École Albert-Einstein

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
École Albert-Einstein
Présentation
Type
École élémentaire
Architecte
Jean Renaudie
Construction
1979-1982
Localisation
Pays
France
Région
Département
Ville
Adresse
6 allée du Parc, 94200 Ivry-sur-Seine
Coordonnées
Carte

L’école Albert-Einstein est une école élémentaire publique de l’Académie de Créteil à Ivry sur Seine, associée à un centre de loisirs intégré à l’école, le CLAE. Elle fait partie de la zone IV (1969- 1982) de la rénovation du centre-ville d’Ivry sur Seine (1962-1986), œuvre majeure des architectes Renée Gailhoustet (1929-2023) et Jean Renaudie (1925-1981), cette partie de la rénovation étant plus précisément confiée à Jean Renaudie. L’école Einstein a le statut « d’Ecole Ouverte »[1]. Pour cela, elle répond à une « charte éducative » conventionnelle. L’école Albert-Einstein est une école d’application[2] et classée REP (réseau d’éducation prioritaire[3]). Son architecture, marquant un tournant majeur dans la réflexion sur les bâtis scolaires, a été qualifiée de révolutionnaire à sa construction par Fernand Leriche[4], maire-adjoint de 1965 à 1977 et ami de Paul Langevin[5].

Bâtiment[modifier | modifier le code]

L’école Einstein[6] est située 9 allée du Parc à Ivry-sur-Seine (94200). L’école élémentaire mesure 3700 m², elle comprend 12 classes, une bibliothèque centre de documentation (B.C.D.), salle audiovisuelle, un studio d’enregistrement, une salle de restauration, une cuisine, un bureau pour la direction, un espace de repos pour le personnel de service, une salle des maîtres, un bureau pour le médecin scolaire, un bureau pour l’assistante sociale, une infirmerie, un Centre de Loisir Associé à l'École, (le CLAE) de 800 m² comportant une salle d’activités manuelles, un atelier, une salle d'activités physiques. La cour de récréation, accessible directement depuis les classes, mesure 1330 m² et les terrasses arborées accessibles, 1360m². L’ensemble architectural mesure 4550 m².

Construction

  • Programme: Ecole Élémentaire de 12 classes et CLAE associé (Centre de Loisirs Associé à l'École)
  • Économiste: Cabinet Jean-Pierre Tohier
  • Bureau d’études techniques : BERIM
  • Entreprise: SVITONE
  • Maître d’ouvrage : Ville d’Ivry sur Seine
  • Aménageur: OPHLM d’Ivry
  • Référence cadastrale: F168
  • Pétitionnaire du Permis de construire: Ville d’Ivry-sur-Seine
  • Dépôt du Permis de construire: 28 septembre 1978
  • Service instructeur du Permis de construire: DDE du Val de Marne
  • Agrément de la préfecture du val-de Marne: 13 juin 1979
  • Livraison: 1982

Histoire[modifier | modifier le code]

Lorsque la Mairie communiste d’Ivry sur Seine décide de la rénovation de son centre-ville, en 1969, elle a besoin de nouveaux locaux scolaires afin de répondre à l’accroissement de la population dû aux nouvelles constructions, elle a besoin aussi de s’adapter à de nouvelles et profondes dispositions en matière scolaire, prises à la suite des évènements de mai 1968, tel que l’instauration du tiers-temps, la réforme du temps hebdomadaire d’enseignement[7] et l’obligation de la mixité scolaire[8] (qui n’oblige plus aux doubles locaux garçons/ filles). Longtemps considérée comme le bastion du communisme municipal, elle cherche aussi, localement, à concrétiser les visées politiques du PCF en matière d’éducation, dans la perspective d’une arrivée au pouvoir de l’Union de la gauche.

En 1975, la construction de la nouvelle école est décidée. La municipalité en délègue la construction à l’Office Public d’Habitation (HLM), alors dirigée par Raymonde Laluque[9], très impliquée dans le bon aboutissement de la rénovation.

