ingabwa" et des esprits malveillants. Les bienveillants sont consultés pour la sagesse et la protection, tandis que les malveillants sont à éviter, car ils apportent malchance et maladie[2].

Croyance en Dieu[modifier | modifier le code]

Avant l'arrivée des religions monothéistes, les Rwandais avaient déjà un concept de Dieu suprême. Ce Dieu était désigné par plusieurs noms, reflétant différentes facettes de sa nature[2] :

IYAMBERE : L'Être Suprême, au-dessus de tout.

IYAKARE : L'Éternel, qui a toujours existé et existera toujours.

RUGABO : Le Tout-Puissant, capable de tout.

Les conceptions de l'ésprit et de l'au-delà[modifier | modifier le code]

Dans la cosmologie rwandaise, l'entité immatérielle et immortelle de l'homme est désignée par le terme 'Esprit'. Dérivé du verbe signifiant 'vivre', l'Esprit représente ce qui subsiste au-delà de la mort physique. Lorsqu'un corps cesse de vivre, perdant ainsi la 'chaleur' de la vie, il devient un cadavre, dépourvu de l'essence qui le rendait humain. C'est dans cet état que les Rwandais reconnaissent la transition de l'être vers le statut de 'fantôme' ou 'Inzimu'[3]

Nyabingi : une figure spirituelle centrale[modifier | modifier le code]

Inkanda: vêtements traditionnels des rois rwandais

Une figure prééminente dans la tradition spirituelle rwandaise est Nyabingi. Vue comme une entité éternelle et souvent associée à des qualificatifs maternels tels que 'Nyiramubyeyi' (Mère), 'Biheko', ou 'Nyirabiheko', cette figure varie selon les régions. Selon certaines traditions, Nyabingi est d'origine Ndorwa ou Karagwe et aurait reçu du Créateur le don d'immortalité. On dit qu'elle était une femme qui n'avait jamais pris d'époux[4],[5].

L'invocation de Nyabingi était considérée comme un moyen d'obtenir des faveurs, telles que la réussite, la guérison et la protection en cas de calamités[6],[7]. Elle jouait un rôle de soutien essentiel dans les périodes de difficultés. Son culte, répandu dans les régions du nord et de l'ouest du Rwanda jusqu'au Mutara et au-delà[4], était parfois accompagné de rituels où l'on revêtait l'Inkanda, les vêtements traditionnels des rois rwandais[5], symbolisant la dignité et le lien avec le passé royal du pays.

Départ[modifier | modifier le code]

La croyance en l'influence néfaste des démons sur les vivants était profondément ancrée dans la culture rwandaise. Les pratiques d'Abandon étaient destinées à apaiser ces esprits afin d'éviter leur méfait[1]. Des constructions spécifiques, telles que les maisons de Cyirima, étaient érigées comme sanctuaires pour les offrandes – haricots, lait et autres – dans le but de pacifier ces entités[2]. Ces offrandes étaient effectuées avec des rituels de purification, par arrosage et libation, symbolisant la purification et le renouvellement[3].

Ces pratiques, intégrées dans la vie quotidienne, reflétaient une compréhension profonde du lien entre le physique et le spirituel. La cérémonie d'Abandon transcendait son aspect rituel pour tisser des liens d'unité et d'affection entre les vivants et les morts, soulignant que la mort n'était pas une barrière mais une transition vers une autre forme d'existence[4]. Dans cette optique, les rites de Guterekera n'étaient pas seulement une forme de communication avec les ancêtres mais servaient également à guider les vivants dans leur conduite, en harmonie avec les désirs des esprits[5].

Le rôle des abris isolés dans les anciennes demeures rwandaises, servant de lieux de culte pour les défunts, était central. Ces espaces sacrés étaient le théâtre de rituels où l'on invoquait la bénédiction des ancêtres, renforçant ainsi la continuité et le respect des traditions au sein de la communauté[6].

Rituels et cérémonies[modifier | modifier le code]

Au cœur de la spiritualité rwandaise, les rituels et cérémonies comme le Guterekera servaient à renforcer les liens communautaires et familiaux. Ces pratiques impliquaient l'utilisation rituelle du feu, des grains de sorgho et le partage d'un rire collectif, symbolisant la prospérité et la victoire sur les adversités[8]. Ces éléments n'étaient pas de simples actes matériels; ils représentaient une connexion profonde avec le monde spirituel et les ancêtres[3].

