Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord

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Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord
Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord
Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord par Louis Vigée.

Naissance
Paris
Décès (à 54 ans)
Paris
Origine Français
Allégeance Drapeau du royaume de France Royaume de France
Arme cavalerie légère
Grade Lieutenant général des armées du roi
Années de service 17531788
Commandement Régiment de Talleyrand cavalerie
Régiment Royal-Piémont cavalerie
Conflits Guerre de Sept Ans
Distinctions Chevalier de Saint-Louis (1759) et chevalier des ordres du Roi (1776)
Autres fonctions Menin du dauphin (1759)
Otage de la sainte Ampoule (1775)
Famille Maison de Talleyrand-Périgord

Emblème

Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord, surnommé le comte de Talleyrand, né le à Paris et mort le dans la même ville, est un gentilhomme et militaire français. Il est le père du célèbre Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille[modifier | modifier le code]

Né le 14 juin 1734 à Paris, Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord est le fils de Daniel-Marie Anne de Talleyrand-Périgord, marquis de Talleyrand et comte de Grignols (1706-1745) et de Marie-Élizabeth Chamillart de Cany (1713-1788). Du premier mariage de son père avec Marie Guyonne de Rochefort-Théobon, il a comme demi-frère Gabriel-Marie de Talleyrand-Périgord (1729-1795). Ses parents auront encore après lui 4 enfants : Augustin Louis, vicomte de Talleyrand (1735-1799), Alexandre-Angélique, futur cardinal (1736-1821), Louis-Marie, baron de Talleyrand (1738-1799) et Marie-Élizabeth, future marquise de Chabannes (1733-1812).

À cette époque, la maison de Talleyrand-Périgord fait partie de la haute noblesse de cour et bénéficie de nombreuses charges et fonctions , tant sur le plan civil (Menin du dauphin, dame du palais de la Reine, dame d'honneur de « Mesdames les cadettes », etc.) que militaire (commandement du Régiment de Normandie, lieutenant-général du roi, commandant général du Languedoc, etc.).

Mariage et carrière[modifier | modifier le code]

Le début de carrière de Charles-Daniel se montre assez prometteur. Bénéficiant des mêmes réseaux d'influences que son père (mort au siège de Tournai en 1745) et que son demi-frère au sein de la maison du dauphin, son avancement dans la hiérarchie militaire semble démarrer sous de bons auspices. Il devient ainsi colonel aux grenadiers de France dès 1752[1].

En 1751, alors qu'il n'a que 16 ans, il épouse Alexandrine de Damas d'Antigny (1728-1809), nommée pour l'occasion dame d'honneur de la dauphine. Son épouse (alors âgée de 22 ans) provient d'une famille de bonne noblesse mais encore mal établie à la cour. Croyant en la carrière de Charles-Daniel, la mariée apporte une dot de 15 000 livres de rente[2] (ce qui est une somme correcte). Le jeune couple habite alors la maison du 4, rue Garancière à l'ombre de Saint-Sulpice et y auront bientôt plusieurs enfants : Alexandre (1752-1757), Charles-Maurice (1754-1838), Archambaud (1762-1838), Boson (1764-1830) et Louise (1771-1771)[3]. Chose plutôt rare dans la société nobiliaire, le couple restera uni et fidèle jusqu'à la fin[4].

Il est tout de même important de mentionner que sa fortune n'a rien à voir avec celle de Gabriel-Marie. Ce dernier est en effet l'ainé et a bénéficié d'une stratégie familiale pour lui faire épouser Marie-Françoise-Marguerite de Talleyrand-Périgord, héritière de la branche des princes de Chalais (la branche aînée des Talleyrand) et ainsi conserver son immense fortune au sein de la famille. Il ne reste donc plus grand-chose à Charles-Daniel, qui devra se contenter d'un mode de vie bien plus modeste[5].

Malgré ces désagréments financiers, le comte de Talleyrand obtient quelques charges de la part de Louis XV, qui se préoccupe de la situation du jeune couple[6]. C'est ainsi qu'en 1759, il devient menin du dauphin et mestre de camp du Régiment de Talleyrand (qui sera incorporé en 1761 au Régiment Royal-Piémont dont il prendra aussi le commandement)[7]. Par ses nouvelles responsabilités, Charles-Daniel prendra part aux campagnes d'Allemagne de la Guerre de Sept Ans, où il sera d'ailleurs récompensé en devenant chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis[8] .