C’est l’architecte Jean Renaudie, assisté de Nina Schuch, qui se voit confier le projet. Il cherche à ce que la visée pédagogique soit une réalité architecturale. Il écrit[10]:

« Il n’y a pas d’architecture innocente, sans signification, sans conséquence […] les espaces et les formes produits par l’architecture de l’école, par leurs caractères attractifs, par leurs possibilités de découvertes, doivent, chez l’enfant, stimuler la sensibilité à l’espace, le développement de l’imagination et de la personnalité. »

Le 28 septembre 1978, lors du conseil municipal décisionnaire, il est spécifié que les principes de construction de la future école devront prendre en compte les exigences d’une pédagogie nouvelle impossible à appliquer dans l’architecture de l’école Robespierre, jugée à la fois « ...trop vétuste et mal adaptée aux méthodes modernes d’enseignement ». En effet, à l’ époque, le bâti scolaire est surtout caractérisé par une pauvreté de moyens et les bâtiments sont souvent faits à l’identique, dupliquées. Les constructions privilégient une pédagogie traditionnelle où un instituteur enseigne à un grand groupe d’élèves qui écoutent et écrivent.

Le mobilier scolaire participe lui aussi à ce mode pédagogique : une estrade pour un maître dominant, bancs et pupitres de bois à souvent soudés, pour deux élèves, entravant la liberté de mouvement contraignant les corps à une position immobile censée favoriser la discipline. Jean Renaudie demande que soit instituée une concertation de toutes les parties prenantes pour entendre les besoins pédagogiques. Il demande aussi que le mobilier soit intégré au projet architectural. Raymonde Laluque soutient et trouve les financements. La municipalité s'entoure d’une équipe de pédagogues du Groupe Français d’Éducation Nouvelle, alors dirigé par Robert Gloton[11], implanté localement et dont elle partage les points de vue en matière d'éducation. Une Inspectrice Départementale de l’Education Nationale, Annie Lotroïcq[12], joue alors un rôle charnière essentiel avec l’institution éducative et les enseignants locaux.

Guidant les décideurs et les architectes, une équipe d’une quarantaine de personnes (composée d’enseignants des écoles d’Ivry, de parents d’élèves du secteur, d’animateurs des centres de loisirs, de personnels de services, de médecins scolaires, et d’ assistants sociaux), est constituée pour formuler les besoins. Jean Renaudie reçoit aussi les enfants afin d' entendre leurs demandes.

Les comptes-rendus de cette consultation qui dure presque deux ans sont joints à l’Avant-Projet Sommaire de la construction et ils en sont une partie constituante. Trois axes de travail sont tracés en lien avec le projet architectural: travail sur les dispositions d’ensemble, contenus pédagogiques et statut de cette école, et constitution d’une équipe pédagogique adaptée. 

Au cours des débats des choix sont faits : choix d’une École Ouverte[13], sectorisée comme toutes les autres afin de ne pas créer une école élitiste, salles de classes au service d’une pédagogie de projet, volonté de la disparition du Maître unique au profit d’une Équipe Pédagogique, place prépondérante faite au livre, espaces spécifiques pour les conseils de classe d’élèves[14], place effective pour les sciences et les nouvelles technologies. La question du bien-être des enfants est centrale[15].

La municipalité fera un effort financier en donnant aux animateurs des horaires plus larges que dans les autres écoles, (6 heures par jour), sur le temps scolaire à proprement parler, ce qui leur permet le travail avec les enseignants sur des projets communs. L'inspectrice de l’Education Nationale, Annie Lotroïcq, trouve les moyens de concilier le système rigide de nomination des enseignants avec leur implication à un projet pédagogique[16]. L’Education Nationale nommera un maître supplémentaire afin de permettre le fonctionnement décloisonné et les ateliers scientifiques. Un stage pédagogique de trois semaines (composé des futurs enseignants, et d’animateurs du CLAE) est organisé au printemps 1982, il débouche sur une « Charte Éducative », signée par toutes les parties prenantes. Remise à jour régulièrement, cette Charte est toujours en vigueur en 2024.

Vue générale. L’école est insérée dans la cité du Parc. On y accède par de multiples chemins piétonniers.

Réalisation[modifier | modifier le code]

L’école Albert-Einstein, ainsi nommée en hommage à l’homme de sciences Albert Einstein, est ouverte le 1er septembre 1982 après la mort de Jean Renaudie survenue le 13 octobre 1981. C’est l’« Atelier Jean Renaudie »[17] (1982-1985), créé après son décès, et composé de René Baray, Hugues Marcucci, Géronimo Padron-Lopez, Serge Renaudie et Nina Schuch, qui finalise la construction ainsi que tous les projets de l’architecte en cours. L’inauguration donne lieu à une grande cérémonie portée par la municipalité comme une victoire politique. 

