Pierre Mouchenik

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Pierre Mouchenik
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Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 46 ans)
MarseilleVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Action de Pierre Mouchenik dans le Mahal en Israel

Pierre Mouchenik, né à Paris le et mort à Marseille le , est un résistant français.

Membre de la Sixième, des EI (Éclaireurs Israélites) il fait partie de l'Armée juive (AJ) et de l'Organisation Juive de Combat (OJC). Pendant l'occupation allemande, sous les fausses identités de Paul Mayol et Letic, il dirige un laboratoire de faux papiers à Nice avec Serge Karvasser. Après-guerre, en rapport étroit avec Abraham Polonski, il participe à l'aventure tragique de l' Exodus et organise le départ clandestin en Palestine de Juifs survivants retenus après guerre dans les camps des personnes déplacées (DP) en Allemagne qui sont en attente plusieurs années d'un pays d'accueil. il crée plusieurs sociétés écrans pour l'achat de bateaux et participe à la formation de marins et de futur combattants dans le sud de la France. Après son départ pour la Palestine en , il participe au combat dans le Neguev et prend, fin 1949, la direction du Mahal מח"ל pour la démobilisation et l'insertion des combattants volontaires de langue française. Il est particulièrement actif pour les volontaires d'Afrique du Nord qui sont victimes de discriminations.

De retour en France en 1954, il poursuit une formation d'éducateur spécialisé et crée en 1957 le centre école AGREA pour enfants inadaptés à Saint-Caprais-de-Bordeaux.

Biographie[modifier | modifier le code]

Formation[modifier | modifier le code]

Pierre Mouchenik intègre le groupe des éclaireurs juifs dès l'adolescence, qui deviendra le réseau de résistance la Sixième pendant l'Occupation allemande. Sa mère tient un petit magasin de chapeaux rue Saint-Placide à Paris. Sa tante Louise, qui refuse de quitter Paris pour garder le magasin, est dénoncée, arrêtée en 1943, déportée par le convoi 57 et assassinée à Auschwitz.

Seconde Guerre mondiale[modifier | modifier le code]

Au sein de l'OJC[1],[2], Maurice Loebenberg, crée à Nice en 1943, le laboratoire de faux papiers. Après son départ pour Paris, Pierre Mouchenik[3],[4], spécialiste chevronné des faux papiers, prend la tête du laboratoire[5] avec Serge Karwaser[6], (Lazarus, 1947 ; Brauman, Loinger, Wattemberg, 2002), qui sera amené à déménager quatre fois pour échapper à la Gestapo[7] (Paniccaci, 1983). Le laboratoire fournit des faux papiers à l'Armée juive[8] et à différents réseaux de résistance et de sauvetage tel le réseau Marcel de Moussa Abadi ou au pasteur Marc Boegner. Il leur arrive de travailler jour et nuit[9] (Karvasser (2005).

Ils fabriquent de faux actes de naissance, des certificats de baptêmes, des certificats de travail, dzq certificat de recensement, des photocopies de décret de naturalisation, etc., (Marrot-Fellag Ariouet, 2005) : « En hiver 1943-1944, on travaillait le soir avec une lampe acétylène et le matin dès le lever du jour. (...) C’était Pierrot et moi-même qui faisions au début toute la besogne. (....) Je peux mentionner que le total des cartes d’identité fournies par nous atteignait 20 000 et les autres documents en proportion, dont 12 000 pour les Juifs et le reste pour la Résistance française »[10].

Pierre Mouchenik accompagne des groupes de jeunes à Toulouse qui sont ensuite convoyés vers l'Espagne (Brauman, Loinger, Wattemberg, 2002). Il participe aux combats pour la libération de Toulouse[11].

Après-guerre[modifier | modifier le code]

Les camps[modifier | modifier le code]

Au lendemain de la Libération, Pierre Mouchenik effectue plusieurs missions, avec un certificat d'accréditation du commissaire de la République de Toulouse et du SERE. Il se rend à Paris. Le colonel Rol-Tanguy lui remet le un ordre de mission enjoignant « à tous ceux qui possèdent des indications ou des listes de déportés de bien vouloir en remettre un double à M. Mouchenik. Ce travail étant le but de sa mission ». Après la libération de l'est de la France, le , M. Garnier, directeur des Fichiers et Statistiques, lui remet le même document pour faire ses recherches en Alsace et en Lorraine (fiche CDJC).

