Central do Brasil

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Central do Brasil

Titre original Central do Brasil
Réalisation Walter Salles
Scénario João Emanuel Carneiro, Marcos Bernstein
Acteurs principaux
Sociétés de production VideoFilmes
Pays de production Drapeau du Brésil Brésil
Drapeau de la France France
Genre Comédie dramatique
Durée 113 minutes
Sortie 1998

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Central do Brasil est un film franco-brésilien réalisé par Walter Salles sorti en 1998.

Avec ce film, ce réalisateur issu du cinéma publicitaire et du cinéma documentaire a obtenu l'Ours d'or à Berlin et son interprète principale Fernanda Montenegro le prix de la meilleure actrice.

En , le film est inclus dans la liste établie par l'Association brésilienne des critiques de cinéma (Abraccine) des 100 meilleurs films brésiliens de tous les temps[1].

Synopsis[modifier | modifier le code]

Dora est une enseignante à la retraite devenue aigrie. Elle travaille à la gare centrale de Rio de Janeiro, écrivant des lettres pour des clients analphabètes afin de joindre les deux bouts. Elle peut être impatiente avec ses clients et parfois ne poste pas les lettres qu’elle écrit, les mettant dans un tiroir, voire les déchirant. Josué est un garçon pauvre de 9 ans qui n’a jamais rencontré son père mais espère le faire un jour. Sa mère envoie des lettres à son père par Dora, disant qu’elle espère le revoir bientôt. Quand elle est tuée dans un accident de bus, le garçon est laissé à la rue. Dora le recueille et le vend à un couple corrompu, mais sa voisine et amie Irene la fait se sentir coupable et elle retourne chercher Josué.

Dora est d’abord réticente à l’idée d’être responsable du jeune garçon, mais décide ensuite de voyager jusqu’au Nordeste afin de trouver la maison de son père et de le laisser là-bas.

Dora essaye de laisser Josué dans le bus, mais il la suit en oubliant son sac à dos contenant l’argent de Dora. Sans-le-sous, ils sont pris par un aimable camionneur évangéliste qui les abandonne quand Dora l’incite à boire de la bière et devient ensuite trop amicale. Dora échange sa montre contre un aller pour Bom Jesus do Norte. Ils trouvent l’adresse de son père à Bom Jesus, mais les résidents actuels disent que Jesus a gagné une maison à la loterie et habite maintenant dans les nouvelles résidences, ajoutant qu’il a perdu la maison et l’argent à cause de l’alcool. Sans argent, Josué sauve Dora et lui-même du dénuement en suggérant que Dora écrive des lettres pour les pèlerins qui sont arrivés à Bom Jesus pour un grand pèlerinage. Cette fois-ci, elle poste les lettres.

Ils prennent le bus pour les nouvelles résidences, mais quand ils localisent l’adresse qu’ils ont pour le père de Josué, les nouveaux résidents leur disent qu’il n’habite plus là et a disparu. Josué dit à Dora qu’il va attendre son père, mais Dora l’invite à vivre avec elle. Elle appelle Irene à Rio de Janeiro et lui demande de vendre son réfrigérateur, son sofa et sa télévision. Elle dit qu’elle appellera quand elle sera installée quelque part. Après avoir raccroché, elle apprend qu’il n’y a pas de bus avant le lendemain matin.

