Olivier Dubois (journaliste)
Pour les articles homonymes, voir Olivier Dubois et Dubois.
Olivier Dubois, né le à Créteil, est un journaliste français, spécialiste du Sahel. Il est correspondant au Mali pour le magazine Le Point et le quotidien Libération.
Le 8 avril 2021, il est enlevé par Jama'at Nasr al-Islam wal Muslimin à l'occasion d'une rencontre avec Abdallah Ag Albakaye, un cadre du groupe[1]. Les militaires de l’opération Barkhane auraient dans un premier temps cherché à utiliser le journaliste à son insu pour localiser ce chef djihadiste avant d'y renoncer face au risque d'enlèvement, mais sans intervenir pour l'empêcher.
Olivier Dubois est libéré le au terme de 711 jours de détention, grâce aux efforts de la diplomatie nigérianne.
Biographie[modifier | modifier le code]
Vie privée[modifier | modifier le code]
Olivier Dubois, d'ascendance martiniquaise, né le 6 août 1974 à Créteil est père de deux enfants et vit au Mali[2].
Carrière[modifier | modifier le code]
En 2015, Olivier Dubois après avoir réalisé notamment une série documentaire intitulée Poilorama[3] pour Arte Créative, il s'installe comme journaliste avec sa famille à Bamako, au Mali. Spécialiste du Sahel[4], il couvre en particulier les conflits régionaux[5] pour Le journal du Mali, dont il devient rédacteur en chef du site web, ainsi que pour Le Point et Jeune Afrique[6],[7].
En 2020, il rejoint Libération en tant que journaliste indépendant et couvre plusieurs événements majeurs maliens comme les manifestations maliennes de 2020, une mutinerie au camp militaire de Kati en 2020[8] et la libération de l'humanitaire franco-suisse Sophie Pétronin, enlevée par Jama'at Nasr al-Islam wal Muslimin[9],[10].
Fin février 2021, il couvre les conflits en pays Dogon, passe plusieurs jours avec la milice Dan Na Ambassagou et publie pour la première fois ses photographies dans Libération[11].
Enlèvement[modifier | modifier le code]
Circonstances[modifier | modifier le code]
Fin mars 2021, Dubois propose à Libération d’aller interviewer Abdallah Ag Albakaye, un lieutenant de Jama'at Nasr al-Islam wal Muslimin (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans), groupe lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique, à Gao, dans le nord du Mali, à la recherche d'informations notamment sur le conflit du groupe avec l'État islamique dans le Grand Sahara, une organisation djihadiste rivale. Olivier Dubois, par l'intermédiaire de son fixeur, dispose de contacts dans la sphère jihadiste, dont certains se portent garants de sa sécurité. Dans un article publié après l'enlèvement, Libération dit avoir refusé cette interview, jugée trop dangereuse[12].
Le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans finance l'opération, car elle invite Olivier Dubois. Le groupe transmet l'argent au fixeur, qui achète avec le billet du voyage de Dubois, et finance son hotel et ses vêtements. Le fixeur en informe le service de renseignements de l'Opération Barkhane, puisqu'il collaborait également avec ce service depuis un an. Monsieur Dubois savait que son fixeur avait ce service comme autre client, mais il croyait, à tort, que son fixeur avait conservé le secret. Ce service cherchait à capturer Abdallah Ag Albakaye, et avait promis au fixeur une somme d'argent en cas de réussite. Toutefois, devant les risques encourus, et les difficultés militaire pour saisir cette occasion, le poste de commandement interarmées de Barkhane n'approuve pas la rencontre, mais sans envoyer de contre-ordre. -[13].
Le 8 avril 2021, Olivier Dubois arrive à Gao par avion. Après avoir petit-déjeuné au Askia Motel, son fixeur (qui avait organisé l'interview et a été arrêté par la suite) rapporte qu'il s'est embarqué dans une voiture avec plusieurs hommes. Deux jours plus tard, le 10 avril, Olivier Dubois ne se présente pas à son vol retour au départ de Gao[14].
À partir de là, les récits du fixeur et des autorités militaires françaises divergent. Pour le fixeur, le but de l'armée française restait de profiter de l'interview pour se saisir d'Abdallah Ag Albakaye. Mais les responsables militaires soulignent qu'il n'est pas possible de faire confiance en la personne du fixeur qui se serait vendue à toutes les parties, et que leur but était uniquement de localiser et de tracer Ag Albakaye ; de plus le service de renseignements chargé des opérations n'avait aucun moyen opérationnel et n'aurait pu l'arrêter. L'inspecteur militaire qui a enquêté ensuite a relevé qu'il n'y avait effectivement même pas de drone disponible pour suivre Olivier Dubois et Ag Albakaye, et l'unique source de renseignements de l'armée française était le fixeur lui-même. -[13].