Position à la cour[modifier | modifier le code]

« Je suis né en 1754 ; mon père et ma mère avait peu de fortune ; ils avaient une position de cour qui, bien conduite, pouvait mener à tout, eux et leurs enfants »[9]

— Talleyrand, Mémoires

Portrait d'Alexandrine d'Antigny et de Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord, fusain par Henri-Pierre Danloux (1773)

La position à la cour de Charles-Daniel et de sa femme reste tout de même assez précaire. Ils font partie de cette haute noblesse de cour désargentée, que les pensions accordées par le roi permettent de soutenir. Cependant, la mort du dauphin, père du futur Louis XVI, et la perte des réseaux qui lui étaient attachés mettent la famille dans une situation bien moins confortable. Alexandrine, qui n'arrive pas à faire partie du cercle privée de la nouvelle dauphine[10], devra se contenter de vivre dans un modeste appartement sous les combles de l'aile nord du château que l'on surnomme « le trou dans le mur »[11].

Dans une société aristocratique où l'élégance et le luxe sont coutumiers, c'est un véritable défi que de pouvoir vivre sans réelles richesses (notamment des terres ou des domaines en province). Pour cela, il faut nécessairement s'entremettre, demander des places, des pensions et solliciter tout le monde. La comtesse de Talleyrand y excelle (à tel point qu'on l'accusera de faire vivre sa famille avec « les miettes tombées des tables de Versailles »[12]), et transmettra cette faculté à Charles-Maurice qui saura et voudra comme elle pourchasser la fortune[13].

Le jeune roi Louis XVI a pour sa part une certaine estime pour Charles-Daniel. L'ayant eu comme menin, il le place dans son entourage proche et lui permet d'être l'un des quatre otages de la sainte-ampoule lors de son sacre en 1775. Considérant avec respect le miliaire, il l'invite régulièrement à ses chasses dans les bois de Compiègne ou de Fontainebleau[14]. Le roi le fait aussi chevalier du Saint-Esprit le 1er janvier 1776, puis lieutenant général des armées du roi en 1784[15].

Éducation des enfants[modifier | modifier le code]

« (...) je suis peut-être le seul homme d'une naissance distinguée et appartenant à une famille nombreuse et estimée, qui n'ait pas eu, une semaine de sa vie, la douceur de se trouver sous le toit paternel »[16]

— Talleyrand, Mémoires

Portrait d'Alexandrine de Damas d'Antigny, la mère de Talleyrand, par Joseph Chabord

Dans ses mémoires, Talleyrand se présente comme un enfant presque abandonné chez une nourrice, délaissé et mal-aimé par ses parents. Cette vision des choses doit être remise dans le contexte de la société aristocratique du XVIIIe siècle pour être bien comprise. À une époque où les idées de Rousseau sur l'éducation ne sont pas encore publiées et où le concept d'amour parental est absent de l'aristocratie, les accusations d'indifférence lancées par Talleyrand envers ses parents ne montrent en fait que la réalité des choses[17].

Ainsi, alors que Talleyrand se trouvait en province où il prétend être devenu boiteux à la suite d'une chute et du manque d'attention de sa nourrice et de ses parents (ce qui est très contesté aujourd'hui, car on attribue le pied bot de Talleyrand au syndrome de Marfan[18]), sa mère était accaparée par ses charges à Versailles, et son père était occupé à son rôle de menin du dauphin ou à ses responsabilités militaires lors de guerre de Sept Ans[19].

On peut comprendre les pensées de Talleyrand à la suite de ces séjours chez sa nourrice, au château de Chalais, puis au collège d'Harcourt[20] et sa frustration de devoir prendre une carrière ecclésiastique et de perdre son droit d'ainesse au profit d'Archambaud[21], tout cela cause de son handicap. Il faut cependant comprendre que ces manœuvres n'auraient choqué personne dans l'aristocratie du XVIIIe siècle. De plus, Charles-Daniel et Alexandrine font tout de même très attention à la santé de leur ainé (Alexandre étant mort en 1757) en l'emmenant en cure thermale à Forges, et assistent avec fierté à la célébration de sa première messe le 19 décembre 1799[22].

