Jamestown (Virginie)

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La Croissance commerciale de la colonie a lieu sur la période 1612-1622 mais la seconde partie des années 1620 voient arriver trois nouveaux producteurs, la Caroline, Saint Kitts, et la Barbade

Saint Kitts, qui avait une population plus élevée en 1629, avec 3 000 habitants contre 700 à la Barbade, est dépassée assez rapidement. En 1636, quand la communauté française de Saint-Christophe (Saint Kitts) se met à importer des esclaves noirs, la communauté anglaise de la même île continue à faire venir surtout des engagés britanniques[4]. Lancée en 1624, la production de tabac atteint dix tonnes trois ans après, 15 en 1628 et supplante toutes les autres cultures en 1631, générant des pénuries alimentaires qui inquiètent jusqu'à Londres. En 1637, cette culture sera interdite dans la partie française de l'île[5]. Entre 1637 et 1640, la production de tabac de chacune des deux îles est divisée par deux, alors qu'elle représentait respectivement 124 000 et 263 000 livres[6] à la Barbade et à Saint Kitts.

Elle se heurte à une surproduction mondiale du tabac, qui fait chuter les cours du tabac à Londres en janvier 1631, amenant certains à se lancer dans la production de coton, dont les cours baissent à leur tour en 1639, puis d'indigo dont les cours baissent en 1642. La surproduction de tabac devient telle que le 26 mai 1639, les gouverneurs de Saint-Christophe-et-Niévès, Philippe de Longvilliers de Poincy et le capitaine Thomas Warner, signent un décret ordonnant la destruction de tous les plants de tabac, et interdisant d'en planter de nouveaux pendant 18 mois car le marché européen du tabac est submergé et les prix ne sont plus assez rémunérateurs[7]. Plusieurs Anglais fuient la Barbade cette année-là, sous la direction de Robert Flood, pour rejoindre l'île de la Tortue. Ils y restent, faisant venir des amis, quand le Français François Levasseur devient gouverneur en 1640.

Au même moment, de 1630 à 1636, les Hollandais détruisent une grande partie des moulins à sucre du Pernambouc. La guerre d'annexion de ce territoire portugais voit un "grand nombre de moulins partis en fumée"39. La pénurie de sucre qui en découle déclenche une flambée des cours mondiaux[8].

L'arrivée d'un corsaire hollandais en 1619[modifier | modifier le code]

Premier débarquement d'esclaves noirs à Jamestown en 1619, par Howard Pyle.

Le , le White Lion, navire corsaire hollandais du capitaine John Colyn Jope, débarqua à Point Comfort, lieu-dit de Jamestown, les 20 premiers habitants noirs de Virginie[9], récupérés sur un navire espagnole qui devait les amener à Véra-Cruz, dans le Sud du Mexique. Les historiens ont établi qu'il leur fut appliqué un statut juridique d'« engagés », déjà utilisé pour les travailleurs blancs[10].

Le White Lion avait été rejoint dans l'Atlantique par un autre navire corsaire hollandais, Le Trésorier, commandé par Daniel Elfrith, qui est arrivé en Virgine 4 à 5 jours après le White Lion. Ils portaient des lettres de marque, du prince d’Orange pour le White Lion, du Duc de Savoie pour le Trésorier[11]. Les deux corsaires ont attaqué le San Juan Bautista, navire négrier parti de de San Lucar, près de Séville le 12 ou le 13 octobre 1616[11], et qui a ensuite acheté 200 esclaves à Luanda, sur la côte angolaise[11], pour les acheminer à Véra Cruz, au Mexique[11]. Le négrier espagnol en avait embarqué en réalité 350[11], en grande partie des femmes et des enfants[11], dont 143 sont morts durant le voyage, soit une mortalité de 41%[11].

Ils avaient probablement été capturés en 1618-1619 en Angola par un raid négrier de « mercenaires Imbangala »[11] africains sous direction portugaise, partis à l'assaut du Royaume de Ndongo[12],[13] peu après qu'en 1617, le nouveau gouverneur portugais de l'Angola, Luis Mendes de Vasconcelos, ait décidé cette politique qui a fait des milliers de prisonniers, parmi lesquels un nombre disproportionné de femmes et d'enfants[11].