En 2023, après sa libération, Le Monde, Libération, Radio France internationale et TV5Monde révèlent les conditions de cet enlèvement: selon les conclusions de leur enquête, les militaires français, informés par le fixeur du journaliste, savaient que celui-ci allait rencontrer un chef djihadiste et ont envisagé d’utiliser le reporter comme un appât, puis renoncé au dernier moment en évaluant le risque d'enlèvement, mais n'ont pas agi pour l'empêcher[15],[13]. Une lettre rouge — pratique diplomatique française indiquant un avis fortement défavorable, selon une source diplomatique[16] — est adressée la veille de son rapt[16] à Olivier Dubois pour le dissuader de se rendre au rendez-vous, le journal Libération refuse cet entretien. Le Général commandant de l'opération Barkgane prévient l’ambassadeur de France au Mali Joël Meyer qu’il fallait «conduire une manœuvre visant à empêcher le déplacement du journaliste à Gao» mais l'ambassade ne réagit pas et Olivier Dubois ne tient pas compte de la lettre rouge[17].
Communication et déclarations[modifier | modifier le code]
Le 4 mai, une vidéo de 21 secondes est diffusée sur les réseaux sociaux où Olivier Dubois déclare avoir été enlevé le 8 avril et, sous la contrainte, appelle « [s]a famille, [s]es amis et les autorités françaises » à faire « tout ce qui est en leur pouvoir » pour le faire libérer[18]. Après la diffusion, le ministère français des Affaires étrangères confirme la disparation du journaliste et annonce enquêter sur l'authentification de la vidéo[19].
Le 7 mai, le Comité pour la protection des journalistes publie une déclaration appelant à sa libération immédiate et déclarant que « l’enlèvement de Dubois rappelle que les journalistes couvrant la région du Sahel font face à une très forte menace d’enlèvement et travaillent dans des circonstances très dangereuses »[20].
Le 23 mai, Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, confirme qu'Olivier Dubois a été enlevé[21].
Le 7 juin, des manifestations organisées par Reporters sans frontières se tiennent à Paris et à Bamako pour réclamer sa libération[22],[23].
Il est le seul otage français retenu au Sahel. La précédente otage Sophie Pétronin, qui avait également été enlevée au Mali, ayant été libérée en octobre 2020[24],[25]. Il reste plusieurs otages français détenus en République Islamique d'Iran[26], et deux journalistes maliens, Hamadoun Nialibouly et Moussa M'Bana Dicko, sont également otages au Mali[27],[28].
Le 13 mars 2022, une vidéo non-authentifiée et non datée, dans laquelle il s'adresse à ses proches et au gouvernement français circule sur les réseaux sociaux[29],[30].
En mars 2023, Abou Obeida Youssef al-Annabi, chef d'AQMI déclare détenir Olivier Dubois[31].
Réactions[modifier | modifier le code]
Son enlèvement suscite de nombreuses réactions de soutien. En janvier 2022, en France, une pétition lancée par des membres de sa famille, recueille le soutien de 100 000 personnes, dont plusieurs personnalités, afin de demander au gouvernement français de faire de sa libération une priorité[32],[33],[34],[35],[27],[28].
Un comité de soutien #FreeOlivierDubois est mis en place par ses proches, ses collègues, confrères et amis appellent à sa libération et à « ne pas oublier Olivier », des actions de solidarité médiatisées sont menées en France et à Bamako, soutenus par des organismes tels que Reporters sans Frontières, le Prix Bayeux ou des syndicats de journalistes : son portrait est affiché sur les façades des mairies de plusieurs villes de France, des émissions de radio lui sont dédiées.
Le fixeur était un infirmier qu'Olivier Dubois connaissait. Il a été « longuement », d'après Libération, interrogé par les forces françaises à la suite de l'affaire, puis remis aux autorités maliennes. En 2021, il reste détenu à Bamako. -[12].
Libération[modifier | modifier le code]
Olivier Dubois est libéré le [36] en même temps que l'otage américain Jeffery Woodke (en)[37],[38].
Les négociations ont été rendues difficiles par la détérioration à partir de mai 2021 (et le putsch du colonel Assimi Goïta) des relations entre la France et le Mali. La libération est, selon le gouvernement français qui souhaite en dire le moins possible, l’aboutissement d’une « manœuvre portée par le Niger », son président, Mohamed Bazoum, et les équipes de la Haute Autorité à la consolidation de la paix, dirigée par le général Mahamadou Abou Tarka[39].