Portrait de Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord en pied, par Joseph Chabord (sur une commande de Talleyrand pour son château de Valençay)

Agonie et mort[modifier | modifier le code]

En 1788, dans l'habitation de la rue Saint-Dominique, Charles-Daniel tombe dangereusement malade à la suite d'une inspection de troupes. Charles-Maurice, qu'on appelle alors l'abbé de Périgord et qui désire vivement un évêché (il aurait dû l'obtenir depuis longtemps), vient lui demander en pleurs le pardon pour sa conduite passée[23]. Attendri, le père écrit sur son lit de mort un lettre à Louis XVI pour faire de son fils un évêque. Alors qu'il se refusait à cet acte depuis des années car il connaissait bien la réputation de Talleyrand, le roi va céder devant la supplique du mourant et permettre au fils de devenir évêque d'Autun[24].

Deux jours après la nomination de son fils, soit le 4 novembre 1788, Charles-Daniel meurt. Son enterrement est discret car il avait ordonné dans son testament « qu'on l'enterrat de la manière la plus simple et qu'on distribuerait aux pauvres la somme qu'aurait coûté un service pour une personne de son rang »[25]. Son cortège sera tout de même suivi par le clergé de Saint-Sulpice, qui considérait avec honneur le défunt comte.

Sources principales[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Ordonnance du 30 mai 1752
  2. Michel Poniatowski, Talleyrand et l'ancienne france, Paris, Librairie académique Perrin, , 584 p., p. 31
  3. Albert Révérend, Les familles titrées et anoblies au XIXe siècle, vol. 6 : titres, anoblissements et pairies de la Restauration, 1814-1830, Paris, H. Champion, 1901-1906 (lire en ligne), p. 302-303
  4. Jacques Vivent, Monsieur de Talleyrand intime, Hachette, , p. 12
  5. "Il était cadet car il avait un frère ainé d'un autre lit qui est le comte de Périgord, ce qui faisait que le comte de Talleyrand n'était pas riche". citation tirée d'un écrit de Jacques-François de Damas, marquis d'Antigny.
  6. Le roi s'informe auprès du M. de Saint-florentin de "comment allait notre ménage, si M. de Talleyrand m'aimait autant que dans le commencement de notre mariage. Il a prédit que j'aurai beaucoup d'enfants, que c'était ordinaire quand on n'était pas riche. Tout ce détail est obligeant. Je voudrais qu'il me menât à avoir quelque chose...". citation tirée d'une lettre d'Alexandrine de Damas d'Antigny à sa mère.
  7. Jean-Baptiste Courcelles, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France, des grands dignitaires de la couronne, des principales familles nobles du royaume, et des maisons princières de l'Europe, Paris, 1822-1833 (lire en ligne), p. 56
  8. Alexandre Mazas, Histoire de l'ordre militaire de Saint-Louis, depuis son institution en 1693 jusqu'en 1830, vol. 2, Paris, 1855-1856 (lire en ligne), p. 268
  9. Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, Mémoires du prince de Talleyrand (1754-1808), vol. I, Paris, 1891-1892 (lire en ligne), p. 3
  10. "Madame de Lamballe, mesdames de Talleyrand, de Bréant, d'Hunolstein, de Vauban ont eu à peu près le même sort. Seule la duchesse de Polignac est parvenue à fixer l'attention de la reine". Citation tirée de Journal du marquis de Bombelles, t. I, Droz, , à la date du 12 octobre 1782
  11. Expression du duc de Luynes tirée de William R. Newton, L'Espace du roi. La Cour de France au château de Versailles. 1683-1789, Paris, Fayard, , p. 408-411
  12. « Mais il est temps d'en venir à l'Abbé de Talleyrand. Sa mère et son père, qui était cadet de leur famille, habitaient Versailles, et ils étaient si démunis qu'ils y vivaient des buffets de la cour, au détriment des profits du grand-commun. Ils avaient, en guise de maître-d'hôtel, une sorte de Maître-Jacques, qui s'en allait tous les jours chercher leur provende à la desserte des tables royales, dont les officiers avaient ordre de le traiter favorablement » citation tirée de Souvenirs de la Marquise de Créquy
