Crispina Peres

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Crispina Peres
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Condamnée pour

Crispina Peres (née vers 1615 et morte après 1670) est une signare originaire de Geba, en Guinée-Bissau d'aujourd'hui, connue surtout pour avoir participé à la traite des esclaves puis avoir été jugée dans un procès pour sorcellerie.

Biographie[modifier | modifier le code]

Crispina Peres est une femme baïnouk dont la mère est baptisée et elle vit à Cacheu à l'âge adulte. Elle est chrétienne et baptisée[1]. Son père était probablement blanc[2].

Elle épouse Jorge Gonçalves Françes, ancien capitaine de Cacheu et un des principaux esclavagistes de la région, voire le plus important[1]. Une personne témoigne plus tard qu'elle aurait envoyé de l'argent aux villages baïnouks de Buguendo et Sara demandant l'aide de sorciers pour assurer ce mariage[3]. Pendant leur mariage, Gonçalves et Peres entrent régulièrement en conflit en raison du culte voué par Peres à plusieurs pratiques considérées comme hérétiques dans le catholicisme, notamment la collection d'idoles protectrices dans leur domicile[3]. Ensemble, ils adoptent des enfants enlevés par des peuples noirs locaux ; un garçon en particulier est adopté, mais s'entend très mal avec sa belle-mère et l'accuse de maltraitance, puis quitte le domicile de sa famille adoptive. Il affirme en public que Peres pratique la sorcellerie[3].

Une enquête la vise pour sorcellerie et un ordre d'arrestation est publié par l'Inquisition portugaise de Lisbonne le 10 janvier 1664[3]. L'accusation affirme qu'elle aurait consulté des sorcières et des guérisseuses et se serait impliquée dans des affaires de sorcellerie, notamment par l'usage d'idoles et d'arrangements avec le Diable[1],[3]. Peres est interrogée, comme les témoins, par le prêtre franciscain Paulo de Lordello[3].

Les documents autour du procès évoquent régulièrement la proximité entre Peres et le peuple baïnouk, prévenant qu'il y aura des conséquences négatives sur la traite des esclaves locale en cas de procès[1]. Gonçalves doit envoyer une lettre au roi Pepel de Matta pour lui demander de ne pas déclarer la guerre à Cacheu malgré l'affaire en cours, ce qui montre à quel point elle est proche de ce peuple également[3]. En effet, Peres joue le rôle de médiatrice et d'ambassadrice entre les marchands portugais et les peuples indigènes locaux[2]. En raison de ces relations, elle est exilée rapidement au Cap-Vert ; blessée et fiévreuse, elle n'est pas immédiatement envoyée à Lisbonne, où elle est quand même incarcérée quelques mois plus tard[3].

Les témoignages à l'encontre de Peres citent presque tous des conflits liés au commerce des esclaves et aux pratiques marchandes de Peres, plutôt que des questions de religion ; la plupart des personnes interrogées sont d'ailleurs juives[3]. Il est donc très probable que les agents de l'Inquisition et les élites locales aient utilisé le Saint-Office portugais pour éliminer leur concurrence[4]. Peres elle-même se confesse chaque semaine depuis plusieurs années[3]. Des témoignages racontent cependant qu'elle a privé de confession une esclave baptisée et malade, qui est morte enchaînée et sans recevoir les derniers sacrements[3].

Gonçalves organise la défense de sa femme, affirmant que Peres n'a pas grandi dans un milieu catholique et n'a donc pas appris la foi catholique correctement[1],[3], et qu'elle n'a voulu qu'un traitement médical mais a été manipulée pour faire ces cérémonies sans savoir qu'elles allaient à l'encontre de la foi catholique[1]. Au sujet de sa santé, il dit avoir été malade et cloué au lit pendant sept mois sans accès à un médecin, et avoir demandé une dérogation spéciale pour accéder aux services d'une guérisseuse ; le vicaire qui lui donne cette dérogation est aussi celui qui témoigne contre Peres plus tard[3]. Il demande la libération de Peres[3].

En 1665, vers l'âge de 50 ans, Peres est présentée à l'inquisition à Lisbonne. Les inquisiteurs découvrent qu'ils ne comprennent pas ce qu'elle dit, parce qu'elle s'exprime dans un dialecte créole, et demandent à un militaire cap-verdien de servir d'interprète[3].

En 1668, Peres retourne à Cacheu. Elle n'est pas condamnée : plutôt que d'être considérée comme une hérétique, la cour a choisi de la traiter comme un échec de conversion d'une « sauvage », le fait d'être femme et africaine ayant joué en sa faveur pour la présenter comme vulnérable aux manipulations. Deux ans plus tard, le vicaire local informe Lisbonne qu'elle a rempli toutes les obligations religieuses qui lui ont été imposées après le procès. La même année, elle demande le certificat de décès de son mari, récemment mort ; elle-même est très malade, souffrant entre autres de la malaria et subissant cinq saignées[3].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f (en) Martha Frederiks, « African voices from the inquisition, I: The trial of Crispina Peres of Cacheu, Guinea-Bissau (1646–1668) », The Journal of Ecclesiastical History, vol. 73, no 3,‎ , p. 666–667 (ISSN 0022-0469 et 1469-7637, DOI 10.1017/S0022046922000665, lire en ligne Accès payant, consulté le )
  2. a et b (en-US) Mr Madu, « African Women Who Actively Participated in the Transatlantic Slave Trade », sur TalkAfricana, (consulté le )
  3. a b c d e f g h i j k l m n o et p (en) Philip J. Havik, Silences and Soundbites: The Gendered Dynamics of Trade and Brokerage in the Pre-colonial Guinea Bissau Region, LIT Verlag Münster, (ISBN 978-3-8258-7709-5, lire en ligne Accès payant)
  4. (pt) Vanicléia Silva Santos, « Mulheres africanas nas redes dos agentes da Inquisição de Lisboa: o caso de Crispina Peres, em Cacheu, século XVII », Politeia - História e Sociedade, vol. 20, no 1,‎ , p. 67–95 (ISSN 2236-8094, DOI 10.22481/politeia.v20i1.9179, lire en ligne Accès libre, consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]