Le processus cérémoniel comportait plusieurs étapes, évoquant les sacrements de la foi chrétienne, tout en étant profondément ancré dans la tradition rwandaise[6]. Chaque étape avait une signification précise, façonnant l'identité spirituelle et sociale de l'individu au sein de la communauté.

L'importance accordée à la purification, à l'intégration et à la protection au travers de ces rituels reflétait une cosmologie où le spirituel et le temporel étaient intimement liés, guidant ainsi les individus dans leur relation aux vivants, aux morts, et au cosmos[9].

Métaphore de crucifixion[modifier | modifier le code]

Dans la tradition rwandaise, le terme "crucifixion" s'éloigne de sa connotation chrétienne pour embrasser un sens métaphorique lié à l'abandon des démons ou à l'acte d'abomination. Cela fait écho au rituel de Kubandwa, qui représente l'initiation et l'intégration au sein de la communauté des Imandwa, évoquant les sacrements chrétiens pour en faciliter la compréhension à un public francophone.

Le rôle de Ryangombe et l'arrivée des Imandwa de l'Ouganda au Rwanda symbolisent le passage de l'individu à un état de conscience élevé, à travers une série de rituels. Ces cérémonies marquent une transformation profonde, comparables aux étapes de la vie spirituelle chrétienne — le baptême, la confirmation et l'eucharistie — mais ancrées dans l'identité culturelle rwandaise.

Il est essentiel de distinguer ces pratiques des rituels royaux ; le roi ne subissait pas le Kubandwa, affirmant ainsi la séparation entre le pouvoir séculier et la sphère spirituelle. Cette distinction met en lumière la souveraineté culturelle et spirituelle du Rwanda.

Dans ce contexte, la "crucifixion" n'est pas un sacrifice au sens littéral, mais une métaphore de la purification et de l'engagement envers la communauté des esprits. Ce n'est pas un acte de renonciation, mais une affirmation de l'appartenance et de l'identité culturelle[4],[3].

Divination[modifier | modifier le code]

La divination dans la tradition rwandaise s'étend au-delà de la simple prévision de l'avenir pour englober une compréhension profonde du caché et de l'invisible, ainsi que des changements et des possibilités à venir. Ce savoir ésotérique, intrinsèquement lié aux désirs et conseils des esprits ancestraux, orientait la vie quotidienne des individus[10].

Le rôle de la divinatrice, souvent interprété par une sorcière, était central dans ces pratiques. Elle était perçue comme celle qui pouvait discerner les messages divins derrière les symboles terrestres, agissant comme un médium entre le monde physique et le spirituel. Les méthodes de divination étaient diverses et pouvaient inclure la prophétie, l'interprétation de la graisse animale, la divination par le bétail, l'ossomancie (divination par les os), les rituels aviaires et l'utilisation d'huiles sacrées[11].

Cette tradition de divination révèle une caractéristique fondamentale de la société rwandaise : l'importance de l'orientation et du conseil spirituel. Contrairement aux traditions monothéistes qui retracent leur origine à des figures prophétiques — comme Jésus pour les chrétiens, Mahomet pour les musulmans, ou Moïse pour les juifs — les croyances rwandaises ne sont pas attribuées à un fondateur humain mais sont considérées comme issues directement du Dieu créateur[12]. Pour les Rwandais, ces croyances sont perçues comme ayant été implantées par Dieu dans l'âme de son peuple, reflétant une foi naturelle distincte de celles fondées sur des figures envoyées par Dieu[13].

En contraste avec d'autres religions qui possèdent des lieux de culte définis, des dirigeants et des rites établis, les croyances traditionnelles rwandaises voyaient le cœur et l'esprit de l'homme comme leur véritable église. La divinité pouvait être adorée en tout lieu et par quiconque, reflétant une démocratisation du sacré où la communication avec le Créateur était accessible à tous. Néanmoins, certaines personnes étaient reconnues comme ayant une relation plus directe avec le divin, agissant comme des intermédiaires familiaux ou communautaires lors des prières et rituels[13].

