Rosalie Magnon

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Rosalie Magnon
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Rosalie Magnon
Autres noms
Mme Mazier, Mme Thévenet, Mme Gaston, Vve Gaston
Nationalité
Activité

Rosalie Magnon, épouse Mazier, puis Thévenet, puis Gaston, née à Limay le et morte à Paris le , est une photographe française, active de 1884 à 1885.

Trois fois veuve de maris quadragénaires, elle a par ailleurs défrayé la chronique après la mort du dernier, en 1886, à la suite de soupçons d'empoisonnement.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et premiers mariages[modifier | modifier le code]

Rosalie Magnon naît à Limay en 1841, fille naturelle d’Élisabeth Mathurine Magnon, journalière[1].

En 1865, âgée de 24 ans, elle épouse à Paris François Charles Mazier, un rentier de dix ans son aîné, avec lequel elle vit 6, cité Gaillard[2]. Devenu négociant, il meurt à 45 ans, en 1876, en lui laissant 200 000 francs[3],[4]. En , Rosalie Magnon se remarie avec Marie Ernest Léon Thévenet[5]. Mais ce représentant de commerce est retrouvé mort par suicide fin novembre, à 42 ans, dans le parc de Blossac à Poitiers[6],[7]. Rosalie Magnon hérite à nouveau, de 60 000 francs.

Carrière de photographe[modifier | modifier le code]

En , Rosalie Magnon, veuve de Léon Thévenet depuis deux mois, rachète un atelier de photographie. Situé 11, rue de Buci, l'établissement est passé entre les mains de plusieurs photographes, comme Pierre Archippe Hugon ou Germain Blanc, jusqu'à Jean-Baptiste Dupont[Note 1], qui a fait faillite en [8],[9]. Mis à prix 20 000 francs, le fonds de commerce est attribué par adjudication seulement 2 200 francs à Rosalie Magnon[10],[11]. Comme ses prédécesseurs, elle propose, sous l'enseigne Photographie des Écoles, des portraits cartes-de-visite, qu'elle signe sous le nom de Thévenet. Peut-être parvient-elle à renflouer son affaire puisque moins de deux ans plus tard, en , c'est au prix de 40 000 francs qu'elle la revend à un autre photographe, François Étienne Marie René Savary de Saussaie de Vernaut[12],[13]. Quelques semaines plus tôt, Rosalie Magnon, désormais rentière[Note 2], est devenue Mme Gaston, en se mariant sous le régime de la communauté de biens avec Jules Édouard François Gaston, un riche propriétaire d'origine belge[14], et c'est en leurs deux noms que la vente du fonds de photographie est signée, chez le notaire parisien Latapie de Gerval, le même qui a enregistré leur contrat de mariage. Peut-être en raison du prix de vente très élevé de l'atelier, le nouveau propriétaire, Savary de Vernaut, fera faillite un an plus tard. Le fonds de commerce sera mis à prix 3 000 francs seulement, et revendu 1 000 francs[15],[Note 3].

Affaire Gaston[modifier | modifier le code]

En , après seulement six mois de mariage, Jules Gaston meurt, un peu avant ses 50 ans[16]. Deux jours plus tard, un testament olographe, rédigé en mars et déposé chez le notaire Latapie, désigne la veuve Gaston comme légataire universelle[7]. Mais les proches de Jules Gaston contestent l'authenticité du document et accusent Rosalie Gaston de l'avoir substitué à un autre testament, par lequel le mari leur léguait sa fortune, évaluée à « plus d'un million d'immeubles ». Des rumeurs sur de violentes mésententes au sein du couple font surface. La justice diligente une enquête : le corps du mari est exhumé et des traces d'empoisonnement à l'arsenic sont retrouvées dans ses organes[17],[4]. L'enquête de police sur le couple Gaston charge l'épouse, décrite comme une femme « d'une conduite très légère et d'un caractère vif et emporté, [qui] n'aspirait qu'à posséder de l'argent », et le commissaire rapporte qu'on prête à la veuve « des relations avec plusieurs officiers de l'École militaire ». Rosalie Gaston est arrêtée mais, faute de preuves, elle bénéficie d'un non-lieu en 1888, après deux ans d'instruction[18]. Une fois libre, elle s'attache à faire valoir ses droits concernant l'héritage de son mari, dont la famille poursuit désormais son action auprès du tribunal civil de la Seine.

Début 1892, la veuve Gaston se retrouve devant la justice, en tant que plaignante cette fois, contre un clerc du notaire Latapie, Jacques Arraud, autoproclamé « prince de Buckingham, comte de Juilly, marquis de la Haye, baron d'Auriac, comte de la Haye, etc. », qui est devenu son amant[19]. Elle l'accuse de l'avoir trompée sur ses titres, mais aussi de l'avoir épousée à Londres en la dupant. Le mariage est annulé par la justice et Arraud condamné en avril à huit jours de prison.

