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Échelle de comparaison

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En mathématiques, et plus précisément en analyse, une échelle de comparaison est un ensemble de fonctions de référence ordonné par la relation de prépondérance, fonctions auxquelles on envisage de comparer des fonctions plus complexes ou irrégulières, dans le but d'évaluer leur vitesse de croissance, et d'obtenir des formules d'approximation telles que les développements asymptotiques.

Définition[modifier | modifier le code]

On rappelle la notation de Landau , ainsi que les notations de Hardy, utiles dans les chaînes de comparaison comme dans les sections ci-dessous, ou qui toutes trois signifient que .

On dit qu'un ensemble E de fonctions (de variable entière ou réelle, et à valeurs réelles) est une échelle de comparaison (au voisinage de a) si la relation «  être négligeable au voisinage de a  » est une relation d'ordre total sur E[1], autrement dit si pour tout couple , on a , ou (ou, avec les notations de Hardy: , ou ).

Exemples[modifier | modifier le code]

L'exemple le plus connu est formé par l'ensemble des monômes (au voisinage de 0), utilisé en particulier pour construire des développements limités. Ce même ensemble est également une échelle de comparaison au voisinage de  ; on remarquera que l'ordre pour la relation « être négligeable en  » coïncide avec l'ordre usuel sur les entiers, mais est l'ordre inverse au voisinage de 0. De plus, au voisinage de , cet ensemble n'est plus une échelle (et doit être remplacé, dans les applications pratiques, par l'ensemble des ).

Une première extension importante consiste à prolonger l'échelle discrète précédente en une échelle continue, . Mais (au voisinage de ), cette échelle est loin de suffire même à l'étude des fonctions usuelles : les fonctions puissances sont toutes négligeables devant l'exponentielle, et elles sont toutes (pour ) prépondérantes devant la fonction logarithme. On est donc amené à élargir cette échelle, en lui adjoignant des produits de logarithmes et d'exponentielles.

En analyse, on rencontre rarement des échelles plus riches que celles des fonctions de la forme . Mais en informatique théorique et en théorie analytique des nombres, on est parfois amené à utiliser des exponentielles et des logarithmes itérés, et des fonctions plus complexes. encore ; ainsi, la complexité en temps de la factorisation par fraction continue d'un entier est en [2] ; une notation spéciale, la notation L, a été inventée par Carl Pomerance pour traiter ces situations.

Prolongements et interpolation[modifier | modifier le code]

Les travaux de du Bois-Raymond (formalisés et prolongés par Hardy) l'ont amené à développer un véritable calcul avec l'infini, et à montrer qu'aucune échelle (discrète) n'est complète, en particulier que pour toute suite de fonctions , on peut trouver une fonction telle que pour tout n (prolongement) et que pour tout couple de suites , on peut trouver une fonction telle que pour tout n (interpolation)[3]. On a pu penser redonner ainsi un statut mathématique aux infiniment petits des analystes du 17e siècle, mais il n'a jamais été possible d'obtenir une théorie satisfaisante par cette méthode, et seuls les travaux de logiciens, à la suite d'Abraham Robinson dans les années 1950, ont pu construire une véritable analyse non standard.

Partie principale et développement asymptotique[modifier | modifier le code]

Soit E une échelle de comparaison (au voisinage de a) et f une fonction étudiée près de a ; on appelle partie principale de f (sur l'échelle E) une fonction de la forme , avec et c constante réelle non nulle, telle que, c'est-à-dire que .

Si f admet une partie principale, celle-ci est unique ; on a alors . Si admet à son tour une partie principale , on aura  ; si l'on peut recommencer, on obtient finalement une expression de la forme (avec ), qu'on appelle un développement asymptotique de f (sur l'échelle E).

Échelles de fonctions élémentaires[modifier | modifier le code]

Les fonctions élémentaires sont celles obtenues par extensions successives de l'ensemble des fractions rationnelles par les opérations algébriques usuelles et par composition avec les fonctions logarithme et exponentielle. Si on n'utilise à chaque étape de ces extensions que des constantes et des fonctions à valeurs réelles, on obtient la classe des fonctions logarithmico-exponentielles (ou L-fonctions) ; un théorème de Hardy (formalisant des résultats de du Bois-Raymond) affirme que toutes les fonctions de cette classe sont monotones à partir d'un certain réel. Comme le quotient de deux d'entre elles est encore une L-fonction, on en déduit que pour deux L-fonctions f et g, au voisinage de l'infini, on a , ou , avec K constante non nulle (cette dernière relation étant notée par Hardy , écriture qui établit une propriété plus forte que son autre notation )[4].

Des ensembles de L-fonctions totalement ordonnés constituent des échelles de comparaison suffisantes pour tous les besoins pratiques[5] : bien qu'il soit aisé de construire des fonctions croissant plus rapidement, par exemple, que des tours d'exponentielles de hauteur arbitraire, de telles fonctions ne peuvent (presque par définition) s'exprimer à l'aide de fonctions élémentaires, ou de fonctions constructibles par les opérations usuelles de l'analyse (comme la résolution d'équations différentielles, ou le développement en série entière).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Bernard Randé, Procédés sommatoires, p.3 [lire en ligne]
  2. (en) Carl Pomerance, « A Tale of Two Sieves », Notices of the AMS, vol. 43, no 12,‎ , p. 1473-1485 (lire en ligne).
  3. Dans le cas de fonctions croissantes de vers , vérifiant de plus il suffit de poser pour que soit prépondérante devant tous les (et de même pour que soit prépondérante devant les et négligeable devant les ) ; cette idée, préfigurant l'argument diagonal, est due à Paul du Bois-Reymond ; une modification convenable des permet de traiter le cas général, cf Hardy et al. 1910, p. 10.
  4. Hardy 1910, p. 24.
  5. Hardy 1910, p. 22.

Bibliographie[modifier | modifier le code]