Le Portugal était en 1618–1619 sous administration espagnole[14]. Luis Mendes de Vasconçelos mena deux assauts successifs contre la population de langue kimbundu et en captura des milliers[14], de quoi remplir six grands navires négriers entre le 18 juin 1619 et le 21 juin 1620[14]. L'historien Engel Sluiter s'est documenté dans les archives espagnoles sur le navire[14]. Les victimes venaient de la ville d'Angoleme, que les Portugais avaient décrite en 1564 comme habitée par 30000 personnes dans près de 5000 maisons[14]. Une communauté chrétienne de langue kimbundu existait en Angola en 1619[14]. Les habitants avaient leur propre religion[14], mais beaucoup avaient eu des contacts avec les missionnaires jésuites arrivés avec les Portugais en 1575[14].

Les deux corsaires ont embarqué 50 à 60 des 200 survivants africains à bord du San Juan Bautista, qu'ils se sont partagés[11]. Les corsaires évitaient en général d'abimer les navires attaqués mais celui-ci a subi des dommages sérieux[11]. Ainsi, après l'attaque hollandaise, son capitaine Manuel Méndez de Acuña, a ordonné une escale à la Jamaïque espagnole, où il a dû vendre 24 enfants, les séparant de leurs parents[11], et transférer les 123 restants sur la frégate Santa Ana[11], du capitaine Roderigo de Escobar, finalement arrivée à Vera Cruz le 30 août 1619[11].

Le lieu de l'attaque n'est pas connu. Le musée de Hampton a émis l'hypothèse de la proximité des côtes mexicaine de Vera Cruz[11], car ils cherchaient probablement à attaquer des navires transportant or et argent avant le départ de La Havane du traditionnel convoi d'été les amenant en Europe[11], la Flotte des Indes, mais c'est contradictoire avec le fait que le négrier ait transféré ensuite les esclaves restants sur un autre navire à la Jamaïque espagnole, qui rend plus probable une attaque visant à l'origine un navire s'y ralliant entre Saint-Domingue et Cuba[11].

« Sévèrement abimé »[15] lui aussi dans le combat naval contre le négrier espagnol, le White Lion a ensuite été obligé de prendre la direction de la côte américaine et en chemin fut « encore plus endommagé »[15] par une « violente tempête » dans la zone atlantique, qui le place dans « une situation critique »[15] avec la nécessité de « réparations majeures »[15]. Le texte de John Rolfe, secrétaire de la colonie note que les Hollandais étaient en "grand besoin" alimentaire[16] et que c'est le gouverneur de Jamestown qui a pris en charge la vingtaine de passagers noirs. John Pory, le successeur de John Rolfe comme secrétaire de la colonie a indiqué que le White Lion, qui s'était aussi emparé de céréales sur le négrier espagnol[14], a dû séjourner un mois dans la colonie[14].

Le Trésorier, commandé par Daniel Elfrith est arrivé quelques jours plus tard. Les résidents de Hampton refusèrent de l'approvisionner [14]. Son capitaine a fait l'objet de plusieurs enquêtes pour corruption et commerces illégaux[11] et il partit précipitamment aux Bermudes.

En mars 1620, 32 Africains vivaient en Virginie, débarqués des deux navires corsaires[11], dont la majorité sous le contrôle des deux dirigeants de la colonie, Sir George Yeardley et Abraham Peirsey[11]. Sur les 32, 17 étaient de sexe féminin. Mais ils n'étaient plus 21 en février 1624, dont deux enfants nés sur place[11].

Six Africains vivant en Virginie en 1625 n'étaient pas venus par les deux corsaires hollandais mais par trois autres bateaux différents. Les archives gardent aussi la trace John Phillip, un "marin noir libre", présent dans la colonie en 1624 et d'un couple de Noirs affranchis probablement venus de Luanda, Anthony et Mary Johnson, propriétaire de terre à Jamestown en 1645. Sur les sept procédures lancées au cours des décennies suivantes par des Noirs voulant prouver qu'ils étaient des engagés, six ont été perdues faute de traces écrites ou parce que les plaignants ne pouvaient prouver leur âge, requis par une loi votée en 1643. Parmi ceux apportés en 1619, beaucoup n'avaient pas de nom.

La plaque commémorant leur arrivée en 1619 précise qu'une partie a été affranchie[17] et mentionne que deux d'entre eux, Isabella et Anthony, ont donné naissance cinq ans après à leur fils William Tucker[17], la première personne noire née sur le sol de Virginie, en 1624[17]. C'est pour « commémorer leur ancêtre William Tucker, né en 1624, soit cinq ans après le débarquement du White Lion », qu'une cinquantaine de personnes se sont réunies en août 2019 à Jamestown[18].