Il est mandaté pour se rendre dans deux camps et fait un rapport, daté du , sur le camp de Vorbruck à Schirmeck et du Struthof[12]. Pour convaincre Adolfo Kaminsky[13] de reprendre son activités de faussaire. Pierre Mouchenik l’emmène clandestinement en Allemagne en afin de lui montrer comment vivent les rescapés de camps (Sels, 2013). Le choc est décisif, Kaminsky accepte de fabriquer de faux visas pour favoriser leur immigration clandestine en Palestine (Kaminski, 2009). Ils développent la quatrième émigration (Alya Daleth)[14]

L'Exodus[modifier | modifier le code]

Dès l'après-guerre, Pierre Mouchenik contribue à l'émigration clandestine[15]. En 1947, Pierre Mouchenik, dirige avec Arthur Epstein un groupe d'une centaine de personnes à Port-de-Bouc en renfort autour de l'Exodus[16]. Malgré la bienveillance du gouvernement français et des efforts conjugués du Mossad et de la Haganah, le navire avec ses milliers de passagers ne pourra pas forcer le passage contre la flotte anglaise. Mais cet événement, qui eut un écho considérable dans l'opinion publique mondiale, contribuera certainement à la création de l’État d'Israël (Vincent, 2009, p. 13, 14, 15).

Israël[modifier | modifier le code]

En , Pierre Mouchenik quitte la France pour la Palestine. Il participe aux combats du Neguev pendant la guerre d'indépendance[17]. D'abord à la tête des Volontaires Francophones pour la guerre d'indépendance au sein de Tsahal, après la dissolution de ce service, il crée en 1950 et devient responsable dans le cadre du Mahal (hébreu מח"ל), du Bureau des Volontaires Francophones de la Guerre d'Indépendance. Il s'occupe des démobilisations et des réinsertions sociales des anciens combattants dont la majorité sont originaires d'Afrique du Nord et sont victimes de discrimination.

L'enfance inadaptée[modifier | modifier le code]

En 1954, il rentre En France, poursuit une formation d'éducateur spécialisé. En 1957, il crée et dirige le Centre École AGREA pour enfants inadaptés à Saint-Caprias-de-Bordeaux et en 1965 prend la direction d'un centre pour personnes handicapées mentales à Marseille.

Il décède d'un cancer en 1967 à l'âge de 46 ans.