Isaías, un des demi-frères de Josué, travaille sur un toit près de l’arrêt de bus et apprend que Dora et Josué cherchent son père. Après s’être présenté, Dora dit qu’elle est une amie de son frère et était dans la région. Isaías insiste pour qu’elle et Josué, qui, méfiant à l’égard de l’étranger, s’est présenté comme Geraldo, viennent pour diner. Ils retournent chez lui, où ils rencontrent Moisés, l’autre demi-frère de Josué. Plus tard, Isaías explique à Dora que leur père a épousé Ana, qu’il ne sait pas être la mère de Josué, après que la mort de leur propre mère, et qu’il y a neuf ans, Ana, alors enceinte, a quitté son amant alcoolique pour Rio n’est jamais revenue. Isaías demande à Dora de lire une lettre que son père a écrite pour Ana quand il a disparu il y a six mois, au cas où elle revienne. Dans la lettre, le père des garçons explique qu’il est allé à Rio pour trouver Ana et le fils qu’il n’a jamais rencontré. Il promet de revenir, lui demande de l’attendre et dit qu’ils peuvent être tous ensemble – lui, Ana, Isaías, Moisés. À cet instant, Dora s’arrête, regarde Josué et dit : « … et Josué, que j’ai hâte de rencontrer. » Isaías et Josué disent tous deux qu’il reviendra, mais Moisés ne le pense pas. Le lendemain matin, alors que les garçons sont endormis, Dora sort en cachette pour prendre le bus pour Rio. D’abord, elle laisse à côté de la lettre de Jesus, celle d’Ana à Jesus, celle que Dora a portée depuis la gare centrale mais n’a jamais postée, exprimant le souhait d’Ana que la famille soit réunie. Josué se réveille trop tard pour empêcher le départ de Dora. Celle-ci écrit une lettre à Josué dans le bus. Tous deux regardent les photos qu’ils avaient prises en souvenir l’un de l’autre.

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Central do Brasil dans l'œuvre de Walter Salles[modifier | modifier le code]

Né en 1956, Walter Salles est l'une des figures majeures du renouveau d'un cinéma brésilien qui avait quasiment disparu pendant près d'une dizaine d'années, après la flamboyante génération du Cinéma Novo des années 1960 (Glauber Rocha, Carlos Diegues…).

Après Exposure (1991) il réalise avec Daniela Thomas Terre lointaine qui obtient le prix du meilleur film de l'année 1996 au Brésil. Avec une image noir et blanc, il y raconte l'histoire d'un jeune Brésilien de São Paulo, Paco, dont la mère vient de mourir, et qui décide d'aller à la découverte de Lisbonne que sa mère considérait comme une « terre promise ». Là, il rencontre une serveuse brésilienne, Alex, avec laquelle il tentera d'échapper à une organisation mafieuse spécialisée dans le trafic de drogue et d'objets précieux.

Mais c'est surtout l'écriture noire et poétique de ce film qui a fait connaître l'originalité d'un auteur qui s'affirme dans Central do Brasil. L'année précédente, il avait réalisé pour Arte un épisode de la série L'An 2000 vu par… Walter Salles.

Distinctions[modifier | modifier le code]

Analyse[modifier | modifier le code]

Sans être un documentaire-fiction, Central do Brasil met en scène certains aspects d'une sombre réalité sociale : analphabétisme, enfants abandonnés, banditisme, trafic d'organes, violence… En revanche, l'image du Sertão que propose ce film est très différente de celle donnée par ses grands aînés du « Cinema Novo » dans les années 1960. L'âpreté de la terre y est ici gommée au profit d'un regard qui souligne la beauté et l'immensité des paysages sauvages, et qui se fonde sur une symbolique remettant en question la revendication sociopolitique par la simple dénonciation de l'inégalité sociale. Fondamentalement, le film pose la question de la quête de l'identité, à deux niveaux : d’une part, la quête personnelle des protagonistes dont les pères respectifs ne correspondent pas à l'image idéale qu'ils en attendaient, et d’autre part, la quête d'un pays autre que ce Brésil de violence et d'individualisme exacerbé dont Rio de Janeiro serait le reflet. Et dans cette double quête, la religiosité caractéristique du Sertão fonctionne comme élément déterminant.