Cette perspective sur la divination et la spiritualité met en lumière un aspect unique de la cosmologie rwandaise où la relation avec le divin est à la fois personnelle et communautaire, imprégnant tous les aspects de l'existence[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Bernardin Muzungu, o.p., LA RELIGION TRADITIONNELLE DES RWANDAIS COMPAREE AUX AUTRES RELIGIONS, éd. Les cahiers Lumière et Société, No 60 Janvier 2019, KIGALI-RWANDA, p. 30.
  2. a b et c « Sobanukirwa itandukaniro riri hagati y’imyemerere Gakondo ndetse n'iyo muri iki gihe ,ese ni iyihe y’ukuri? - Ibisigo - Amakuru ashyushye », sur web.archive.org, (consulté le )
  3. a b c et d KANIMBA MISAGO Celestin na LODE VAN PEE, Rwanda Umurage ndangamuco kuva kera kugeza magingo aya, Institute of national museums of Rwana, 2012, p. 77.
  4. a b c et d Amateka y’u Rwanda kuva mu ntangiriro kugeza mu mpera z’ikinyejana cya XX, Deo Byanafashe na Paul Rutayisire, Komisiyo y’igihugu y’ubumwe n’ubwiyunge (CNUR), Kigali, 2016, p. 156
  5. a b et c Bernardin Muzungu, o.p., LA RELIGION TRADITIONNELLE DES RWANDAIS COMPAREE AUX AUTRES RELIGIONS,                                                Edit. Les cahiers Lumière et Société, No 60 Janvier 2019, KIGALI-RWANDA, p. 31
  6. a b et c Amateka y’u Rwanda kuva mu ntangiriro kugeza mu mpera z’ikinyejana cya XX, Deo Byanafashe na Paul Rutayisire, Komisiyo y’igihugu y’ubumwe n’ubwiyunge (CNUR), Kigali, 2016, p. 157
  7. Amateka y’u Rwanda kuva mu ntangiriro kugeza mu mpera z’ikinyejana cya XX, Deo Byanafashe na Paul Rutayisire, Komisiyo y’igihugu y’ubumwe n’ubwiyunge (CNUR), Kigali, 2016, p. 158
  8. Amateka y’u Rwanda kuva mu ntangiriro kugeza mu mpera z’ikinyejana cya XX, Deo Byanafashe na Paul Rutayisire, Komisiyo y’igihugu y’ubumwe n’ubwiyunge (CNUR), Kigali, 2016, p. 159
  9. Amateka y’u Rwanda kuva mu ntangiriro kugeza mu mpera z’ikinyejana cya XX, Deo Byanafashe na Paul Rutayisire, Komisiyo y’igihugu y’ubumwe n’ubwiyunge (CNUR), Kigali, 2016, p. 160.
  10. KANIMBA MISAGO Celestin na LODE VAN PEE, Rwanda Umurage ndangamuco kuva kera kugeza magingo aya, Institute of national museums of Rwana, 2012, p. 78
  11. KANIMBA MISAGO Celestin na LODE VAN PEE, Rwanda Umurage ndangamuco kuva kera kugeza magingo aya, Institute of national museums of Rwana, 2012, p. 79-84
  12. Bernardin Muzungu, o.p., LA RELIGION TRADITIONNELLE DES RWANDAIS COMPAREE AUX AUTRES RELIGIONS,                                                Edit. Les cahiers Lumière et Société, No 60 Janvier 2019, KIGALI-RWANDA, p. 34
  13. a et b Bernardin Muzungu, o.p., LA RELIGION TRADITIONNELLE DES RWANDAIS COMPAREE AUX AUTRES RELIGIONS,                                                Edit. Les cahiers Lumière et Société, No 60 Janvier 2019, KIGALI-RWANDA, p. 28
  14. Bernardin Muzungu, o.p., LA RELIGION TRADITIONNELLE DES RWANDAIS COMPAREE AUX AUTRES RELIGIONS,                                                Edit. Les cahiers Lumière et Société, No 60 Janvier 2019, KIGALI-RWANDA, p. 24

Articles connexes[modifier | modifier le code]