Le mois suivant débute le procès lié à l'héritage Gaston[7]. L'avocat de Rosalie Gaston avance plusieurs contre-arguments pour sa défense : il la décrit comme « une femme naïve, restée tendre en dépit de l'âge, faible de cœur et des sens, mais nullement cupide et encore moins empoisonneuse »[20]. Par ailleurs, il affirme que les rumeurs d'empoisonnement ont été lancées par Savary de Vernaut — le photographe qui a repris l'atelier — une fois que Rosalie Gaston a commencé à lui réclamer les sommes conséquentes qu'il lui devait. Enfin, l'histoire de l'escamotage du testament serait selon l'avocat une pure invention. En retour, les proches de Jules Gaston produisent un billet signé de sa main un mois avant sa mort, reniant tout acte signé au profit de sa femme[18]. Après expertise, le billet est déclaré authentique et le tribunal annule le testament rédigé en faveur de Rosalie Gaston, qui perd tout droit à la succession de son mari et est condamnée aux dépens en [21]. Après ça, elle ne fait plus parler d'elle.

Elle meurt à 81 ans, en 1922, en son domicile du 26, boulevard de Sébastopol[22], et est inhumée au cimetière du Père-Lachaise, sous le nom de « Magnon Vve Gaston, Rosalie »[23].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Sous le nom « Henri Dupont ».
  2. Selon son acte et son contrat de mariage.
  3. Au photographe et artiste peintre Pierre Jean Yrondy.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Acte de naissance Magnon, no 3 du , Limay, Archives des Yvelines
  2. Acte de mariage Mazier-Magnon, no 1025 du , Paris 9e, Archives de Paris
  3. Acte de décès Mazier, no 475 du , Paris 9e, Archives de Paris
  4. a et b « Trois maris pour une femme », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, La Souveraineté nationale, (consulté le ), p. 3
  5. Acte de mariage Thévenet-Magnon, no 11 du , Paris 10e, Archives de Paris
  6. Acte de décès Thévenet, no 863 du , Poitiers, Archives départementales de la Vienne
  7. a b et c F. Arsac, « Chronique des tribunaux », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, L’Événement, (consulté le ), p. 3
  8. Vente par Pierre Archippe Hugon, photographe, demeurant 11, rue de Buci, Minutes et répertoires du notaire Edme Augustin Courot, , Archives nationales (cote MC/ET/CXXII/2170) [lire en ligne]
  9. « Tribunal de commerce. Déclaration de faillite du 3 janvier 1884 », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Paris, (consulté le ), p. 4
  10. « Adjudications », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Droit, (consulté le ), p. 4
  11. Cahier des charges pour la vente d'un fonds de photographie situé 11, rue de Buci, Minutes et répertoires du notaire Paul Jean Louis Rigault, , Archives nationales (cote MC/ET/LXXXVI/1330) [lire en ligne]
  12. Dominique de Font-Réaulx, « Où sont les femmes photographes ? Femmes photographes françaises au milieu du xixe siècle », in Thomas Galifot, Marie Robert, Qui a peur des femmes photographes ? 1839-1945, Paris : M'O ; Vanves : Hazan, 2015, p. 53 (ISBN 978-2-7541-0862-1)
  13. Vente par Jules Édouard François Gaston et Rosalie Magnon, son épouse, Minutes et répertoires du notaire Antoine Pierre Latapie de Gerval, , Archives nationales (cote MC/ET/CIII/1667) [lire en ligne]
  14. Acte de mariage Gaston-Magnon, no 761 du , Paris 6e, Archives de Paris
  15. Cahier des charges pour la vente d'un fonds de photographe et de son droit au bail situé 11, rue de Buci, Minutes et répertoires du notaire Vincent Emmanuel Surrault, , Archives nationales (cote MC/ET/LXVII/1351) [lire en ligne]
  16. Acte de décès Gaston, no 917 du , Paris 7e, Archives de Paris
  17. « Une affaire qui revient sur l'eau », sur Gallica, Le Radical, (consulté le ), [vue 3/4]
  18. a et b Albert Bataille, « Gazette des tribunaux. Tribunal civil. Les quatre maris de Mme Gaston », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Figaro, (consulté le ), p. 4-5
  19. « Le mariage du prince de Buckingham », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le Siècle, (consulté le ), p. 3
  20. Me Gervasy, « L'affaire Gaston. Le testament de trois maris », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, Le XIXe Siècle, (consulté le )
  21. « La veuve aux trois maris », sur RetroNews - Le site de presse de la BnF, La Liberté, (consulté le ), p. 3
  22. Acte de décès Magnon, no 439 du , Paris 4e, Archives de Paris
  23. Registres journaliers d'inhumation, cimetière du Père-Lachaise, , Archives de Paris

Liens externes[modifier | modifier le code]