À contre-courant des migrants que le mirage de la ville attire vers le littoral et le sud où les attend l'aliénation de la « civilisation globale », Dora et Josué remontent vers le nord et l'intérieur du Brésil, en un périple qui les mène dans l'État de Pernambouc, à une agglomération identifiée dans la fiction comme étant la ville de Bom Jesus do Norte, un toponyme créé pour la circonstance. En réalité, le tournage a été réalisé dans la bourgade de Cruzeiro do Nordeste dans ce même État[2]. Outre la référence à une région du Sertão « profond », il fallait un nom pouvant prêter à confusion avec celui de Bom Jesus da Lapa, un sanctuaire bien réel et fort connu de l'État de Bahia, de façon à justifier une erreur de transmission de courrier indispensable pour la vraisemblance du scénario. 

Les images de cette agglomération correspondent au stéréotype d'un village perdu du Sertão nordestin. Les protagonistes y parviennent, dépouillés de tout moyen de subsistance, dans un camion transportant un groupe de pèlerins venus commémorer la Chandeleur. Cette fête, dans la tradition catholique, relève de la dévotion à la Vierge — Nossa Senhora das Candéias — avec pour point culminant une procession aux flambeaux. Elle fait partie des grands moments du calendrier religieux du Sertão tout entier.

Alors qu'ils sont au bord du désespoir les deux protagonistes sont entraînés dans la procession, chacun de son côté, Dora notamment pour tâcher d'y retrouver l'enfant qui s'est enfui à la suite d'une violente dispute où elle l'avait accusé d'être la cause de tous leurs malheurs.

Finalement portée par cette marée humaine, la femme pénètre à l'intérieur d'un édifice où sont exposés quantité d'ex-voto témoignant des grâces obtenues par les fidèles de Nossa Senhora das Candéias. Et au cœur de cet espace confiné, épuisée physiquement et mentalement, elle perd connaissance dans un tourbillon de lumière synchronisé avec les feux d'artifice qui, à l'extérieur, concrétisent la victoire de la lumière sur les ténèbres, pour une foule en proie au paroxysme de la ferveur. Dora « renaîtra » à la vie le lendemain matin, sa tête reposant sur les genoux de Josué. Il s'agit bien de la mise en scène d'une mort symbolique comportant un baptême par le feu dans un environnement caractéristique de ce « fétichisme-animisme-catholicisme primitif » que dans Os Sertões (trad. fr. Hautes TerresEuclides da Cunha  stigmatisait comme issu du « métissage religieux » à l'œuvre dans le Brésil profond.

Dès lors régénérés spirituellement par la Matrice culturelle originelle, la femme et l'enfant pouvaient entreprendre leur réintégration dans la communauté des hommes. Et cette réintégration commençait aussi sous la protection tutélaire de Padre Cícero[3] qui draîne pour sa part des milliers de croyants vers un autre centre très important de l'État de Ceará, Juazeiro do Norte : en voyant opérer un photographe offrant aux pèlerins de poser dans un décor naïf aux côtés d'une statue grandeur nature du saint homme de Juazeiro, Josué imagine de s'installer à ses côtés pour mettre à contribution les talents d'écrivain public de Dora — elle écrira lettres et billets d'action de grâce pour un public demandeur qui est prêt à en payer le juste prix.

Leur pécule reconstitué, ils seront en mesure de parvenir au but, non pas à la maison du père de Josué qui a été vendue, mais à celle de ses deux autres fils, Isaïe et Moïse, qui de plus exercent le métier de menuisiers charpentiers. Les analogies avec la Bible parlent d'elles-mêmes.

Pour atteindre ce centre par excellence Dora et Josué étaient remontés de la Central do Brasil — cette immense gare inhumaine, espace de confusion et de mort — jusqu'au centre du Sertão et aux racines d’une culture vivante et ciment d'une solidarité disparue de la ville, du moins à en croire le film. Et c'était sur une note d'espérance que la fiction pouvait prendre fin, en évitant de tomber dans le piège du happy end hollywoodien : Josué restait auprès de ses frères, tandis que Dora reprenait le chemin de Rio, en emportant une petite photo qui symbolisait les liens l’unissant à Josué.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]