Le coût de la construction est de 8 426 763 francs réparti en 7 203 532 pour l’école et 1 223 231 pour le CLAE (valeur septembre 1978). Intégrée dans l’ensemble de la cité du Parc, elle présente la même structure collinaire et en étoiles[18], signature de l’architecte Jean Renaudie.

L’école est reliée aux cités proches de son secteur, l’ILN (immeuble à Loyer Normal) Casanova, et la cité Maurice Thorez par un réseau d’allées piétonnes et de placettes. Les enfants peuvent venir à pied, sans rues à traverser. Un chemin de ronde, en surplomb, fait le tour de la cour de récréation, celle-ci s’étage en creux sur plusieurs niveaux, et les parents peuvent voir les enfants jouer dans la cour.

Principes architecturaux[modifier | modifier le code]

Techniques favorisant l’ouverture et la multiplicité des usages[modifier | modifier le code]

Jean Renaudie emploie les techniques de béton banché et de piliers porteurs, techniques qui ouvrent l’espace. Il utilise des matériaux nobles: briques rouges, bois de hêtre, céramiques. La lumière naturelle est privilégiée grâce à un système de vitrages hauts donnant un éclairage zénithal aux locaux, des lanterneaux et des vitrages inclinés en pyramide donnant sur les jardins intérieurs.

L’école s’étend sur deux niveaux accessibles par un réseau d’escaliers et de pentes douces accessibles aux fauteuils roulants. L’ensemble du bâti est organisé autour de la BCD (bibliothèque - centre de documentation), cœur de l’école. Cette BCD est un lieu sans porte, ni murs, ouvert, reliant ainsi tous les autres espaces. Un chemin serpente parmi les livres et les documents, tous à portée de main d’enfants dans des casiers de bois colorés. A la demande des enfants, des espaces confortables, moquettés sont aménagés afin de pouvoir lire allongés.

Jean Renaudie cherche l’adaptabilité maximum des locaux à de nouveaux usages. Les classes sont modulables grâce à des parois mobiles, favorisant l’enseignement à plusieurs maîtres. Aucune n’est identique à l’autre et aucune n'est rectangulaire, Jean Renaudie refusant la norme orthogonale porteuse d'idéologie[19]. Chacune possède plusieurs espaces différenciés: coins ateliers pour l’enseignement scientifique, et un petit forum pour les conseils de classe-enfants. Certaines classes ont des mezzanines. À la demande des enfants, toutes les classes possèdent un point d’eau et un WC.

Le mobilier[modifier | modifier le code]

Le mobilier (tables et chaises) est individuel et léger, visant à répondre à l’exigence de bien-être et de liberté de mouvement des enfants. Des tables plus grandes sont réservées aux ateliers et au travail en groupe. Les classes n'ont pas d’ estrade, des placards de bois colorés recouvrent les murs.

Il y a une grande salle audiovisuelle en gradin, un local informatique, un local photo et un studio d’enregistrement radiophonique (c’est là qu’est créée une radio scolaire: Radio-Cartable[20]. qui donnera lieu à de nombreux projets pédagogiques d’un rayonnement très large dépassant largement le niveau local). La salle de restauration, en longueur et avec des recoins, équipée de petites tables hexagonales, permet les repas dans un cadre plus intime en petits groupes. L’espace cuisine attenant permet le fonctionnement d’un self-service, innovation importante, la « cantine » devenant une « restauration scolaire »: les enfants se servent seuls sur des plateaux et ont un certain choix parmi les plats. L’école comprend une salle pour le médecin scolaire, une autre pour l’assistante sociale, une pour l’infirmerie. A proximité de l’entrée, se situe le bureau de la direction, une salle pour la gardienne, une salle des maîtres pour le travail collectif de l’équipe pédagogique, et le repos. Il y a un lieu ouvert pour un accueil confortable des parents. Ces différents locaux sont rares ou inexistants à cette époque. Le Centre de Loisirs intégré dans les locaux sans délimitation précise possède de nombreux espaces diversifiés: atelier, salle d'activités physiques, espace de bricolage ou de réunions. Une ouverture directe se fait sur la cité du Parc. Une petite ménagerie, pensée par Jean Renaudie, ne verra pas le jour pour des raisons de praticité évoquée.