Selon Karsonya Wise Whitehead, professeur de communication et d'histoire à la Loyola University Maryland, les connaissances manquent pour affirmer que c'est le début de l'esclavage aux États-Unis[19]. Les historiens sont cependant d'accord pour rappeler que les engagés n'étaient eux-mêmes pas libres et que les Noirs n'avaient, eux, pas choisi leur statut[19].

Dernières années (1624-1699)[modifier | modifier le code]

En 1624, le roi James révoqua la charte de la Virginia Company, et la Virginie devint une colonie royale. En dépit du revers, la colonie continua à s'accroître. Dix ans plus tard, en 1634, sous les ordres du roi Charles Ier, la colonie fut divisée pour former les huit comtés de Virginie d'une façon similaire à celle pratiquée en Angleterre. Jamestown était désormais située dans le comté de James City, qui est toujours à l'heure actuelle le plus vieux comté des États-Unis.

Une autre attaque indienne de grande ampleur eut lieu en 1644. En 1646, Opchanacanough fut capturé ; alors qu'il était en détention un garde anglais fit feu sur lui dans le dos - sans en avoir reçu l'ordre - et le tua, la confédération Powhatan commença ainsi à décliner. Le successeur d'Opchanacanough signa les premiers traités de paix entre les Anglais et les indiens Powhatans. Les traités demandaient aux Powhatans de payer un tribut annuel aux Anglais et de rester reclus dans des réserves.

Une génération plus tard, durant la révolte de Nathaniel Bacon en 1676, Jamestown fut brûlée.

De nos jours[modifier | modifier le code]

Pièce de monnaie commémorative.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Aux États-Unis, les premiers colons auraient eu recours au cannibalisme », sur lemonde.fr,
  2. (en) « Jamestown Colonists Resorted to Cannibalism », sur National Geographic News, (consulté le )
  3. (en) « Starving Virginia settlers turned to cannibalism in 1609: study », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. D'après (en) David Watts, The West Indies : Patterns of Development, Culture and Environmental Change, Cambridge University Press, , p. 150
  5. D'après David Watts, op. cit., p. 157.
  6. D'après David Watts, op. cit., p. 158
  7. D'après (en) Vere Langford Oliver, The history of the island of Antigua, Mitchell and Hughes, .
  8. Les Pays-Bas et la traite des Noirs par P. C. Emmer, pages 32 et 187.
  9. Christian Delacampagne, Histoire de l'esclavage. De l'Antiquité à nos jours, Paris, Le livre de poche, , 319 p. (ISBN 2-253-90593-3), p. 144
  10. « 1607 - 1783 - Les Treize Colonies anglaises », sur www.herodote.net (consulté le )
  11. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t et u "1619: Virginia’s First Africans" par Beth Austin et le Musée historique de Hampton, en décembre 2018 [1]
  12. Thornton, John (July 1998). "The African Experience of the "20. and Odd Negroes" Arriving in Virginia in 1619". The William and Mary Quarterly. 3rd. 55 (3): 421–434.
  13. Painter, Nell Irvin. (2006). Creating Black Americans: African-American history and its meanings, 1619 to the present. New York: Oxford University Press, pp. 23–24
  14. a b c d e f g h i j et k " Africans, Virginia’s First" par Martha McCartney, dans l'Encyclopédie de la Virginie [2]
  15. a b c et d "Slavery 101. Mercer Moments in American History" par Ken Mercer aux Editions WestBow Press en 2021 [3]
  16. "McCartney, Martha (8 October 2019). "Virginia's First Africans". Encyclopedia Virginia. Retrieved 24 February 2020.
  17. a b et c Il y a 400 ans, les premiers esclaves africains arrivaient en Virginie aux États-Unis par Stéphanie Trouillard le 16 aout 2019 sur France 24.
  18. Les États-Unis commémorent le 400e anniversaire du débarquement des premiers esclaves africains par Pauline Pennanec'h et Grégory Philipps ; site=Radio France le 25/08/2019.
  19. a et b "1619: 400 years ago, a ship arrived in Virginia, bearing human cargo" par E.R. Schmidt dans USA Today [4]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]