  13. Michel Poniatowski, Talleyrand et l'ancienne france, Paris, Librairie académique Perrin, , 584 p., p. 45
  14. Dans l'inventaire après décès, on retrouvera « un habit de chasse du roy de drap bleu avec un galon en or et argent » et Charles-Daniel possède également des garde-robes à Compiègne et Fontainebleau
  15. Jean-Baptiste Courcelles, Dictionnaire historique et biographique des généraux français, depuis le onzième siècle jusqu'en 1820, (lire en ligne), p. 221
  16. Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, Mémoires du prince de Talleyrand (1754-1808), vol. I, Paris, 1891-1892 (lire en ligne), p. 18
  17. "Qu’il ait été abandonné aux soins d’une nourrice, puis envoyé chez son arrière-grand-mère paternelle dans le sombre château de Chalais, qu’il soit entré à l’âge de huit ans au fameux collège d’Harcourt à Paris, sans avoir pratiquement rencontré ses parents qu’il ne verra ensuite, brièvement, qu’une fois par semaine, il n’y a là rien d’étonnant selon les mœurs du temps. Qu’il ait réchappé de la petite vérole à onze ans, qu’on ait voulu en faire un homme d’église malgré sa qualité d’aîné, et sans se préoccuper de ses intentions, à cause de sa claudication, et parce que son oncle était évêque coadjuteur de l’archevêque de Reims, qu’on l’ait envoyé au séminaire de Saint-Sulpice au régime redoutable pour un adolescent, ce n’était là encore que très normal". citation tirée de Jacques Jourquin, Talleyrand, un diable d'homme, (lire en ligne)
  18. Marius Lacheretz, Le pied bot et son association à un syndrome de Marfan (lire en ligne)
  19. David Lawday (trad. Valérie Malfoy), Talleyrand, le maître de Napoléon [« A life of Prince Talleyrand »], Albin Michel, (lire en ligne), p. 27
  20. "Le dix-septième jour j'arrivai à Paris à onze heures du matin. Un vieux valet de chambre de mes parents m'attendait rue d'Enfer, au bureau des coches. Il me conduisit directement au collège d'Harcourt(...). J'avais été frappé par ma subite entrée au collège sans préalablement avoir été conduit chez mon père et ma mère. J'avais huit ans, et l’œil paternel ne s'était pas encore arrêté sur moi." citation tirée de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, Mémoires du prince de Talleyrand (1754-1808), Paris, 1891-1892 (lire en ligne), p. 14
  21. "Ce fut de surcroît, pour Talleyrand, la déchéance de son droit d'aînesse. Une tradition constante, en effet, veut qu'il en ait été dépossédé vers l'âge de treize ans, par un conseil de famille, au bénéfice de son frère Archambaud, son cadet de huit années". Citation tirée de Jacques Vivent, Monsieur de Talleyrand intime, Hachette, (lire en ligne), chap. II (« L'infirmité de Talleyrand »), p. 26
  22. Michel Poniatowski, Talleyrand et l'ancienne france, Paris, Librairie académique Perrin, , 584 p., p. 132
  23. "Abbé de cour, la vie qu'il mène ne saurait passer pour édifiante. Il lit Sade, fréquente Laclos, rencontre Restif de La Bretonne. Une galerie, une guirlande de jolies femmes fait cortège à ce Des Grieux. C'est une suite d'estampes galantes à la manière de l'époque que la chronique de sa vie". citation tirée de Raymond Isay, « Talleyrand et l'esprit français », La Revue des deux Mondes,‎ , p. 244 (lire en ligne, consulté le )
  24. Souvenirs de Mgr de Sausin + Notes manuscrites de l'abbé Verdollin, secrétaire de la Feuille
  25. Conversation avec M. Castelnau, père de la Communauté de Laon, t. XII, Faillon, p. 154