Honneurs[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jonathan Bensoussan J., Tel Aviv University (Moroccan) Resistance on Ha’Yarkon Street: Pierre Mouchenik and the Bureau of French Speakers, 1948–1950, The 30th Annual Conference of the Association for Israël Studies, 2014[19].
  • Jean Brauman, Georges Loinger, Frida Wattemberg, Organisation juive de combat : Résistance/Sauvetage, France 1940-1945, Autrement, 2002.
  • Paul Giniewski, Une résistance juive. Grenoble 1943-1945, Cheminements, 2009, 295 p. (aperçu en ligne).
  • Sarah Kaminsky, Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire, Calmann-Lévy, 2009.
  • S. Karwaser, C.D.J.C. CCXV-16, Déposition de Serge Karwasser pour le Centre de documentation sur la persécution à Nice, en date du , 2005.
  • Anny Latour, La Résistance juive en France (1940-1944), Stock, 1970, p. 130.
  • Jacques Lazarus, Juifs au combat, témoignage sur l'activité d'un mouvement de résistance, Paris, édition du Centre, 1947.
  • Céline Marrot-Fellag Ariouet, Le Réseau Marcel : Sauvetage des enfants juifs dans la région de Nice, 2005.
  • Jean-Louis Paniccaci, Les Juifs et la Question juive dans les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945, 1983.
  • Dominique Sels, Adolphe contre Adolphe, Paris, Éditions de la Chambre au Loup, 2013, p. 19.
  • Brice Vincent, La Shoah et l'Alyah de France en Palestine et en Israël (1936-1950), thèse de doctorat en histoire, Université de Montpellier, 2009.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Catherine Richet, Biographies des membres de la Sixième, Autrement, (ISBN 978-2-7467-0902-7, lire en ligne)
  2. « Page d'accueil », sur Fondation pour la Mémoire de la Shoah (consulté le ).
  3. Organisation juive de combat France 1940-1945, Éditions Autrement, 2006, biographie des membres de la sixième, p. 271-403
  4. Tsilla Hersco et Jacques Lazarus, L'armée juive aj-ojc, Autrement, (ISBN 978-2-7467-0902-7, lire en ligne)
  5. Pierrot Mouchenik, faussaire dans Adolfo Kaminski, Une vie de faussaire de Sarah Kaminsky, Calmann-Levy, 2009
  6. « Pierre MOUCHENIK », sur memorialdelashoah.org (consulté le )
  7. Jean-Louis Panicacci, Les Juifs et la question juive dans les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945 (Lire [PDF]
  8. A. Latour, La Résistance juive en France (1940-1944), Stock, 1970, p. 130
  9. Le Réseau Marcel : Sauvetage des enfants juifs dans la région de Nice
  10. Robert Leopold, « V - Le réseau Marcel - Les enfants cachés pendant la Seconde Guerre mondiale - Céline Marrot-Fellague », sur lamaisondesevres.org (consulté le )
  11. Paul Ginievski, Une résistance juive, Grenoble 1943-1945, 2011.
  12. « Rapport, daté du 25/01/1945, de Pierre Mouchenik, sur le camp de Vorbruck à Schirmeck et du Struthof », sur memorialdelashoah.org (consulté le )
  13. « Vers la fin de la guerre, Pierre Mouchenik recruta Adolfo Kaminsky au sein du Service d’évacuation et de recrutement (SER) puis pour participer à l'alyah beth ». Témoignage d'Adolfo Kaminsky, Paris les 22 et 28 octobre 2008 in Thèse de doctorat d'histoire de Brice Vincent, Université Paul-Valéry, p. 28 La Shoah l'Alya de France en Palestine et en Israël (1936-1950).
  14. P. Mouchenik et A. Kaminsky développèrent également la « quatrième immigration » ou alyah daleth placée sous la direction d'A. Polonsky et développée en coordination avec l'agence Juive qui distribuait les faux papiers. Ses principaux bénéficiaires étaient des juifs palestiniens, agents du Mossad, madrihim, shelihim, membres du mouvement sioniste du Yishouv et de France. in Thèse de doctorat d'histoire de Brice Vincent, Université Paul-Valéry, p. 28 La Shoah l'Alya de France en Palestine et en Israël (1936-1950).
  15. Yad Tabenkin Archives (Ramat Efal, Israël), Archives Abraham Polonski, 15-133/2/10, rapport de Pierre Mouchenik, sur Port-de-Bouc, 28 au à Abraham Polonski fondateur et chef de l'Armée juive (Organisation juive de combat après la guerre, puis Haganah-France). Ce rapport relate l'affaire de l'Exodus 1947, au moment où les bateaux-cages sont stationnés à Port-de-Bouc et que l'affaire prend une dimension internationale. Pierre Mouchenik est le représentant de Polonski sur place.
  16. Yad Tabenkin Archives (Ramat Efal, Israël), Archives Abraham Polonski, 15-133/2/10, rapport de Pierre Mouchenik, sur Port-de-Bouc, 28 au à Abraham Polonski fondateur et chef de l'Armée juive (Organisation juive de combat après la guerre, puis Haganah-France). Ce rapport relate l'affaire de l'Exodus 1947, au moment où les bateaux-cages sont stationnés à Port-de-Bouc et que l'affaire prend une dimension internationale. Pierre Mouchenik est le représentant de Polonski sur place.
  17. Lea Salettes, « Le Commando français dans la guerre d'indépendance de l’État d’Israël, 1948-1949 », Bulletin de l'Institut Pierre Renouvin, no 45,‎ , p. 125–135 (ISSN 1276-8944, lire en ligne, consulté le )
  18. Site Mémoire des Hommes
  19. (en-US) « The 30th Annual Conference of the Association for Israel Studies », sur in.bgu.ac.il (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]