La détention a durée 711 jours. Olivier Dubois était le dernier otage français au Sahel, plusieurs français sont toujours otages en République Islamique d'Iran[40]. Sa famille et le président Emmanuel Macron l'accueillent le lendemain sur la base aérienne de Villacoublay[41]. Lors de sa libération, il s'exprime rapidement sur les conditions de sa captivité. « Je tiens à dire que je n’ai pas été maltraité, ni humilié, ni frappé, ni quoi que ce soit. Il y a eu des moments difficiles mais pas physiques comme certains ont pu le vivre[42]. »
Documents[modifier | modifier le code]
- « Derrière l’enlèvement d’Olivier Dubois, le « jeu trouble » de l’armée française » [audio], sur Le Monde,
Références[modifier | modifier le code]
- Alain Léauthier, « Mali : le journaliste français Olivier Dubois est-il tombé dans un piège ? », sur www.marianne.net, 2021-05-06utc19:04:17+0200 (consulté le )
- « L'interview d'actualité- Télématin »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), Télématin, sur France TV,
- (en-US) « Honkytonk Films – POILORAMA : websérie touffue et poilante sur Arte Creative ! » (consulté le )
- « Une action de soutien à Olivier Dubois, journaliste martiniquais retenu otage depuis 13 mois - Toute l'actualité de la Martinique sur Internet - FranceAntilles.fr », sur France-Antilles Martinique (consulté le )
- « Mali : la France ouvre une enquête antiterroriste après l'enlèvement du journaliste Olivier Dubois », Les Echos,
- « L’interminable attente des proches du journaliste Olivier Dubois, enlevé il y a six mois au Mali », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Le journaliste martiniquais Olivier Dubois otage au Mali depuis six mois », sur Outre-mer la 1ère (consulté le )
- Frédéric Autran, « Mali : le correspondant de «Libé» sain et sauf », sur Libération (consulté le )
- Macé, « Olivier Dubois, journaliste privé de son mouvement perpétuel », Libération
- « Qui est Olivier Dubois, le journaliste français enlevé au Mali? », RMC
- Dubois, « Mali : au pays dogon, la guerre sur un plateau », Libération
- Macé, « Enlèvement d'Olivier Dubois au Mali : le piège de Gao », Libération
- Célian Macé, « Enlèvement d’Olivier Dubois : le trouble jeu de l’armée française », sur Libération (consulté le )
- « Comment le journaliste Olivier Dubois a été enlevé au Mali », sur Le Monde,
- « Derrière l’enlèvement du journaliste Olivier Dubois au Mali, les manœuvres et les ratés des autorités françaises », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- Enlèvement d’Olivier Dubois au Mali : une enquête interne pointe des défaillances de l’armée française - Le Parisien
- « Plusieurs enquêtes pointent le rôle trouble de l’armée dans l’enlèvement d’Olivier Dubois », sur Le HuffPost, (consulté le )
- « La famille de l’otage au Mali Olivier Dubois entre angoisse et résilience », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
- Antonella Francini, Saskya Vandoorne and Eliza Mackintosh, « French journalist kidnapped in Mali pleads for help in video », CNN
- « Le CPJ appelle à la libération immédiate du journaliste français Olivier Dubois kidnappé au Mali », sur Committee to Protect Journalists, (consulté le )
- à 14h38, « Le journaliste Olivier Dubois est bien l'otage d'un groupe djihadiste au Mali, confirme Le Drian », leparisien.fr,
- Forson, « Avec Olivier Dubois, journaliste otage au Mali », Le Point,
- « Ensemble pour Olivier Dubois, otage au Mali », Libération
- « Mali : les médias français se mobilisent pour Olivier Dubois, toujours retenu en otage », sur Radio France, (consulté le )
- « Olivier Dubois, otage au Mali: dix mois d’émoi », sur Libération, (consulté le )
- « Qui sont les sept Français détenus par l’Iran ? », sur Libération (consulté le )
- « Le journaliste français Olivier Dubois détenu depuis un an au Mali », sur TV5MONDE, (consulté le )
- « N’oublions pas Hamadoun Nialibouly, Olivier Dubois et Moussa M'Bana Dicko, journalistes otages au Mali / FIJ », sur www.ifj.org (consulté le )
- « Enfin une preuve de vie d’Olivier Dubois, otage au Mali », sur Libération (consulté le )
- « Olivier Dubois : le journaliste français pris en otage au Mali apparaît pour la première fois dans une vidéo », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Olivier Dubois, Algérie, France, groupe EI... le chef d'Aqmi répond aux questions de France 24 », sur RFI, (consulté le )
- « Olivier Dubois, otage au Mali depuis treize mois », sur RFI, (consulté le )
- « Prix Bayeux 2021 des correspondants de guerre: «Cet hommage, c’est le cœur de la semaine» », sur RFI, (consulté le )
- « #FreeOlivierDubois : des actions de solidarité chez nous aussi - Toute l'actualité de la Martinique sur Internet - FranceAntilles.fr », sur France-Antilles Martinique (consulté le )
- « Une banderole d'espoir pour la libération d'Olivier Dubois - Toute l'actualité de la Martinique sur Internet - FranceAntilles.fr », sur France-Antilles Martinique (consulté le )
- « Olivier Dubois : « C’est énorme pour moi d’être là », récit de la libération du dernier otage français », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
- « Olivier Dubois enfin libéré après deux ans de détention – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
- « Détenu au Sahel depuis avril 2021, le journaliste français Olivier Dubois a été libéré », sur LEFIGARO, (consulté le )
- « Olivier Dubois : du Mali au Niger, dans les coulisses de sa libération », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- La rédaction numérique de France Inter, « Iran : les otages français Benjamin Brière et Bernard Phélan ont été libérés », sur France Inter, (consulté le )
- « Emmanuel Macron accueille Olivier Dubois à Paris après sa libération », sur Le HuffPost, (consulté le )
- « Olivier Dubois, journaliste et ex-otage, est arrivé en France et dit n’avoir « pas été maltraité » en captivité », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