Pouvoir s’isoler, avoir des coins secrets, avoir des lieux de récréation à multiples facettes, telles ont été les demandes des enfants aux questions de Jean Renaudie. Ainsi naissent le « Labyrinthe », le « chemin des amoureux », les cours de récréations à plusieurs niveaux comportant arcades, bancs, petits préaux et recoins.

Végétation[modifier | modifier le code]

Comme dans l’ensemble de leurs constructions, les architectes ont lié la construction à la présence constante de la nature[21]. La végétation est présente dans tous les différents espaces: une petite orangerie avec des arbres exotiques relie locaux scolaires et CLAE, elle fait le lien aussi entre intérieur et extérieur : les classes possèdent une serre cultivable au vitrage incliné et une ouverture directe sur la cour arborée. Les terrasses végétalisées sont prévues pour être utilisées pour le jardinage et les plantations d’arbres. A ce jour, elles sont toujours utilisées à cet effet par les enfants. Ces plantations sont inscrites par Jean Renaudie dans le projet architectural. 

Décoration du bâtiment[modifier | modifier le code]

Dans le cadre des 1/100° pour la décoration des bâtiments d'enseignement, une œuvre d’art décore les abords de l’établissement, c’est une sculpture de Takera Narita, en pierre calcaire de 2m de long et 0.60 de large, posée horizontalement à proximité immédiate de l’école, sur une de ces nombreuses placettes, et qui sert usuellement de jeu ou de banc.

Si l’idée d’une école réellement ouverte sur la cité, pour prendre aux mots le concept pédagogique d'École Ouverte, une école sans barrières ni murs extérieurs, a été finalement abandonnée pour des raisons liées à la sécurité, il reste un bâtiment fourmillant d’attentions aux utilisateurs, d'innovations et de possibilités d’adaptations aux besoins, visionnaire quant à la présence du végétal. Il a pu voir le jour grâce à la rencontre de personnalités pugnaces et à une démocratie large, une écoute, et un soutien aux demandes et aux propositions émises.

Patrimoine architectural de réputation internationale, l'école Albert-Einstein d’Ivry-sur-Seine accueille régulièrement des pédagogues, des chercheurs en sciences de l’éducation, des architectes et étudiants du monde entier. Sa cour est proposée pour des sites de tournages cinématographiques (Hunger games la Révolte, partie 2). Elle est utilisée pour son caractère esthétique par des évènements artistiques[22].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. https://www.education.gouv.fr/ecole-ouverte-4664
  2. https://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-43838QE.htm
  3. https://cache.media.eduscol.education.fr/file/guide_pratique_directeurs_d_ecole/39/7/Guide_direction_ecole_1_fiche_l-education_prioritaire_360397.pdf
  4. https://maitron.fr/spip.php?article24509
  5. "Ivry sur Seine le souffle de l’histoire C 1984, Messidor, Paris, ISBN 2-201-01630-5"
  6. https://www.education.gouv.fr/annuaire/94200/ivry-sur-seine/ecole/0941752u/ecole-elementaire-d-application-albert-einstein.html
  7. https://www.cairn.info/revue-le-telemaque-2008-2-page-43.htm
  8. https://www.education.gouv.fr/loi-ndeg75-620-du-11-juillet-1975-relative-l-education-3716
  9. https://maitron.fr/spip.php?article73595
  10. "La ville est une combinatoire (Jean Renaudie Movitcity édition)"
  11. https://journals.openedition.org/edso/8543
  12. https://www.ivry94.fr/23-9417/fiche/annie-lotroicq-nous-a-quittes.htm
  13. https://www.education.gouv.fr/ecole-ouverte-4664
  14. https://etreprof.fr/ressources/6/mettre-en-place-un-conseil-de-classe-en-elementaire
  15. https://www.cnesco.fr/
  16. https://www.calameo.com/read/000008101d4741a43f850
  17. https://www.pss-archi.eu/architecte/16927
  18. https://www.lemoniteur.fr/article/jean-renaudie-la-colline-habitee.486324
  19. "Citation Renaudie in Architecture Mouvements Continuité, n°45, mars 1978"
  20. https://radio-cartable.ouvaton.org/2012/11/15/radio-cartable-des-origines-a-maintenant/#more-503
  21. https://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/comment-ivry-a-lance-l-architecture-ecolo-19-03-2016-5639951.php
  22. https://credac.fr/artistique/etoiles-partielles]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Filmographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]